L’Organisation de coopération et de développement économiques a rendu public, le mardi 21 mars, un nouveau rapport sur la violence politique et armée qui devient plus rurale en Afrique de l’Ouest. Ainsi, il a été indiqué que la violence se déplace vers les zones rurales à mesure que l’urbanisation augmente dans cette partie du continent.
L’urbanisation n’a donc pas conduit à une augmentation de la violence urbaine en Afrique de l’Ouest. C’est plutôt l’inverse si l’on en croit un nouveau rapport de l’OCDE paru le mardi 21 mars. Ce document précise également que « l’expansion des insurrections djihadistes explique cette ruralisation des conflits qui touche un nombre croissant de civils et de régions frontalières ».
Notons que le rapport met en lumière comment, à mesure que l’Afrique de l’Ouest devient plus urbaine, la violence tend à se déplacer vers les zones rurales. “L’augmentation de la violence rurale observée depuis le début des années 2010 contredit l’hypothèse courante selon laquelle l’urbanisation du continent africain conduirait à des conflits plus violents dans les villes“, explique le Dr Olivier Walther, géographe à l’Université de Floride qui a coordonné l’analyse de 48 000 événements violents dans 21 pays.
Exploitant quelques données statistiques, le rapport souligne que moins de 20% des combats, violences et attaques à distance contre les civils enregistrés en 2022 en Afrique de l’Ouest se déroulent en milieu urbain, contre 70% il y a dix ans. De plus, globalement, 60 % des événements violents observés en 2022 se produisent dans les zones rurales de la région ouest-africaine. Aussi, alors que la plupart des violences se sont produites dans des zones à faible densité, la violence politique est néanmoins spatialement associée aux zones urbaines.
Cette étude menée par l’OCDE confirme que les événements violents se produisent le plus souvent près des villes et des lieux urbanisés. Au cours des 22 dernières années, 47 % de tous les événements violents se sont produits à moins de 10 km d’une zone urbaine et 68 % à moins de 40 km. En d’autres termes, plus on se rapproche d’une agglomération urbaine, plus on trouve de violence agrégée, mais ces événements se produisent toujours dans les zones rurales. La forte relation entre la population urbaine et la violence souligne l’importance des villes d’Afrique de l’Ouest en tant que sites d’autorité de l’État, d’importance économique, d’éducation religieuse et de contrôle politique.
Ces résultats élargissent les recherches antérieures documentant l’évolution de la géographie des conflits en Afrique de l’Ouest depuis la fin de la guerre froide par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (SWAC) de l’OCDE, qui a noté que plus on s’éloigne de la frontière, moins on observe d’événements violents. Selon le Dr Marie Trémolières, qui dirige le programme de sécurité du SWAC dans la région, le fait que la proximité des frontières et des villes façonne la violence politique comble un manque de connaissances pour les décideurs politiques. « Comprendre où la violence émerge, se propage et finit par se dissiper dans la région est une première étape nécessaire pour s’attaquer à ses causes profondes », dit-elle.
Signalons que la violence urbaine touche principalement les petites villes plutôt que les grandes. Près de 40 % des événements violents et 64 % des décès se sont produits dans les petites aires urbaines de moins de 100 000 habitants, qui représentent 92 % des villes et 32 % de la population du continent en 2015. La violence armée est particulièrement rare dans les grandes villes où elle ne représente que 3 % des événements violents et 1 % des décès.
Pour le Dr Steven Radil de l’US Air Force Academy, contributeur à cette étude, la proximité spatiale des petits centres urbains avec les zones de conflit rurales explique pourquoi la majorité des victimes ne vivent pas dans les villes. “Nos résultats témoignent de la réalité selon laquelle les groupes extrémistes violents ont tendance à être basés dans des régions à faible population et à opérer loin des centres de pouvoir de l’État que l’on trouve souvent dans les grandes zones urbaines”, a-t-il déclaré.
La violence rurale est alimentée par les insurrections djihadistes
L’étude suggère que la relation entre les villes et la violence armée varie considérablement d’un État à l’autre en Afrique de l’Ouest. Alors que la plupart des événements violents ont tendance à se produire à proximité des zones urbaines au niveau régional, certains États d’Afrique de l’Ouest comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, semblent souffrir davantage de conflits ruraux que d’autres. Le fait que ces trois pays suivent la même tendance n’est guère surprenant, puisqu’ils sont tous actuellement confrontés à d’importantes insurrections djihadistes.
“Les organisations djihadistes ont développé une relation inhabituelle avec les villes de la région“, explique le Dr Alexander Thurston, un expert en religion de l’Université de Cincinnati qui a participé à l’étude. “Certains groupes djihadistes ont commencé comme des mouvements urbains, tandis que d’autres recherchent délibérément des cachettes éloignées, attaquent des avant-postes militaires et kidnappent des Occidentaux » a-t-il relevé. Le rapport estime que les conflits autour du contrôle des villes vont s’intensifier.
Toutefois, la ruralisation actuelle de la violence armée observée dans la région ne signifie pas que les grandes villes ont perdu leur importance stratégique, car elles resteront à terme des lieux clés et des objectifs à long terme pour les forces étatiques, les rebelles et les organisations extrémistes. Le rapport conclut que la concentration croissante de la violence dans les zones rurales correspond à l’une des nombreuses étapes que traversent les conflits dans leur cycle de vie. Au fur et à mesure que les conflits émergent, se développent et finissent par se terminer dans une partie de la région, l’importance pour les belligérants des espaces ruraux ou urbains change.
Cheick B CISSE