A Sébénicoro, en commune 4 de Bamako, la population vit dans la terreur. Diabi (nous utilisions un pseudonyme requis par l’intéressé pour des raisons de sécurité) en sait quelque chose. Domicilié à la SEMA 2 de Sébénicoro, il a subi deux cambriolages en l’espace d’une semaine.
Les malheurs de Diabi
Jeudi 20 février 2014, en se réveillant, il a eu la surprise de sa vie: la porte de son salon avait été cassée, les pommelles sciées; des inconnus avaient tout emporté: tapis, téléviseurs, fauteuils. Même les pots de fleurs, pourtant de peu valeur, avaient disparu ! Diabi, très affligé, se rend au commissariat du 9ème arrondissement pour déclarer le cambriolage dont il venait de faire les frais. “J’ai été reçu par un policier qui a pris ma déclaration, se souvient-il; dans le registre, j’ai été enregistré sous le numéro 233. J’apprendrai plus tard que j’étais la 233ème victime de cambriolages entre janvier et février 2014.”, relate-t-il. Il ajoute : “Tout près de chez moi, la quincaillerie “Samassa” avait été dévalisée quelques jours auparavant. Le gardien a vu surgir de l’obscurité 7 hommes armés. Ils se sont rués sur lui, l’ont immobilisé, bâillonné et maintenu plaqué au sol. Ils sont ensuite tout volé dans la quicaillerie. En repartant, deux d’entre eux ont suggéré de tuer le gardien, témoin gênant de l’attaque. Celui qui passe pour le chef de la bande s’y est opposé, faisant savoir à ses compagnons qu’il connaissait le pauvre gardien. J’ai appris qu’une boutique voisine a connu le même sort: les portes sciées, le contenu vidé.”.
Diabi n’est pas, hélas !, au bout de ses peines. Dès le lendemain du cambriolage qu’il a subi, il est victime, vers 3 heures, d’une nouvelle attaque à main armée. Les brigands emportent, cette fois, moins que rien mais il les aperçoit, de derrière ses rideaux, en train de fouiller la cour de sa maison, cagoulés et armés jusqu’aux dents. Ne sachant plus à quel saint se vouer, notre homme prend bagages et famille, abandonne la maison qu’il a construite à prix d’or et déménage à Médina Coura, en commune 2 de Bamako, chez des parents.
Témoignage d’une victime
Un autre habitant de Sébénicoro nous raconte son calvaire: ” J’ai pour habitude de prier sur mon toit jusque tard dans la nuit. Un jour, alors que je veillais là, j’ai vu deux hommes pénétrer dans la cour de ma concession. Ils ne m’avaient pas vu. Je me suis donc muni de pierres et me suis mis à les lapider. Ils se sont enfuis, paniqués, ne sachant pas d’où venaient les pierres. Depuis, j’ai peuplé ma concession de quatre chiens”. Le vieillard de 65 ans qui se confie ainsi à nous fait état de nombreux cambriolages dans les quartiers périphériques de Sébénicoro: Kanadjiguila, Ouezzimbougou, etc.
Forces de l’ordre impuissantes
234 attaques à main armée en deux petits mois, entre janvier et février ! La chose n’a pas manqué de nous intriguer. Nous nous sommes, par conséquent, rendus au commissariat du 9ème arrondissement, qui couvre, en principe, Sébénicoro et environs. L’adjoint du commissaire, que nous avons rencontré, nous déclare qu’il lui faut, pour répondre à la presse, une autorisation de la hiérarchie. Il n’empêche ! Un agent de police nous confie, sous le sceau de l’anonymat, que le 9ème arrondissement dispose d’un unique véhicule de patrouille qui tombe en panne quatre jours sur sept. “Nous avons les hommes, mais pas le matériel de travail nécessaire. En cas de bataille rangée, nous ne sommes pas sûrs de venir à bout des bandits lourdement armés que la population nous décrit car nos armes sont rudimentaires”, se lamente notre interlocuteur. Il ajoute: ” On nous a instruits de laisser la gendarmerie patrouiller à Sébénicoro, ce qui’elle ne fait pas visiblement”.
Le plus étonnant, c’est que les bandits ne craignent pas d’infester un quartier où réside le président de la République lui-même. A Sébénicoro se trouvent non seulement un poste de police, mais aussi un check-point mixte comptant des gendarmes, des policiers et des douaniers. La résidence du chef de l’Etat, située à l’entrée du quartier, est gardée par la garde présidentielle qui oeuvre en étroite collaboration avec la MNUSMA, la force militaire onusienne. Qu’au nez et à la barbe de toutes ces forces, les vagabonds agissent à leur guise ne laisse pas de surprendre.
Tiékorobani