Terrorisme : Ançar Dine peaufine de nouvelles stratégies

Désormais, Ansar Dine ne jure que par des alternatives visant à renforcer une base de soutien de plus en plus étroite. En effet, alors que les pays de l’Afrique de l’Ouest réfléchissent sur une solution militaire de la crise malienne et que l’Union africaine préconise la coordination et l’intégration comme moyens de lutte, le groupe islamiste se tourne vers l’Internet pour gagner des soutiens.

Récemment, le responsable de la communication d’Ançar Dine, Sanda Ould Bouamama, a reçu en ligne une série de discussions sur des forums djihadistes internationaux, notamment le « Ansar Al-Mujahideen Network ».  Ce groupe islamiste affilié à AQMI  appelle ses « frères et membres » du réseau (Internet) à soumettre leurs questions concernant l’idéologie de l’organisation et la situation dans la région de l’Azawad. Toutefois, Bouamama  rappelle les origines salafistes du groupe et son intention d’appliquer la charia. A en croire des analystes, cette initiative serait liée à la mort d’Abou Yahya al-Libi qui était chargé du recrutement des combattants en utilisant les technologies modernes. Sa mort a poussé l’organisation à rechercher de nouveaux moyens de préserver une base de soutien qui ne cesse de s’effriter.  La plupart des questions ont trait à l’idéologie de l’organisation, à sa relation avec AQMI, à la réponse qu’elle apporterait à de possibles frappes militaires de la part des Etats ouest-africains et aux conditions de l’application de la loi islamique, en plus de renseignements permettant aux volontaires de rejoindre les camps de l’organisation dans le Nord du Mali. Zubeir al-Maqhour, l’un des participants à ce forum en ligne, s’interroge sur la déclaration, par Ançar Dine, d’un Etat islamique dans l’Azawad et la mesure dans laquelle la population est prête à soutenir ce qu’il  appelle la « ligne djihadiste ». Pour sa part, un visiteur de ce forum, Abou al-Ghadiya al-Baghdadi,  parle de la relation d’Ançar Dine avec le groupe dissident d’Al-Qaïda, « Tawhid wal Jihad », de son contrôle sur les villes de Tombouctou et de Gao et du respect des frontières des pays voisins  laïcs. Tout compte fait, on peut dire que les jeunes du Sahel sont aujourd’hui plus conscients et que ces questions placent le mouvement dans une situation difficile, notamment dans la mesure où les jeunes des pays voisins parlent de la laïcité et des plans face à la guerre.  Même si ce responsable de la communication d’Ançar Dine (Bouamama) est prêt à justifier les actes de haine à travers des textes religieux, il lui est difficile de pouvoir convaincre plus de jeunes et de les entraîner dans cette folie.

Aujourd’hui, de nombreuses personnes se demandent ce que sera la réponse du groupe en cas d’action militaire dans le Nord-Mali. « L’organisation sera-t-elle en mesure de préserver ses acquis si ces forces décident de lancer des frappes militaires ? Ou la direction de l’organisation décidera-t-elle de se retirer dans les montagnes et d’y faire face aux pays du Sahel ? », s’interroge Abi Ikrim, un participant à ce forum en ligne. Selon Moulay Ould Bahida, un analyste du terrorisme dans le Sahel,  la faiblesse d’Al-Qaïda  réside aujourd’hui dans le fait qu’elle tente d’attirer les jeunes vers la violence, dans un bourbier assiégé qui sera bientôt attaqué. Selon  son interprétation, la conscience publique et la peur de violer la loi en aidant les groupes qui cherchent à appliquer la loi islamique résultent de l’incapacité d’Al-Qaïda à convaincre les gens. L’analyste ajoute que  l’expérience est frustrante pour les jeunes que le groupe a incités à commettre des actes de violence. Les gens posent des questions réalistes sur l’avenir des terroristes après la guerre envisagée par les pays voisins pour libérer le territoire malien. Avant de se demander pourquoi Ansar al-Din publierait des informations par le biais des « médias de l’argent », dans la mesure où il n’existe aucun site web ni même une page Facebook consacré aux activités de cette organisation. Les analystes reconnaissent que du fait que Sanda Bouamama (responsable de la communication d’Ansar al-Din) n’a pas la capacité de discuter et de persuader, il est difficile de tirer des résultats satisfaisants des discussions sur les forums en ligne. Et comme Ansar al-Din estime être l’allié d’AQMI, le groupe est obligé de mener une campagne de propagande destinée à s’attirer la sympathie de plus de jeunes. Une tâche qui pourrait tourner en fiasco au vu de la situation difficile que traverse Al-Qaïda qui connaît des problèmes après avoir infiltré le territoire malien et tenté d’y déclarer un émirat islamique extrémiste.

L’Union africaine resserre ses rangs

Lors des différentes réunions organisées à Alger, la coordination et l’intégration ont été perçues comme des éléments essentiels dans la lutte contre « les menaces qui s’accumulent » en Afrique.  La neuvième session de la Commission africaine pour les renseignements et les services de sécurité (CISSA) s’est achevée le mercredi 27 juin 2012 à Alger sur la volonté de renforcer la coordination entre les initiatives antiterroristes sur le continent. Des responsables gouvernementaux et des spécialistes de la sécurité participaient à cette réunion de deux jours organisée à huis clos qui avait pour but de trouver des solutions à la situation très précaire au Mali, à l’enracinement d’AQMI au Sahel-Sahara et aux autres menaces pour la sécurité. Ces réunions annuelles donnent au Conseil pour la paix et la sécurité de l’Union africaine (UA) les informations nécessaires pour tracer une politique africaine, préserver la paix et régler les différends. « Ces menaces s’accumulent, s’alimentent mutuellement et entravent la sécurité et le développement durable », a déclaré le Premier ministre algérien,  Ahmed Ouyahia, qui ajoute que le rôle essentiel de la CISSA est de faire face aux différents risques tels que la pauvreté, les catastrophes naturelles, la mauvaise gouvernance, les conflits, l’absence de contrôle sur le trafic des armes, le terrorisme et le crime transnational organisé. Il soutient qu’une vue commune des facteurs qui menacent la paix et la sécurité en Afrique est nécessaire pour mettre en œuvre des politiques en matière de sécurité et de défense et envisager par la suite une stratégie africaine qui aidera à mettre en œuvre une défense commune.

Selon le Premier ministre algérien, l’Afrique doit  identifier ses propres moyens en coordination avec la communauté internationale dans le cadre de la stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies. En effet, l’Algérie  apporte son soutien à un projet d’intégration de la CISSA dans l’UA. Elle est également favorable à la mise en place d’une instance de haut niveau au sein de la CISSA consacrée à l’amélioration des capacités de ses agents et à la préparation d’études et de recherches stratégiques. Pour sa part, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Jean Ping, déclare que l’Afrique traverse une période difficile et cite plusieurs crises en cours, notamment en Somalie, au Soudan, en Ethiopie, en Erythrée, au Sahara occidental, au Mali et en Guinée Bissau.  Toutefois, il  rappelle le « soutien » de l’UA, des pays du champ et de la CEDEAO envers l’Algérie dans sa mission de parvenir à la paix et à la sécurité en Afrique. Jean Ping  salue les efforts incessants de l’Algérie pour « combattre le terrorisme, que ce soit au plan national ou international », et souligne « la bataille que l’Algérie mène sans relâche contre les ravisseurs et les demandeurs de rançons ». Il souligne aussi les efforts de l’Algérie, en coordination avec ses voisins « pour lutter contre les alliances que les groupes terroristes pourraient mettre en place au Sahel ». Mais les défis les plus importants que doit relever la sécurité nationale algérienne sont la menace d’AQMI et la situation en Somalie, au Mali et au Sud-Soudan, ainsi que la situation dans certains pays d’Afrique du Nord, notamment la Tunisie, la Libye et l’Egypte.

Rassemblées par Jean Pierre James

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