Financement des partis politiques : La Section des comptes de la Cour suprême demande la relecture de la loi

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Seuls 58 partis politiques, sur les 165 partis qui existaient officiellement au Mali (en 2013), ont déposé leurs comptes annuels auprès de la Section des comptes de la Cour suprême pour le compte de l’exercice 2013, en application des dispositions de l’article 27 de la loi n° 05-047 du 18 août 2005 portant charte des partis politiques et surtout pour bénéficier du financement des partis politiques. Au finish, seuls les comptes de 47 partis politiques ont été reconnus “réguliers et sincères”, les comptes de 11 partis politiques ayant donc été rejetés pour diverses raisons. Par ailleurs, la Section des comptes a formulé des recommandations importantes allant dans le sens d’améliorer la transparence de la gestion financière au niveau des partis politiques.

Selon les dispositions de l’article 27 de la loi n° 05-047/ du 18 août 2005 portant charte des partis politiques, “les partis politiques sont tenus de déposer au plus tard le 31 mars de chaque année leurs comptes annuels de l’exercice précédent auprès de la Section des comptes de la Cour suprême. Cette juridiction établit au plus tard le 31 décembre de l’année en cours, un rapport annuel de vérification des comptes de l’exercice précédent qui est rendu public”.

Selon toujours les mêmes dispositions: “La Section des comptes procède à la vérification de la moralité des recettes et des dépenses, ainsi que de la sincérité des comptes du parti. Elle peut exiger toutes justifications et explications nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle a accès à tous documents, états de caisse et livres journaux. La vérification peut s’étendre à toutes les structures du parti”.

C’est en application de cette disposition que sur les 165 partis politiques enregistrés au Ministère de l’Administration territoriale en 2013, seuls 58 ont déposé leurs comptes annuels auprès de la Section des comptes et après examen des comptes reçus, “la Section des comptes en chambres réunies a certifié les comptes de 47 partis politiques réguliers et sincères”.

Onze partis politiques ont donc été recalés, leurs comptes ayant été rejetés pour des raisons énumérées par la Section des comptes de la Cour suprême: la non production du compte de gestion et des annexes obligatoires conformément aux textes en vigueur ; l’absence et/ou l’insuffisance de pièces justificatives de recettes et de dépenses et la non-tenue des registres et documents comptables.

Par ailleurs, comme le précise la Section des comptes dans son rapport 2014 qui a été diffusé récemment : “La Section des comptes a constaté de façon générale l’absence de nomenclature des dépenses à l’instar des recettes des partis politiques. En outre, elle a relevé une faiblesse notoire les ressources propres (cotisations, cartes de membres, contributions volontaires)”.

Il y a lieu donc, au vu de ce constat, de se demander comment les partis politiques parviennent-ils à vivre, disons même à survivre, pour atteindre ce nombre pléthorique de 165 partis politiques. Il y en a d’ailleurs beaucoup plus maintenant car de nouveaux partis politiques sont apparus depuis lors et ont dû certainement se faire enregistrer pour avoir le droit de mener légalement des activités.

Cette question sur les ressources des partis politiques, que nous nous posons au-delà du rapport de la Section des comptes, a toute son importance si l’on sait que selon l’article 26 de la même loi n° n° 05-047 du 18 août 2005 portant charte des partis politiques: “Tout parti politique doit tenir une comptabilité régulière et un inventaire de ses biens meubles et immeubles conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Les documents et pièces comptables doivent être conservés pendant dix ans au moins. Le délai de conservation commence à la clôture de l’exercice comptable”.

Et les ressources, telles que spécifiées par l’article 21 ladite loi, sont constituées d’une part de ressources propres (cotisations des membres ; contributions volontaires et les souscriptions communes des membres ; placement des cartes de membres ; produits de leurs biens patrimoniaux ; recettes de leurs activités) et d’autre part de dons, legs, libéralités et subventions. Mais l’article 24 précise que : “Le montant cumulé des dons, legs et libéralités ne doit en aucun cas dépasser 50 % du montant total des ressources propres du parti politique et doit faire l’objet d’une déclaration adressée à la clôture de l’exercice budgétaire au ministre chargé de l’Administration Territoriale, avec mention de la nature et de la valeur des dons, legs et libéralités”. Aucun parti politique ne le fait. S’il y en a d’ailleurs, c’est l’exception qui confirme la règle. Alors que, pour le financement public prévu à l’article 30 de la même loi, seuls les partis politiques en règle au regard des dispositions de cette loi sur les chartes politiques peuvent y accéder, comme l’a rappelé ledit rapport de la Section des comptes de la Cour suprême. En effet, les partis politiques ont l’obligation de tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles ; justifier la provenance de leurs ressources financières et de leur utilisation. Avec ces contraintes, l’on comprend pourquoi 11 partis politiques ont vu leurs comptes rejetés et ne devront donc, légalement, pas prétendre au financement public de l’année 2015.

Pour plus de clarté dans la traçabilité financière des ressources des partis politiques, la section des comptes de la Cour constitutionnelle recommande au Ministère de l’Administration territoriale la relecture de loi sur la Charte des partis politiques pour prendre en charge les insuffisances constatées et aussi la relecture du manuel de vérification des comptes des partis politiques en vue de l’harmoniser avec les dispositions de la Charte.            

                       A.B.NIANG

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