La désignation de Yazid Mibrak à la tête d’Al-Qaïda au Maghreb islamique* suscite des interrogations sur le devenir de cette organisation terroriste. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM)*, que dirige Iyad Ag Ghali, pourrait avoir pris l’ascendant sur «l’organisation mère», qui a perdu de sa capacité de nuisance au Maghreb.
Il a fallu plus de cinq mois pour trouver un successeur à Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussab Abdelwadoud, éliminé par l’armée française lors d’une opération menée le 3 juin 2020 dans la région de Tessalit au nord du Mali. C’est finalement Abou Oubaida Youcef el Annabi, un autre Algérien qui était à la tête du Majliss al-Choura (conseil consultatif) d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI)*, qui assure la succession.
L’annonce a été faite par la société Al Andalous, principal canal médiatique d’AQMI*, dans une vidéo rendue publique ce samedi 21 novembre.
Extrait de la vidéo d’Al Andalous diffusée sur Twitter par le journaliste Wassim Nasr.
Le commentaire est lu par le Mauritanien Abou Naamane Chenguiti, un des principaux idéologues d’AQMI* et de son allié au Sahel, le GSIM*, que dirige le chef terroriste malien Iyad Ag Ghali.
«Suite à la mort en martyr d’Abou Mossaab, et après avoir effectué une large choura [concertation, ndlr] pour lui choisir un successeur, les consultations ont abouti à la désignation du Cheikh Moudjahid Yazid Mibrak, connu sous le nom d’Abou Oubaida Youcef el Annabi, en qualité d’Émir de l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique*. Abou Oubaida Youcef el Annabi a rejoint les rangs des moudjahidines en l’an 1413 de l’hégire (1992), après avoir achevé ses études universitaires et obtenu une licence en sciences économiques, option gestion», a annoncé Abou Naamane Chenguiti.
AG GHALI AFFICHE SA PUISSANCE
Mais ce qui aurait dû être présenté comme un événement dans cette sortie médiatique de 20 minutes a finalement pris la forme d’une simple dépêche. Le passage annonçant la désignation d’Abou Oubaida Youcef el Annabi n’a duré que 45 secondes.
ÉPICENTRE DJIHADISTE
Le professeur souligne qu’Iyad Ag Ghali est arrivé à faire du GSIM* une organisation puissante.
«C’est la première fois dans l’histoire du terrorisme en Afrique du Nord et au Sahel que 200 prisonniers sont libérés en une seule fois. Ag Ghali pèse politiquement au Mali. Il a des hommes et des armes. Il gagne beaucoup d’argent grâce au contrôle des trafics et il est également parvenu à faire payer la France pour la libération de ses otages.»
Le GSIM*, qui s’est placé sous l’aile d’AQMI* dès sa naissance en 2017, lui fait aujourd’hui de l’ombre. Créé en 2007 par le terroriste Hassan Hattab, Al Qaïda au Maghreb islamique* est actuellement une organisation moribonde. Sur le plan militaire et stratégique, si l’on s’en tient aux informations sécuritaires officielles, il n’y a plus aucune opération terroriste en Algérie depuis plusieurs mois. Idem en Tunisie et au Maroc. AQMI*, dont le terrain est le Maghreb, est absente depuis très longtemps et ses effectifs sont très limités.
«AQMI* a connu un véritable déclin et n’a pas pu résister aux coups de boutoir de l’armée algérienne. L’expertise des services de sécurité et du renseignement et l’utilisation des moyens de surveillance technologiques ont provoqué l’anéantissement d’AQMI* en Algérie», indique Djalil Lounnas.
De 2003 à 2013, Droukdel avait réussi à maintenir une organisation active «mais depuis, c’est la déchéance. La quasi-totalité des chefs algériens a été éliminée. Actuellement, nous constatons un changement de l’épicentre du terrorisme, du Maghreb et de l’Algérie principalement, vers le Sahel», poursuit-il.
La petite succursale sahélienne qu’était le GSIM* est devenue plus puissante que la maison mère maghrébine. Djalil Lounnas tient cependant à préciser qu’AQMI* est encore capable de commettre des opérations terroristes malgré la perte de l’essentiel de ses effectifs et de sa puissance de feu. Pour avoir analysé l’ensemble des vidéos d’Abou Oubaida Youcef el Annabi, il indique que le nouveau chef d’AQMI* s’est toujours revendiqué de la ligne dure du GIA (Groupe islamique armé) et du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), les organisations terroristes qui ont précédé AQMI* et dont il a été un membre actif.
«El Annabi doit avoir entre 50 et 60 ans. Certaines informations disent qu’il a été blessé et qu’il est physiquement diminué. Mais il reste dangereux. En Algérie et en Tunisie, les services de sécurité sont certainement très vigilants car il va sûrement vouloir marquer sa désignation à la tête d’AQMI* par une opération terroriste», estime-t-il.
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