Pour les Tombouctiens, les choses s’améliorent. Mais moins vite qu’espéré
Pour Tombouctou, comme pour toutes les localités qui ont subi l’occupation des obscurantistes avec son lot de brimades, de privations et d’humiliations, le retour à la normale se fait très lentement. Tous les traumatismes n’ont pas encore été évacués et pour peu qu’on les interroge, les Tombouctiens s’épanchent sans fin sur les mésaventures subies lorsqu’ils se trouvaient sous le joug des djihadistes. Beaucoup se disent prêts à pardonner aux auteurs des exactions, mais personne n’est disposé à oublier.
Aujourd’hui, la situation sécuritaire s’améliore constamment. Toutes les cinq minutes, quel que soit l’endroit où on se poste en ville, on enregistre le passage d’une patrouille. L’Armée nationale, la Garde, la Gendarmerie, la police, la Protection civile, les forces de la MUNISMA et celles de l’opération Serval quadrillent la Cité en parfaite intelligence. Ce dont se félicite le gouverneur de la Région de Tombouctou, le colonel-major Mamadou Mangara.
Aujourd’hui, l’administration s’est mise en place dans les cinq cercles de la région et dans toutes les communes où sont restées des populations. Mais l’Etat fonctionne un peu partout au ralenti. Par exemple au gouvernorat, centre névralgique de l’administration régionale, le travail se fait au par à coups. La fourniture d’électricité ne peut être assurée de manière continue et le matériel de bureau manque cruellement, tout comme les moyens de déplacement. Il faut souvent se résoudre à rédiger à la main des circulaires et des documents administratifs.
Quant à l’économie locale, elle est totalement à terre. Le commerce qui était jadis l’une des activités les plus florissantes de la Cité se relève difficilement malgré l’esprit d’initiative de quelques opérateurs de la place. Les mouvements de quelques camions de marchandises appartenant à des membres de la communauté arabe qui a traditionnellement la haute main sur le négoce ont repris à des intervalles plus ou moins réguliers. Ces véhicules arrivent essentiellement en provenance d’In khalil, une petite ville située à la frontière avec l’Algérie d’où sont importés certains produits. Pour le reste, si la liberté recouvrée n’a pas de prix, la vie au quotidien a un coût que tous ne peuvent supporter.
La flambée du prix des carburants persiste et par ses répercussions alimente l’inflation. Aujourd’hui, le litre d’essence coûte 1000 Fcfa tandis que celui du gas-oil se monte à 800 Fcfa. La situation alimentaire s’est nettement améliorée grâce aux distributions gratuites de vivres assurées par les agences onusiennes et des ONG. Mais c’est l’argent qui manque le plus pour les autres besoins quotidiens.
De nombreuses personnes qui avaient fui leur terroir pour se réfugier à Tombouctou veulent retourner chez elles. Mais les tarifs de transport prohibitifs et l’état des routes les font hésiter. Le tronçon Douentza-Tombouctou constitue la parfaite illustration du mauvais état des voies interurbaines. Les cars de transport en commun mettent 48 heures pour rallier les deux localités. Alors que ceux qui ont le privilège de disposer d’un bon véhicule tout terrain peuvent boucler le trajet en 8 heures.
Alors faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les candidats au départ se résignent à rester dans la Cité des 333 Saints où l’eau et l’électricité restent des commodités dont les habitants jouissent par intermittence (généralement de 19 heures à minuit) et par secteur, malgré les efforts de la Croix rouge, des agents de l’Energie du Mali et de la SOMAGEP. Au cours d’un récent briefing le gouverneur de la Région a annoncé l’arrivée imminente d’une importante quantité de gasoil (plus de 100 000 litres) destinée à alimenter les groupes électrogènes de la ville de Tombouctou et d’autres localités de la Région afin de renforcer les efforts de la Croix rouge dans la fourniture de courant.
Au plan culturel, les mausolées et les monuments historiques saccagés sont toujours dans l’état dans lequel les djihadistes les ont laissés. Les élèves de tous les ordres d’enseignement suivent les cours malgré le manque d’enseignants dont bon nombre avaient été déployés pour l’organisation de l’élection présidentielle qui vient de se dérouler. Il convient de rappeler que pour les régions du Nord, la fermeture des classes est prévue pour le 15 octobre prochain et que l’ouverture de l’année 2013-2014 interviendra deux jours après, c’est-à-dire le 17.
Les cinq banques qui sont disposent de succursales dans la ville ne sont toujours pas opérationnelles. Leurs locaux font actuellement l’objet de travaux de réhabilitation. Ce dont ont besoin également les bâtiments des services publics. Ceux-ci sont dans un tel état de délabrement qu’il est impossible d’y travailler. Bref, pour Tombouctou qui revient de loin, le chemin vers une existence normale est à peine entamé.
M. SAYAH
AMAP-Tombouctou