Invité spécial au rendez-vous de Bamako, le président français a réaffirmé son soutien à l’organisation sahélienne. Il a joint l’acte à la parole en annonçant des appuis importants au déploiement de la Force antiterroriste.
Les travaux du sommet extraordinaire du G5 Sahel se sont tenus, hier, dans la salle des banquets du palais de Koulouba. À l’invitation du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, les présidents Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie, Issoufou Mahamadou du Niger, Idriss Deby Itno du Tchad et Emmanuel Macron de la France ont pris part à l’importante rencontre. C’est aux environs de 09H40 mn que les chefs d’État ont fait leur entrée dans la salle des banquets, accueillis par un tonnerre d’applaudissements.
La cérémonie d’ouverture du sommet s’est déroulée en présence du Premier ministre, Abdoulaye Idrissa Maiga, des membres du gouvernement, des chefs des institutions de la République et de nombreuses autres personnalités au rang desquelles le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, Mahamat Saleh Annadif.
Souhaitant la bienvenue à ses hôtes, le président Ibrahim Boubacar Kéïta, a indiqué que le G5 Sahel est un regroupement de solidarité, de mutualisation aux fins d’efficacité par rapport à des défis communs.
A sa suite, le président français, Emmanuel Macron a souligné le lourd tribut payé par les pays du Sahel dans cette guerre terrible contre le terrorisme et l’obscurantisme. « Ce sont ici des mots, mais derrière il y a des vies. Mon prédécesseur a fait le choix courageux de venir en défense de votre pays et plus largement de toute la région, j’ai décidé de poursuivre cet engagement, de le confirmer et de le conforter », a-t-il assuré.
Pour le président Macron, derrière cet acronyme du G5 Sahel, il y a une dynamique, un mouvement profond que la France est fière d’accompagner. Le G5 Sahel, a-t-il poursuivi, est davantage une initiative de coopération, une communauté soudée, déterminée face à un même défi. « Les 5 pays que vous représentez, mais aussi la France, vivent au quotidien le poids de la menace terroriste. Plus de 150 des membres des forces de défense et de sécurité de la région ont été tués rien que depuis février, dont plus de 80 au Mali, 30 au Niger et 15 au Burkina Faso », a-t-il rappelé.
Selon lui, il faut chaque jour, avec constance, détermination, tous ensemble, éradiquer les terroristes, les voyous et les assassins. Éradiquer, a précisé Emmanuel Macron, parce qu’ils le font aujourd’hui au nom de la division des peuples, au nom d’une religion qu’ils détournent pour lui donner le visage de l’obscurantisme et de la haine. « Notre présence, à tous les six aujourd’hui, est le témoignage que ce qu’ils cherchent à faire ne peut advenir. C’est la complémentarité de nos actions qui fera la différence », a-t-il souligné.
À ses dires, concrètement, le soutien de la France aujourd’hui consistera d’abord en un soutien opérationnel aux unités, c’est-à-dire un soutien accru de l’opération Barkhane en conseil, assistance mais surtout accompagnement aux combats. Avant de préciser que la force conjointe du G5 Sahel ne se substitue, ni ne se confond ni à Barkhane, ni à la MINUSMA, mais venant en appui à celles-ci.
50% du budget. Selon le président Macron, le soutien de son pays, c’est aussi une aide matérielle importante, 70 véhicules tactiques, du matériel de communication, du matériel de protection pour les hommes, la mise en place de centres de préparation à l’engagement opérationnel que prévoient de mettre en place le Burkina Faso, le Niger et le Mali. Enfin, a-t-il annoncé, c’est un renforcement de la coopération structurelle de la France. « Le Sahel, c’est désormais 50% du budget de notre coopération de sécurité et de défense dans le monde. Parce que c’est ici que se joue la sécurité du continent africain et plus largement d’une bonne partie de notre planète, y compris de l’Europe », a t-il expliqué.
Pour M. Macron au total, sur le volet militaire, c’est un effort équivalent à plus de 8 millions d’euros que son pays consacre d’ici la fin d’année 2017, estimant que pour garantir un soutien dans la durée, ce sera aux pays concernés et à leurs armées de convaincre que la Force conjointe du G5 est efficace dans le respect des conventions humanitaires. « Je veux aussi appeler à une mobilisation collective autour de deux défis qui sont inséparables de la recherche d’une stabilité durable et réelle : le processus de paix au Mali, le retour durable de la paix au Nord du Mali passant par la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation ; le deuxième défi étant celui du développement, jugeant que tous les efforts en matière de sécurité seront inutiles s’ils ne s’inscrivent pas dans un projet plus large de développement.
Et Emmanuel Macron d’annoncer que ce sont 200 millions d’euros qui vont être engagés spécifiquement dans les pays du G5 Sahel, les 5 prochaines années, avant de soutenir que l’Alliance pour le Sahel verra bientôt le jour. Il s’agit, a-t-il expliqué, d’une coalition de partenaires volontaires motivés pour faire la différence au plus près du terrain, dans une approche de changement de méthodes.
Le président de la France a décliné ce qu’il a qualifié de priorités de développement du Sahel : l’éducation et la formation, l’agriculture et le pastoralisme, la lutte contre les effets du changement climatique ainsi que la gouvernance particulièrement la justice. En procédant à l’ouverture des travaux, le président de la République a déclaré que la situation sécuritaire dans le Sahel est caractérisée par une sédimentation de la menace terroriste qui s’appuie sur des ramifications transfrontalières, à travers différents groupes dotés d’importants moyens militaires, logistiques et financiers. Selon Ibrahim Boubacar Kéïta, c’est en février dernier, à Bamako, qu’une résolution des chefs d’État a consacré la forme définitive de la Force du G5 Sahel dont le mandat, endossé par l’Union africaine le 13 avril dernier porte principalement sur quatre points : contribuer à la restauration de l’autorité de l’État et au retour des personnes déplacées ou réfugiées ; faciliter dans la limite de ses capacités, les opérations humanitaires et l’acheminement de l’aide aux populations affectées et contribuer à la mise en œuvre des actions en faveur du développement dans l’espace du G 5 Sahel.
Espace commun de sécurité. « Je voudrais, en cet instant, exprimer notre satisfaction pour l’adoption à l’unanimité de la résolution 2359 (2017) par laquelle le Conseil de sécurité des Nations unies salue le déploiement de la Force conjointe du G5 Sahel, apportant ainsi la preuve de la détermination de la communauté internationale à accompagner nos efforts face à ces graves défis sécuritaires », s’est réjoui le chef de l’État. Selon le président Kéïta, ce sommet avait un double objectif : faire le point des actions de défense et de sécurité engagées pour faire face aux menaces sécuritaires qui subsistent dans l’espace sahélien, et auxquelles le G5 Sahel, la France et l’Europe sont confrontés ; identifier les pistes d’un partenariat plus robuste avec la France, axé sur des investissements stratégiques et des financements prioritaires en vue de faire du Sahel un espace de paix, de stabilité et de développement.
« En construisant un espace commun de sécurité, nous devons, en effet, édifier également un espace commun de développement et de promotion humaine. Nos succès militaires doivent être prolongés et consolidés par des actions de développement global qui, par leur pertinence et leur inclusivité, contribueront à libérer les forces économiques et sociales, à promouvoir l’accès à la responsabilité politique comme aux opportunités économiques », a détaillé Ibrahim Boubacar Kéïta.
Par ailleurs, le chef de l’État est également revenu sur l’évolution intérieure du Mali, en affirmant que le train de la paix avance, avec assurance et confiance. Selon lui, la paix est pour toutes les Maliennes et les Maliens une option stratégique à laquelle il n’y a nulle autre alternative. « Je puis aussi vous assurer que je me suis imposé une obligation d’écoute permanente de mes concitoyens parce que j’ai mis la reconstruction de l’unité nationale, la préservation et le renforcement de la cohésion sociale au cœur de mon action », a conclu le chef de l’État. Juste après la photo de famille, les chefs d’État ont eu un huis clos à l’issue duquel les présidents malien et français ont conjointement animé une conférence de presse (voir article ci-contre).
Massa SIDIBÉ