Chronique satirique : La foire aux prolongations

0

 Les membres des institutions constitutionnelles maliennes ont trouvé un moyen commode d’assurer leur table sans payer un sou: prolonger leur mandat. Sur le dos du peuple, bien entendu…

 

L’Assemblée nationale, une des institutions

Depuis que le monde est monde, l’argent public sert à assurer le festin de quelques privilégiés. Chacun d’eux peut donc, sans danger, se lécher les doigts. Les choses ne se gâtent que quand on veut pousser le plaisir jusqu’à se lécher les pieds. Se lécher les pieds, c’est bien le doux sport auquel se livrent  aujourd’hui les institutions maliennes. Sous couvert de transition et de période exceptionnelle, toutes veulent continuer à manger sans devoir se soumettre à un nouveau vote populaire. D’où la grande épidémie de prolongations qui sévit sous nos tropiques.

La foire des prolongations a commencé à la présidence de la République. Le “Vieux Commando” ayant dû nuitamment fuir son palais à dos d’homme, il fut remplacé, sans élections, par le chef des députés Dioncounda. Ce dernier avait 40 jours pour achever son séjour de président intérimaire à Koulouba mais comme les lieux lambrissés et boisés lui plaisaient à merveille, il a pensé à s’y maintenir encore un an. Sans élection et en prenant un nouveau nom, celui de président de la transition.Pensait-il qu’en changeant son nom de “président intérimaire” en “président de la transition” on ne le reconnaîtrait plus ? En tout cas, ses ennemis ne se sont point trompés de tête et c’est Dioncounda, et non un autre, qui a dégusté la pluie de bâtons qui s’est abattue sur Koulouba.

Dioncounda, au cas où l’envie lui venait de retourner au perchoir de l’Assemblée nationale, n’en aura plus la possibilité. Prolongation pour prolongation, les députés n’ont pas perdu de temps pour introniser à leur tête l’honorable Younoussi Touré, naguère premier vice-président du parlement. Si d’aventure une nouvelle bastonnade devait se produire en haut lieu et que le président de la transition devait démissionner ou dévaler la montagne à la manière du “Vieux Commando”, Younoussi pourrait faire valoir ses droits à la magistrature suprême. Sans vote ni autre forme de procès…

Les députés qui ont porté Younoussi au perchoir ne se sont pas oubliés eux-mêmes. Par une loi (rien de moins!), ils ont voté la prolongation de leur propre mandat. Si on nous apprend à l’école que la loi est générale et impersonnelle, celle qui reconduit ici le mandat des députés est bel et bien particulière et personnelle. Le comble, c’est que ces fameux députés auto-reconduits ne servent strictement à rien. A preuve, ils ont convoqué le gouvernement pour l’entendre dans le cadre de l’agression du chef de l’Etat. Mais notre auguste Premier ministre, du haut de ses “pleins pouvoirs” et de sa navette spatiale, a cru bon de ne pas déférer à la convocation de députés à la gomme et de jeter leur papier au panier. Réaction de  l’Assemblée ? Motus et bouche cousue ! Les primes parlementaires mensuelles sont trop précieuses pour être sacrifiées dans une guéguerre contre un puissant Premier ministre, astrophysicien de surcroît. Surtout qu’en ces temps de galère et de colère populaire, il ne fait pas bon jeter un député déhors!

Voyant que ses semblables prolongent leur mandat à tout bout de champ, voilà maintenant la chambre de commerce et d’industrie qui veut sa part du gâteau. Petit problème: la chambre de commerce ne figure pas sur la courte liste des institutions républicaines citées  par la Constitution. Second petit souci: le président de la chambre, le nommé Jeamille Bittar, a pris la clé des champs depuis que des militaires, prompts des bottes et des taloches, lui ont rendu une visite de courtoisie nocturne. Du coup, la chambre de commerce risque fort de ne pas participer au festin des prolongations et de voir ses dirigeants, insigne injure !, soumis à un vote de leurs militants.

Les questions que le bon peuple se pose à présent sont simples: pourquoi payer des députés alors que nul n’a besoin d’eux ? Pourquoi leur distribuer nos maigres sous alors que le Premier ministre est doté de “pleins pouvoirs” destinés lui  permettre de gouverner par ordonnances ? Si l’état d’exception autorise à prolonger les mandats, pourquoi alors changer  les ministres, les gouverneurs, les préfets et les directeurs de services ? N’y aurait-il pas là détournement général de deniers publics ?

 

Tiékorobani

Commentaires via Facebook :