Terrorisme et trafic de drogues au Sahel

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Capture d’écran d’une vidéo AFP montrant un militant islamiste d’Ansar Dine le 1er juillet 2012 à Tombouctou, au Mali © AFP

Pendant longtemps, la région du Sahel était essentiellement concernée et affectée par le trafic et la contrebande de cannabis, principalement cultivé au Maroc. Cependant, depuis le début du XXIe siècle, la partie nord-ouest de l’Afrique est devenue un carrefour de trafic de drogues de toutes sortes, crime organisé, terrorisme et insurrection. Aussi, la prépondérance et le lien entre le crime organisé et le terrorisme a aujourd’hui des répercussions négatives et inquiétantes sur la santé des populations locales ainsi que sur la stabilité, la sécurité et le développement des pays concernés.

Le Sahel et l’Afrique de l’ouest sont incontestablement devenus une plaque tournante pour le trafic international de drogues dures telles que l’héroïne et la cocaïne en provenance d’Amérique Latine et d’Afghanistan. L’une des explications à ce dangereux phénomène toxique est que la région est moins risquée que les routes plus directes entre les pays producteurs d’Amérique du sud et le continent européen qui s’avère être aussi le premier marché de consommation mondiale. En effet, la voie la plus courte d’approvisionnement n’étant pas nécessairement la plus sûre, les barons de la drogue du continent sud-américain utilisent la Highway 10 (en référence au 10ème parallèle) pour pénétrer par l’Afrique de l’Ouest. Ce trafic est en outre aggravé par la présence d’héroïne et cocaïne provenant d’Afghanistan et transitant aussi par cette zone ainsi que la côte est du continent africain. La drogue qui sera ensuite écoulée en Europe est acheminée à travers leTchad, le Mali, le Niger et le Maroc, dont la porosité des frontières facilite les déplacements. A titre indicatif, et selon l’Office des Nations-Unis contre la Drogue et le Crime (UNODC), en 2009, il était estimé que 21 tonnes de cocaïne d’un montant de 900 millions de dollars et équivalant au PNB de la Guinée et de laSierra Leone réunies ont transité par l’Afrique de l’ouest.

Ce trafic de drogue est par ailleurs aggravé par les liens tissés entre les narco-trafiquants et les groupes terroristes présents au Sahel tel qu’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), Ansar Dine (Défenseurs de la foi), Boko Haram (l’instruction est illicite) et le Mouvement d’Unité pour le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Trafics d’armes, de drogues et blanchiment d’argent sont devenus monnaie courante entre tous ces groupes. En outre, des liens grandissants se tissent aussi entre les narco-terrroristes présents en Afrique de l’ouest et les groupes mafieux européens tels que la Camorra. En effet, il est établi que la mafia italienne et Al-Qaïda ont coopéré dans un passé récent afin que ce dernier profite de l’expertise de la Camorra pour, par exemple, le trafic de faux documents. A travers ces coopérations, ce sont tous ces groupes qui s’entraident et bénéficient de leurs expertises respectives qui pourront éventuellement se transformer en groupes hybrides comme le sont actuellement les Forces Armées Révolutionnaires deColombie (FARC). Les FARC sont en effet un exemple de groupe basé sur une idéologie politique qui, avec le temps, a muté en groupe crimino-narco-terroriste.

En sus du trafic de drogue et d’armes, l’importante contrebande de cigarettes à travers le Sahel est aussi très rémunératrice pour les trafiquants de la région. Les cigarettes qui proviennent d’usines de contrefaçon, principalement du Nigeria, sont distribuées dans la région, au Maghreb, au Moyen-Orient et en Europe. Ce trafic est une source importante de financement pour les groupes terroristes, qui même s’ils ne sont pas toujours et forcément directement impliqués dans ce genre de contrebande, s’enrichissent toutefois en imposant un impôt contre une ‘garde rapprochée’ aux contrebandiers.

Dans ce mélange des genres, les groupes terroristes tel qu’AQMI ont très rapidement compris l’intérêt financier qu’ils pouvaient en tirer en se rapprochant des groupes criminels et autres trafiquants de tous bords, et ce, quel que soit leur points communs. En effet, alors que les actions violentes d’AQMI sont présentées sous des idéaux religieux, le groupe est néanmoins bien plus intéressé par l’appât du gain à travers ses demandes de rançons et autres activités parallèles comme le crime organisé et la contrebande. A ce titre, selon la US Drug EnforcementAgency (DEA), 60% des groupes terroristes étrangers ont un lien avec le trafic de drogue. Pareillement, il est estimé que 80% des chefs Talibans en Afghanistan, combattent pour le profit financier et non pour une quelconque idéologie religieuse.

Par ailleurs, la chute de Qaddafi en Libye et l’instabilité géopolitique régnante qui s’ensuit, ainsi que la perméabilité des frontières qui facilite le passage d’armes d’un pays à un autre a procuré aux terroristes et narco-trafiquants une opportunité supplémentaire de renforcer leur position dans la région, aggravant de ce fait la situation au Sahel.

C’est dans ce contexte dramatique que la prolifération d’armes, de drogues, de trafics de cigarettes et autres produits illicites prend racine au Sahel. Mais ce dévolue sur la région est aussi principalement dû à la faiblesse des états qui composent cette zone géographique, le manque flagrant de surveillance, la porosité des frontières ainsi qu’à la corruption qui gangrène les institutions de ces mêmes états, tel que l’armée, la douane ou la police.

Mais au-delà du fait que tous ces trafics sont d’une manière ou d’une autre liés, c’est sans nul doute et surtout les raisons et les racines derrière ce fléau qu’il est urgent de questionner afin d’y remédier. La misère, la pauvreté, la sécheresse, la famine, l’absence de sécurité alimentaire, l’injustice sociale et le manque de perspective d’avenir sont autant de facteurs favorisant et incitant les populations locales à tomber dans ce piège de l’argent facile et d’une hypothétique vie meilleure. Des trafiquants qui profitent donc du désœuvrement et de la vulnérabilité socio-économique des populations locales pour les convaincre qu’ils peuvent améliorer leur quotidien grâce aux trafics illégaux. Pire, ces différents groupes terroristes et organisations criminelles ne font que contribuer à la souffrance humaine des populations locales du Sahel et d’Afrique du nord tout en mettant aussi en danger les états déjà fragiles du Sahel tel que le Mali ou le Niger.

Afin de combattre ce fléau, la coopération entre les états mais aussi entre les différentes organisations et autres institutions internationales est une condition sine qua non pour obtenir des résultats probants. Par ailleurs, la solution à ce problème se trouve aussi dans l’absence d’éducation dans laquelle la majorité des africains vit. Aussi, c’est en améliorant les conditions de vie des populations locales, de conduire des programmes de prévention et d’éducation et de fournirune assistance humaine et renforcer la bonne gouvernance que les trafic en tous genres en Afrique de l’ouest et au Sahel pourront être, sinon éradiqués, tout au moins, réduits.

Aujourd’hui, cet Océan Sahélien qui émerveillait comme un enfant l’explorateur et scientifique français, Théodore Monod, est en grand danger, devenant ces dernières années, un hub privilégié pour de nombreuses filières criminelles. La mondialisation et la facilitation de communication grâce à Internet n’ont fait qu’exacerber la situation au Sahel où les terroristes et trafiquants en tous genres ont trouvé en cette région un terreau fertile et idéal pour leurs activités illégales.

La coopération grandissante entamée depuis plusieurs années s’accélère entre les groupes terroristes présents en Afrique de l’ouest et les cartels d’Amérique du sud et autres barons de la drogue africains et européens. Cette coopération a indéniablement un effet débilitant sur la région, déjà vulnérable, instable, sous-développée et ravagée par de nombreux conflits et problèmes socio-économiques. L’augmentation des activités criminelles dans la région souligne le besoin urgent d’actions afin de renforcer la souveraineté des Etats concernés. Car il est incontestable que ce trafic en Afrique de l’Ouest est en train de se propagercomme une trainée de poudre à travers tout le continent africain.

L’impasse géopolitique dans laquelle se trouve actuellement le Mali est sans nul doute très inquiétante. Mais cette crise qui secoue le pays risque aussi et surtout d’aggraver la situation sécuritaire à travers l’entière région et fournir aux trafiquants et terroristes une marge de manœuvre d’autant plus grande.

 

Le Monde.fr | 19.07.2012 à 09h15

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6 COMMENTAIRES

  1. L’ Algérie et l’Azawad
    De la même manière que Khadafi s’est servi des victimes des dictatures africaines, pour exercer des menaces sur certains pays au Sud du Sahara, l’Algérie à toujours voulu utiliser les Mouvements armés Azawadi contre le Gouvernement de Bamako. C’est ainsi que Iyad Ag Ghaly a trahi les siens pour servir de sherpa aux Maliens et Algériens, auxquels il est irrémédiablement affilié, ce qui lui a valu la sanction du MNLA.
    C’est à ce titre que l’Algérie l’a sorti de ses manches pour barrer la route au MNLA, en accord avec le Gouvernement malien .
    Conscients de ses faiblesses, ses commanditaires ont été obligés de le soutenir en lui fédérant la mouvance terroriste (AQMI, MUJAO), tous fortement liés à l’Algérie et au Mali.
    Il faut rappeler que le MUJAO a été fondé par les trafiquants de drogues liés à l’AQMI.
    On connaît les liens étroits tissés entre l’AQMI, les trafiquants de drogue (MUJAO) et le Gouvernement de M. ATT.
    On a observé que l’AQMI ne s’est jamais attaqué aux intérêts Algériens , à tel point que seule la Sonatrach (Algérie) avait travaillé dans l’Azawad, pendant des années sans coût férir.
    En somme l’AQMI, pendant plus de dix ans au Mali, a servi de chien de garde pour dissuader les investisseurs Occidentaux de mettre en valeur les ressources de l’Azawad, en particulier les mines, cela au grand damne de nos populations, mais bien sûr , en conformité avec la politique de génocide menée par le Gouvernement de Bamako.
    D’ailleurs, ce rôle s’est étendu à toute la région sahélo-saharienne, du Niger et de la Mauritanie ,par des attaques et prises d’otages des Occidentaux .
    Avant l’attaque de Gao, le 26/27 juin dernier, des militaires algériens étaient présents au P.C. des terroristes.
    Des convois de camions chargés de produits en provenance d’Algérie, avaient traversé la frontière, à destination des camps des Islamistes.
    La rumeur des attentats de Tam et Ghardaïa ne convainc personne, le mode opératoire ne ressemble nullement au MUJAO et aucune preuve tangible n’en a été établie.
    Même la prise d’otages d’Algériens à Gao ressemble beaucoup plus au tournage d’un film. D’ailleurs, nulle part dans l’Azawad , la nouvelle de la présence d’otages algériens n’a été signalée, contrairement à l’accoutumée où « le téléphone de brousse » traverse toujours les ergs et les regs.
    Pour corroborer tout cela ,le Croissant Rouge Algérien, à peine le MNLA sorti de GAO, commence à drainer vers cette destination, des camions chargés de produits , sous la protection, s’il vous plaît , du MUJAO.
    Enfin le plus troublant, demeure sans conteste , l’offensive diplomatique de l’Algérie, pour amener, vaille que vaille , Ançar Eddine à la table des négociations, au même titre que le MNLA, en faisant fi des graves événements actuels de Kidal, Gao, Tombouctou et Goundam etc.
    Bien malin qui pourrait dire ce qui fait marcher, ou plutôt galoper , l’Algérie dans l’Azawad ?

    Mohamed .

    • 😆 oui, il ya des chiens qui s’ appellent azawad, les hommes aussi…ou des “chios”?? 😳

  2. Bonne analyse qui résume tout:le MNLA ne cherche que du pain: des postes juteux pour leurs cadres, la douane pour les analphabètes, la démilitarisation du Grand Nord pour leurs trafiquants de drogues et d’armes. Ils n’ont jamais cru à l’indépendance…Idem pour ANE SARDINE qui ne croit en aucun dieu, rien que du trafic. Se rappeler que vous trouvez parmi eux tous les désœuvrés de toutes les nationalités du monde. Etudiez seulement leurs faits et gestes : vols, viols, pillages, saccages, profanations, enlèvements de biens et de personnes, etc.
    Attention le Burkina, la Mauritanie, l’Algérie et la France, à recevoir ces gens même pour négocier. Demander ATT. Il sait ce qu’il y a à élever des serpents venimeux sous son toit…

  3. ils ont offert un vaste champ de tirs au radicaux.action cedeao ,sarko,et autre puissance.

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