Situation sécuritaire au Mali : 598 violations et abus de droits de l’homme dont 380 morts uniquement durant le premier trimestre 2020

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Dans le cadre de sa mission de protection des droits de l’homme, la division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA (DDHP) a rendu publique, en avril dernier, la situation des violations et abus de droits de l’homme enregistrée au Mali, durant le premier trimestre de l’année 2020. Sans oublier les violations commises lors du premier tour des dernières législatives, ce document dévoile que 598 cas de violations et abus de droit causant 380 morts parmi lesquels 16 enfants et 8 femmes ont été commis au Mali.  

Comme causes de cette flambée alarmante de violations et atteintes au droit international humanitaire, aux droits et libertés fondamentales individuelles ou aux droits de l’homme, le rapport de la DDHP, cite le contexte sécuritaire actuel caractérisé par des attaques récurrentes de groupes armés signataires et non-signataires, la persistance des violations armées intra et intercommunautaires dans le centre du pays et la multiplication des exécutions sommaires et disparitions forcées ou involontaires, lors des opérations militaires et de sécurisation des forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM).

Sur la base de la résolution 2480 du conseil de sécurité qui demande à la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), de « surveiller, sur le territoire national, les violations du droit international humanitaire et les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits […], concourir aux enquêtes et lui faire rapport à ce sujet, de même que publiquement, selon qu’il convie, et contribuer aux activités de prévention de ces violations et atteintes ».

La division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA (DDHP), a recensé dans ce document, 232 incidents sécuritaires sur l’ensemble du territoire national, au cours du premier trimestre 2020, dont 181 perpétrés uniquement dans les régions du centre, notamment (Mopti et Ségou).

Sur un Total de 232 incidents documentés, 190 ont eu un impact direct sur la situation des droits de l’homme et du droit international humanitaire et ont causé la mort de 380 personnes, dont 16 enfants et huit (8) femmes. C’est pourquoi la division a noté avec préoccupation que 82 % des personnes tuées soit un total de 315 victimes dans les seules régions de Mopti (262) et Ségou (53), durant cette période. Des chiffres en hausse de 61,21 % par rapport aux violations et abus documentés au cours du trimestre précèdent (octobre à décembre 2019), où la division avait enregistré 232 violations et abus de droit de l’homme avec la mort d’au moins 119 personnes.

Tout en rappelant que la tenue du premier tour de l’élection législative du 29 mars a également donné lieu à de nombreux incidents avec un impact sur la situation des droits de l’homme, dont le plus éloquent fut l’enlèvement du chef de file de l’opposition, la DDHP a indiqué que ces violations et abus sont favorisés par l’impunité dont jouissent leurs auteurs.

Le DDHP a ainsi noté 103 abus de droit de l’homme sur un total de 598 perpétrés par les groupes armés extrémistes tels qu’Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Eddine, la Katiba Macina, Jama’at nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM), Al Mourabitoune et autres groupes similaires qui infligent une sérieuse menace contre la paix au Mali. Ces abus comprenaient entre autres, 39 cas de meurtre, 46 cas d’enlèvement et/ou disparition forcée ou involontaire, 18 cas de torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants, plusieurs situations d’intimidation et de menace, quatre attaques contre des écoles, trois attaques respectivement contre un hôpital, une sous-préfecture et un pont, six attaques contre des humanitaires dans la région de Tombouctou ainsi que quatre attaques contre la MINUSMA.

Au-delà des régions du nord et du centre, il faut signaler l’expansion des activités des groupes extrémistes dans les régions du sud, avec huit (8) attaques asymétriques, dont six (6) à Kayes et deux (2) à Sikasso. Des attaques qui ont causé 2 victimes civiles.

Une autre situation ayant favorisé la flambée de ces violences est la crise du centre. Au cours du premier trimestre de l’année 2020, les attaques armées entre les membres des communautés Peules et Dogon dans les régions de Mopti et Ségou se sont chiffrées à 35 attaques causant la mort de 180 personnes.

Au Niveau des forces de défense et de sécurité, la division des droits de l’homme a noté une multiplication des exécutions extrajudiciaires qui ont fait (101 victimes), dont 32 cas de disparition forcée, 32 cas de torture ou traitement cruel inhumain ou dégradant et 116 arrestations arbitraires sur l’ensemble du territoire. Dans le même secteur, le document a également indiqué que les éléments des FDSM dont certains, opérant sous l’égide du G5 sahel ont été responsables de multiples violations des droits de l’homme, avec 18 cas d’exécution arbitraires dont celle de Pogol-N’daki dans la localité de Boulkessi (16 victimes le 14 mars). Les forces armées Nigériennes sont également tenues pour responsables de 34 exécutions extrajudiciaires, dont celle de Inekar ayant fait 24 victimes.

Selon les chiffres donnés par la DDHP, c’est la région de Mopti qui demeure la plus affectée avec 54,34 % de violence et abus de droit de l’homme, suivie des régions de Ségou (13, 87 %), Tombouctou (8,2 %), Kidal (7,52 %) ; Ménaka (6,8 %), Gao (4,68 %) et Bamako (4, 68 %). Mais il faut noter qu’au-delà des pertes en vie humaine, civiles et militaires, ces violations et abus de droit ont conduit de milliers de personnes à emprunter le chemin de l’exil à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Issa Djiguiba

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