Sécurité : IBK face à ses promesses

4

La sécurité, dans son sens intégral, fait partie des nombreuses promesses-mirages du président Ibrahim Boubacar Kéïta au peuple malien au moment où il briguait la magistrature suprême il y a de cela trois ans. En effet, en juillet 2013, le discours de campagne du candidat IBK tournait invariablement autour de : « Pour l’honneur du Mali, je ramènerai la paix et la sécurité. Pour l’honneur du Mali, je veux construire une République exemplaire. Je rétablirai l’autorité de l’Etat. Je lutterai férocement contre la corruption. Je ferai émerger une société nouvelle fondée sur la justice et l’égalité des chances. Je créerai les conditions du vrai décollage économique du Mali ». Mais, à la différence des autres promesses abstraites, la sécurité touche directement l’intégrité physique de la personne et/ou de ses biens. A ce titre, le constat est plus qu’accablant : entre actes terroristes et djihadistes de grande envergure et banditisme résiduel urbain, les Maliens n’ont pas encore fini de compter leurs morts et leurs blessés (victimes militaires et civiles) pendant ces trente-sept mois d’IBK passés à la tête du Mali. Malheureusement, tout laisse à présager que le pire est à venir.

« IBK a eu les Maliens à zéro franc », disent les compatriotes du président de la République qui en ont gros le cœur contre lui, en voyant le fossé entre les promesses tenues en 2013 et la réalité du Mali d’aujourd’hui. Ils sont extrêmement déçus des maigres résultats auxquels il est parvenu depuis qu’il est président. Pourtant que d’engagements !

Entre ramener la paix et la sécurité, engager une lutte implacable contre la corruption et créer 200 000 emplois pour les jeunes diplômés, le candidat IBK y allait de tous les subterfuges pour séduire l’électorat ; un collège partagé entre un pays qui venait de retrouver la normalité constitutionnelle (grâce à une Transition rondement menée par Pr Dioncounda Traoré) et le désir ardent de trouver rapidement un président qui se met à la tâche.

Dans plusieurs autres domaines, IBK avait pris des engagements consignés dans son projet présidentiel « Le Mali d’abord ». Notamment en matière de : Réconciliation-Paix et souveraineté (d’apporter une solution définitive aux problèmes du nord…Réconcilier les Maliens et rétablir durablement la paix et la souveraineté) ; des Affaires étrangères (de retrouver le leadership d’une diplomatie malienne…) ; d’infrastructures (de réaliser le quatrième pont de Bamako) ; d’accès au logement (la construction de 50 000 logements sociaux).

Comme envoûtés, les Maliens ont pris d’assaut les urnes pour le plébisciter. Trois ans après, les interrogations sont là. Sans réponses. Où sont la paix et la sécurité promises. Elles sont loin d’être concrétisées, l’insécurité ayant atteint son paroxysme sous le règne d’IBK. Où est la République exemplaire promise ? De la poudre aux yeux. Où est la lutte contre la corruption tant chantée ? A la place : une mauvaise gouvernance inédite. Et l’égalité des chances ? Un vain slogan. Où est la lune promise pour améliorer les conditions de vie et le quotidien des Maliens à travers un décollage économique du Mali ? Nulle part: aucune vraie réforme, aucune infrastructure. Et le travail ? Les jeunes attendent. Et les logements sociaux ? C’est l’apanage des riches.

Comme on le voit, ce sur quoi il avait juré devant les électeurs en cherchant le pouvoir, soit IBK n’a rien fait du tout ou a fait tout le contraire comme par exemple priver les pauvres des logements sociaux pour les attribuer aux plus riches tels que des ministres.

Mais, comme nous l’écrivons plus haut, c’est surtout en matière de sécurité que le président Ibrahim Boubacar Kéïta est carrément passé à côté de la plaque. Son règne est, à n’en pas douter, l’un des plus meurtriers de l’histoire du Mali en matière d’insécurité, en parfait porte à faux avec son projet présidentiel.

Qu’a-t-il promis en matière de Défense et Sécurité ? Refonder le dispositif de défense et de sécurité du Mali.

Textuellement voici sa bible : « La crise malienne du Nord a mis en évidence l’incapacité de notre armée à assurer sa mission ; assurer la protection du territoire, de la population et des intérêts maliens. Une réforme s’impose pour que notre armée puisse connaitre et anticiper, prévenir, dissuader, protéger, et intervenir. Les problèmes de nos forces de défense et de sécurité sont sans doute liés à des problèmes de moyens, à une mauvaise utilisation des ressources disponibles mais également à une absence d’autorité. Maliens, allons-nous avoir toujours besoin des soldats européens pour assurer la défense de notre territoire ?

Nos objectifs : Assurer efficacement la défense du territoire national et de la population ; réussir les missions de sécurité publique ; performer dans les opérations militaires spéciales ; faire honneur au Mali lors des opérations militaires à l’étranger ; garantir l’intégrité des institutions publiques et la sécurité des personnes et des biens ; protéger la population contre les risques ou fléaux de toute nature et contre les conséquences d’un conflit éventuel.

Parmi nos mesures prioritaires : Doter nos forces de défense et de sécurité des moyens humains, technologiques et matériels nécessaire à leur mission ; reformer la gestion des ressources humaines dans l’armée ; créer les conditions pour mieux utiliser les ressources financières des forces de défense et de sécurité ; améliorer les conditions de vie des troupes

Voter et appliquer une loi de programmation militaire correspondant aux besoins prendre l’initiative de l’aboutissement de la force de défense permanente africaine ».

De tout ce chapelet d’actions, rien n’a été concrétisé à l’exception notoire de la loi de programmation militaire qui attend d’être appliquée. Jamais la situation sécuritaire du Mali n’a été autant dégradée que sous IBK et l’insécurité urbaine autant grandissante.

Attentats, explosions et embuscades, barricades, assassinats ciblés constituent le lot de malheurs qui frappent les populations au nord, au centre et au sud du pays. C’est quasiment au quotidien que des Maliens et des personnes venues aider le Mali à sortir de la crise perdent la vie. Pire, la situation s’empire et le nombre de victimes augmente d’année en année.

Toutes les couches sociales et professionnelles paient de leurs vies l’insécurité au Mali. Le pays est devenu comme un cimetière à ciel ouvert pour les forces internationales. En la matière, le Mali est même entré dans l’histoire. En effet, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), intégrant les forces tchadiennes, a eu, au 23 février 2015, 47 soldats tués et 171 blessés, dont 35 morts dans des attaques hostiles. Pour l’année 2014, elle a eu 28 morts et 75 blessés. Il s’agit de la mission de l’ONU ayant eu le plus de pertes cette année-là. Si l’on y ajoute les victimes de 2015 et 2016, la Minusma devient la mission onusienne la plus meurtrière de l’histoire.

Aucune partie du territoire national n’est épargnée par la recrudescence des attaques terroristes. Entre début janvier 2015 et mai 2016, soit 17 mois, Malilink Investigative Reporting Group a recensé 184 attaques terroristes perpétrées sur le territoire malien. Ces attaques ont fait, après décompte, 593 morts et 293 blessés.

Les exemples et les comptes ne manquent pas. Le 18 mai 2016, cinq casques bleus tchadiens ont été tués dans une embuscade près d’Aguelhok. Dix jours plus tard, le 29 mai, cinq autres casques bleus, des Togolais cette fois, périssent dans une autre embuscade près de Sévaré. C’est la première fois que des membres de la mission onusienne sont tués dans le Centre du Mali, où trônent les fidèles d’Amadou Koufa du Front de libération du Macina, groupe djihadiste allié à Ançardine. Du côté des forces maliennes, cinq soldats maliens ont été tués et quatre blessés le 27 mai, par l’explosion d’une mine au passage de leur véhicule. Et 31 mai, ce sont 4 personnes qui ont été tuées dans des attaques en pleine ville de Gao.

Mais pour mesurer l’ampleur de la souffrance des Maliens en matière d’insécurité, il nous parait utile de faire un bref rappel d’événements douloureux et très meurtriers qui ont mis le Mali au-devant de la scène internationale durant le mandat d’IBK.

L’attentat de la Terrasse : Dans la nuit du vendredi 06 au samedi 07 mars 2015, un Français et un Belge sont abattus à l’étage du bar-restaurant La Terrasse, située rue Princesse, dans le chic quartier de l’Hippodrome, par des assaillants, au nombre de trois, selon des témoins. Outre les deux Européens, 3 Maliens sont tués dans cette attaque et 8 personnes blessées, dont trois Suisses.

L’établissement étant très apprécié des expatriés, on en déduit que ce sont ceux-ci qui étaient visés par les terroristes.

Le gouvernement malien a condamné fermement cet acte ignoble ; s’est dit attaché à la recherche de la paix ; et a promis de ne pas se laisser intimider par « ceux qui n’ont d’autres desseins que de faire éloigner les perspectives de la paix et de la concorde entre les Maliens ».

Les autorités françaises aussi ont condamné. Le président François Hollande a dénoncé «avec la plus grande force le lâche attentat» et offre l’aide de la France au président IBK.

Le Premier ministre, Manuel Valls, s’est déclaré «horrifié» par «l’abjecte attaque terroriste».

Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius affirme pour sa part que «ce crime renforce notre détermination à lutter contre le terrorisme, sous toutes ses formes».

Quelques jours plus tard, les forces spéciales de la SE mettent hors d’état de nuire l’un des cerveaux de l’attentat.

L’attentat du Byblos : Cinq mois après le drame de la Terrasse, le Byblos, un hôtel de Sévaré (située à 13 km de Mopti), où séjournent des Occidentaux, notamment des membres de la Minusma, est investi par un commando armé, tôt le vendredi 07 août.

Dans la nuit, des éléments des forces armées et de sécurité maliennes (appuyées par des soldats français, à retardement) mettent fin à la prise d’otage, permettant la libération de quatre otages. Le bilan est lourd : 13 morts dont 5 membres de la mission de l’Onu et 4 soldats des Forces armées maliennes. De même, 4 terroristes dont un portait une ceinture d’explosifs sont tués dans l’assaut.

Dans un communiqué, l’Onu confirme que parmi les victimes figuraient cinq de ses contractuels: Un Malien, qui était le chauffeur de la compagnie sous-traitante de la Minusma, un Népalais, un Sud-Africain et deux Ukrainiens.

Ici, il n’y avait aucune enquête à mener, tous les assaillants ayant été abattus.

L’attentat du Radisson Blu : Trois mois après, le 20 novembre 2015, c’est l’attentat le plus meurtrier depuis le début de la crise malienne qui est commis à l’hôtel Radisson Blu de Bamako. Deux assaillants s’introduisent dans l’établissement vers 7h du matin, prenant en otage environ 170 personnes.  Aussitôt entrés après avoir déjoué les dispositifs de sécurité, les terroristes, ouvrent le feu à la réception et aux différents et compartiments de l’hôtel, faisant d’emblée des morts et des blessés.

Les forces de sécurité maliennes, appuyées d’unités françaises, américaines et de celles de la Minusma, débloquent la situation au bout de plus de 9 heures d’horloge. Le bilan définitif est lourd : 22 morts.

L’attentat de l’hôtel Nord-Sud : Le 21 mars 2016, en début de soirée, des individus armés ont ouvert le feu sur l’hôtel Nord-Sud de Bamako, situé à l’ACI 2000. Cet établissement hôtelier abrite les soldats de la Mission européenne de formation militaire (EUTM) qui forme les forces armées maliennes. Un assaillant a été tué par les éléments de la Garde nationale postés à l’hôtel Nord-Sud. Un des assaillants, blessé, a réussi à prendre la fuite.

A ces actes terroristes s’ajoutent toutes les autres formes possibles d’insécurité et de crimes commis dans les centres urbains. A savoir, les braquages, les meurtres et assassinats, les cambriolages, les viols, les vols, les lynchages et immolations, les abandons d’enfants, les infanticides, les enlèvements et kidnappings, les embuscades, les fusillades, les noyades, accidents et incendies, etc.

Sékou Tamboura

Commentaires via Facebook :

4 COMMENTAIRES

  1. La sitution du Mali est à l’image de celle du reste du monde. Il faut qu’on comprenne le contexte actuel qui n’est favorable à aucun pays.
    Par ailleurs, les Maliens doivent savoir qu’ils ont aussi leur part de responsabilité dans le chaos actuel. Il faut collaborer avec les forces de l’ordre pour dénoncer des comportements suspects. IBK et son gouvernement font ce qu’ils peuvent pour lutter contre l’insécurité, mais il faut que ces actions soient accompagnées par la population civile.

    • Bonjour
      Je suis parfaitement d accord avec votre analyse.
      les communes doivent remettre sur pied une brigade de vigilance pour faire le maillage.
      Cette brigade sera sous la responsabilité du maire et du procureur en coordination avec la police.
      Procéder aux fouilles des véhicules des motocyclistes et même de la foule de manière aléatoire.
      investir les quartiers périphériques et procéder aux fouilles des maisons pour récupérer les armes.
      le Mali devra d une manière courageuse faire appel au service civique indonésien afin d obtenir un contingent de 100.000 jeunes pour une période de 3 ans .
      MERCI.

Comments are closed.