C’est assez rare mais cela peut arriver: une élection peut en cacher une autre. C’est le cas actuellement au Mali où les élections générales d’avril -mai 2012 éclipsent toutes les autres. Ainsi, c’est dans la quasi-indifférence générale que le Gouvernement a annoncé l’élection prochaine des membres du Haut conseil des collectivités.
A l’exception des états-majors des partis politiques, nul ne semble véritablement s’intéresser à ce scrutin qui, pourtant ne manque ni d’intérêt, ni d’enjeu, compte tenu du rôle que cette institution a la vocation d’assumer, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la décentralisation.
En effet, aux termes de la Constitution du 25 février 1992, le Haut conseil des collectivités est la septième institution du Mali. Il est composé de 75 membres élus au scrutin indirect portant le titre de conseillers nationaux. Ses membres assurent la représentation des collectivités territoriales de la République.
Les conseillers nationaux étant élus pour cinq ans au suffrage indirect, le mandat des actuels membres du Haut conseil des collectivités arrive à expiration le 05 avril 2012. C’est pourquoi, le Gouvernement a pris, par décret pris en Conseil des Ministres, la décision de convoquer le collège électoral au 25 mars 2012 afin de pourvoir au remplacement de ses membres par l’élection de nouveaux conseillers nationaux.
Cette décision intervient, faut-il le rappeler, en application des dispositions pertinentes de l’article 99 de la Constitution du 25 février 1992, qui fixe la durée du mandat et les missions des membres du Haut conseil des collectivités, et de celles de la loi n°01-006 du 24 avril 2001 portant loi organique fixant le nombre des conseillers nationaux, leurs indemnités, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.
En pratique, le Haut conseil des collectivités, auquel la Constitution actuelle confère un pouvoir consultatif, est resté une institution assez mal connue, malgré les efforts mis en œuvre par son président, M. Oumarou Ag Mohamed, pour la faire connaître et la faire respecter. Les interrogations les plus courantes entendues au sujet de l’institution ont trait aux modalités de recrutement des membres du Haut conseil, aux attributions de celui- ci et, à sa configuration politique.
Qui peut être membre du Haut conseil des collectivités ?
Suivant une construction pyramidale propre aux organes issus de scrutins indirects, le Haut conseil est l’émanation d’autres institutions. De manière immédiate, il est formé de membres désignés par le Conseil du district de Bamako et les huit Assemblées régionales que compte le Mali. Rappelons que le Conseil du District et l’Assemblée régionale sont eux- mêmes composés de membres issus des Conseils de Cercle. Les conseillers de cercle sont désignés parmi les conseillers communaux élus.
Le caractère dérivé du Haut conseil des collectivités fait naturellement que les conseillers nationaux ne peuvent être élus que lorsque les institutions suivantes sont mises en place: Conseils communaux, Conseils de Cercle, Conseil du District et Assemblées Régionales.
C’est cette particularité qui explique le décalage normal entre la durée du mandat de l’institution et celle des députés et du président de la République. Dans les faits, le Haut conseil n’est installé que plusieurs années après l’installation des Conseils communaux, et plusieurs mois après celle des Assemblées régionales.
Quelles Sont les attributions constitutionnelles du Haut conseil des collectivités ?
Aux termes de l’article 99 de la Constitution, le Haut conseil des collectivités a pour « mission d’étudier et de donner un avis motivé sur toute politique de développement local et régional et peut faire des propositions au Gouvernement pour toute question concernant la protection de l’environnement et l’amélioration de la qualité de la vie des citoyens à l’intérieur des collectivités ».
Le Gouvernement est, dans ce cas, «tenu de déposer un projet de loi conforme dans les quinze jours de sa saisine sur le bureau de l’Assemblée Nationale ». La saisine préalable du Haut conseil des collectivités, pour avis, est obligatoire pour toutes actions concernant les domaines définis par l’article 99 précité.
Il convient de souligner que le Haut conseil des collectivités ne peut être dissout (article 100 Constitution), ce qui constitue une garantie juridique remarquable dans ses relations avec les autres institutions de la République, dont il est indépendant.
Quelles sont les forces politiques représentées au sein du Haut conseil des collectivités ?
Institution dérivée en vérité des élections communales, qui sont un scrutin direct, le Haut conseil actuel, installé en avril 2007, reflète le rapport des forces qui s’est dégagé dans le pays à l’issue des élections communales de 2003, élections qui ont placé certains partis, dont l’Adema/Pasj, l’Urd et le Rpm au rang de premières forces politiques en termes de nombres d’élus communaux obtenus. Cette situation s’est logiquement traduite au niveau de la représentation institutionnelle des collectivités territoriales par une prééminence de l’Adema/Pasj.
L’enjeu du scrutin du 25 mars 2012 ne doit par conséquent pas être perdu de vue: il s’agit de savoir si la force du fait majoritaire qui a prévalu pour la mise en place du Haut conseil précédent est toujours une réalité et si le rapport des forces, extrêmement favorable à l’Adema, établi à l’issue des communales de 2009 et de la mise en place des Conseils de cercle et des Assemblées régionales, ne sera pas démenti.
En l’état, tout porte à croire que le scrutin confirmera très probablement la position hégémonique de ce parti, qui assure la présidence de la totalité des Assemblées régionales, en sus de celle du district de Bamako et de la majorité des Conseils de Cercle. Rappelons que le Président du Haut conseil des collectivités est lui – même issu de ce parti.
Birama FALL
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