Un pays privé de son passé est un pays privé de son avenir. Au moment où des groupes extrémistes ont entrepris de détruire les mausolées et mosquées de Tombouctou et menacent les manuscrits conservés dans cette ville, patrimoine irremplaçable de l’islam et du monde, c’est l’avenir de l’Afrique sahélienne qui se joue.
C’est un projet totalitaire. Un crime contre l’Afrique. Un crime contre la pensée. Un crime contre l’idée même de l’humanité. C’est un danger global : l’indifférence est impossible car, si une poignée d’extrémistes réussit à imposer sa loi dans cette région aux équilibres fragiles, c’est l’ensemble des pays du Sahel qui peut être déstabilisé, avec des conséquences funestes d’abord pour les populations locales, ensuite pour tous les partenaires de ces pays, au premier rang desquels tous les voisins du Mali ainsi que l’Europe.
C’est à Tombouctou aujourd’hui que se joue le combat contre le terrorisme et l’extrémisme, le combat pour l’humanisme, pour la paix, le combat pour la tolérance et le respect. Il y a urgence à agir. Le Conseil de sécurité des Nations unies vient d’adopter une résolution, présentée par la France, exprimant son soutien aux efforts de médiation déployés par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel. C’est un premier pas, mais il faut aller plus loin. Le Mali ne doit pas être abandonné à son sort.
Il faut d’abord mettre en oeuvre toutes les voies légales pour faire échec aux visées mortifères des extrémistes. Il faut ensuite lancer un véritable plan Marshall pour le Sahel. La crise sécuritaire fait hélas passer au second rang la dramatique crise alimentaire qui touche l’ensemble de la région depuis maintenant trois ans.
Ces crises, au-delà de l’urgence présente qui impose des réactions immédiates, apparaissent comme un prélude à de plus grandes crises encore, quand on sait que la population africaine devrait doubler d’ici 2050 et représenter 22 % de lapopulation mondiale.
Pas la charité mais la justice
Les Africains ont fait l’effort de résoudre leur crise de la dette au prix de sacrifices que des populations plus favorisées n’auraient jamais consentis. Le continent a renoué depuis une décennie avec une croissance forte et soutenue. On assiste à l’émergence de classes moyennes éduquées et entreprenantes. La jeunesse africaine porte aujourd’hui les espérances de tout un continent. Nous pouvons soit l’aider à se développer et aider le monde à s’engager enfin sur le chemin d’une croissance juste et partagée, soit la décevoir au risque de plus grands périls.
L’Afrique aujourd’hui ne demande pas la charité mais la justice. Nous en appelons à la responsabilité et à l’unité de la communauté internationale face à cette crise, des pays traditionnellement engagés en Afrique comme des puissances émergentes. L’échec ou la victoire de l’Afrique sera notre échec ou notre victoire à tous. Si nous l’oublions aujourd’hui, la jeunesse africaine saura nous le rappelerdemain.
LE MONDE | 13.07.2012 à 13h59