Cour constitutionnelle : Une lettre-circulaire peu ordinaire

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Cour Constitutionnelle du Mali

La lettre-circulaire n° 001/P-CCM du 20 février 2018 ne fournit aucune explication, ne fait aucun commentaire sur les dispositions rappelées. Elle est en fait une juxtaposition de dispositions constitutionnelles et législatives, mélange hétéroclite peu digeste dans un but non explicite. Si l’objectif recherché est de prévenir de potentiels dérives, la Cour Constitutionnelle n’est pas dans son rôle.

Par une lettre-circulaire portant le n° 001/P-CCM et datée du 20 février 2018, la Présidente de la Cour Constitutionnelle du Mali, dans le souci me semble-t-il d’assurer le déroulement des prochaines élections présidentielle et législatives dans la sérénité, rappelle un certain nombre de dispositions juridiques tirées de la Constitution, de la loi électorale ( Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016), de la Loi n°00- 46 du 7 juillet 2000 portant régime de la presse et délit de presse et du Pacte International sur les droits civils et politiques.

Les destinataires de cette lettre-circulaire sont:

–           les présidents des institutions de la République ;

–           les Ministres ;

–           le Conseil National de la Société Civile ;

–           les partis politiques ;

–           les syndicats ;

–           les confessions religieuses ;

–           les organisations de défense des droits de l’Homme.

Ce qui frappe en premier lieu dans  ce document, c’est la diversité et la qualité des destinataires.

Dans l’orthodoxie administrative,  une lettre-circulaire (ou circulaire tout court) est un document émis par une autorité administrative pour faire passer une information à l’ensemble des composantes du service qu’il dirige, aux services placés sous son autorité ou sa tutelle. Les destinataires de la lettre circulaire sont donc quelque part unis sous une même bannière (Chef du Gouvernement, ministres, chefs de services, représentants de l’Etat (Gouverneurs, Préfets, Sous-Préfets) etc.

Lorsqu’exceptionnellement, des services relevant de deux ministères sont concernés par son objet, le document prend la forme d’une circulaire (ou lettre-circulaire) interministérielle.

Manifestement, la lettre-circulaire n° 001/P-CCM du 20 février 2018 déroge à cette règle.

Dans la forme, la lettre-circulaire est donc inappropriée pour la gestion des relations entre institutions de l’Etat. Elle l’est encore davantage lorsqu’elle concerne des entités non administratives : Conseil National de la société civile, partis politiques, syndicats confessions religieuses. etc. Ce mélange hétéroclite des destinataires confère au document une certaine étrangeté.

Dans le fond, la circulaire vise à clarifier des dispositions d’un texte législatif ou règlementaire, ou à donner des orientations sur la conduite à tenir, les actions à mener ou à éviter dans des circonstances particulières.

Or, la lettre-circulaire n° 001/P-CCM du 20 février 2018 ne fournit aucune explication, ne fait aucun commentaire sur les dispositions rappelées. Elle est en fait une juxtaposition de dispositions constitutionnelles et législatives, mélange hétéroclite peu digeste dans un but non explicite. Si l’objectif recherché est de prévenir de potentiels dérives, la Cour Constitutionnelle n’est pas dans son rôle.

En tout état de cause, il n’est pas souhaitable que le mode de communication apparu avec la lettre-circulaire n° 001 fasse école, car en tant qu’organe juridictionnel de régulation, la Cour Constitutionnelle ne devrait opérer que sur la base de saisines, soit pour donner des avis, soit pour rendre des arrêts, dans les conditions prévues par les textes qui la régissent. Toute excursion or de ce champ est potentiellement porteuse d’atteinte à la séparation des pouvoirs constitutionnels et à l’Etat de droit.

Il y a donc lieu d’être particulièrement attentif aux interventions de notre Cour Constitutionnelle dont la pleine capacité à réguler les prochaines élections présidentielle et législatives a encore besoin d’être prouvée.

Enfin, le document contient de nombreuses incorrections qui ne peuvent être mises à l’actif de la Cour Constitutionnelle.

Bamako, le 13 mars2018

Boubacar SOW

Administrateur Civil, Faladié SEMA, Bamako

 

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