Revendication de l’assassinat des journalistes français : Aqmi dédouane la France et sauve la mise au MNLA

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A coup sûr, la revendication, par Al Qaïda au Maghreb Islamique, du meurtre de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon le 2 novembre à Kidal, vient soulager bien des protagonistes de cette tragédie de la Toussaint du Sahara, en transférant la charge de la responsabilité.

 

Ambery Ag Rhissa

En premier lieu le gouvernement français, plus que malmené par les commentateurs qui se sont succédés sur les différentes tribunes pour souligner qu’en réalité, la situation hybride à Kidal jurait avec la sécurité et que la France n’y est pas pour peu. Et Fabius ne s’y est guère trompé qui a trouvé très vite (trop vite même) crédible la revendication d’Aqmi . Un empressement qui cache mal le malaise français face aux conséquences d’une politique, aujourd’hui quelque peu éloigné de ce qu’on pouvait appeler les engagements de Konna !

 

 

En second lieu les groupes armés parties prenantes aux discussions avec les autorités de Bamako, et singulièrement le MNLA qui avait pignon sur rue. Et pour cause, en maintes occasions, le groupe armé irrédentiste, véritable Cheval de Troie du jihadisme dans le sahel, ne se faisait pas faute de souligner, devant la presse internationale émerveillée, comment il avait brillamment reconquis la capitale rocailleuse de l’Adrar des Iforas, alors qu’en réalité, les extrémistes narco-jihadistes avaient massivement pris la poudre d’escampette dans un déluge de feu et de fer vers les Tegharghar. Aujourd’hui, le mouvement se défausse, en réduisant son influence dans la zone. Il n’empêche, ni la France, ni le MNLA ne peuvent convaincre que leur complicité agissante dans le non-droit n’a pas abouti à une telle issue.

 

 

La culpabilité avérée de

 Ag Rhissa

Car tout désigne le MNLA ! En effet, le déroulé des événements suscite trois questions d’importance majeur. Lorsqu’il se faisait interroger sur les circonstances de l’enlèvement de Ghislaine et de Claude, Ambéry Ag Rhissa, l’interlocuteur des deux journalistes et manifestement le dernier à les avoir vus en vie, a expliqué qu’ayant entendu du bruit devant sa résidence, il serait sorti et vu les terroristes en pleine action. Lesquels, à ses dires, ont tiré un coup de feu en l’air avant de lui intimer l’ordre de rentrer chez lui. Qu’à cela ne tienne, pourquoi alors aura-t-il fallu au moins 15 minutes avant qu’un témoin, autre que ce responsable de premier plan du MNLA, n’alerte les forces françaises de l’enlèvement ? Pour qui connaît les extrémistes du Nord, on sait qu’ils possèdent tous des Thuraya et ce nec plus ultra de la communication satellitaire n’est qu’un jouet courant dans ce milieu. Personne n’a posé la question de savoir pourquoi Ambéry Ag Rhissa n’a pas lui-même donné  l’alerte, ni s’interposé sachant, comme il le dit lui-même, que les ravisseurs s’exprimaient en langue tamasheq, donc des touaregs comme lui.

 

Et d’ailleurs sur ce plan de la possible intervention, tout le monde sait, autorités de Bamako et surtout françaises avec Serval au premier poste d’observation, qu’Ambéry Ag Rhissa dispose d’une véritable garde prétorienne, une milice de combattants assez nombreux et armés jusqu’aux dents (on dit même que le benjamin de la famille Rhissa dispose de son propre kalachnikov). Personne ne peut s’approcher de la résidence de Ag Rhissa à Kidal sans montrer patte blanche. Dès lors, comment les quatre jeunes ont-ils pu venir cueillir les deux journalistes devant sa porte et repartir tranquillement sans être inquiétés ? Quelles que soient les obédiences des uns et des autres, aucun membre d’un autre clan touareg ne peut se permettre, dans les conditions actuelles, un tel casus belli sans s’attirer une immédiate réplique de feu. Car autrement, le geste serait une insulte extrême !

 

En troisième lieu, et dans la veine de la non-intervention de Ag Rhissa, assimilable à une non-assistance, comment les hommes de Ambéry Ag Rhissa n’ont-ils pas aussitôt bouclé les sorties sans check-point de Kidal ? Car ils en ont une bonne connaissance, parce que ces sorties et entrées non contrôlées par la MINUSMA et Serval servent en réalité aux mouvements incessants des hommes en armes de tous bords qui évoluent dans la ville et ses environs. Si bien que le temps mis, environ 15 minutes, pour réagir et engager la poursuite des ravisseurs apparaît clairement comme un délai de grâce accordée par Ag Rhissa à ces derniers pour gagner une bonne distance.

 

 

Au demeurant, l’Afp cite le propriétaire du véhicule de l’enlèvement, en l’occurrence Bayes Ag Bakabo, un Touareg appartenant à “la même tribu” qu’Ambéry Ag Rhissa qui est soupçonné d’avoir planifié les enlèvements pour le compte d’Aqmi. L’Agence France Presse précise que Bayes Ag Bakabo, après son engagement avec Aqmi,  s’est recyclé un moment… dans le MNLA.

 

 

Aqmi responsable par… substitution

 Du coup la revendication d’Aqmi devient un puissant dérivatif qui ôte la charge de la responsabilité des épaules du MNLA. Devant l’ampleur de la faute et des éventuelles conséquences subodorées, le MNLA qui contestait même la garde de la BMS par seulement une poignée de soldats maliens, considérée comme une présence massive, se déclare impuissant à contrôler la ville. Une posture bien commode pour atténuer sa lourde responsabilité dans la tragédie. Ce que la France a soigneusement évité d’ailleurs de mettre en avant, ne pouvant pointer la responsabilité du MNLA, sans se compromettre et se mettre dans l’obligation d’une riposte appropriée. Real politic, quand tu nous tiens… On sait que de Sarkozy à Hollande, en passant par Alain Juppé, toute l’attitude de la France envers le MNLA procède de la croyance, à tort ou à raison, que les irrédentistes constituent le fil d’Arianne qui conduirait aux otages du Sahara. Le nettoyage infructueux des Tegharghar auraient pourtant dû permettre à la France de se faire une religion. Visiblement en vain !

 

 

La revendication par Aqmi de l’assassinat participe d’une stratégie mûrement réfléchie et d’ailleurs bien comprise comme telle par la France. Mais l’Hexagone, bien que n’étant pas dupe, reprend à son compte cette thèse parce que plus commode que de reconnaître sa propre responsabilité dans la tragédie. Et pour cause, dès l’annonce de la nouvelle, aucun commentateur n’a épargné les autorités françaises pour avoir été à l’origine de l’érection de Kidal en zone de non-droit exclusivement dévolue au MNLA.

 

 

Il ne faisait plus de doute, avant l’exécution des deux journalistes français, que l’Hexagone a œuvré activement, au besoin en s’interposant, pour que les autorités de Bamako ne puissent disposer d’aucun pouvoir dans la région. On se rappelle qu’après un premier accrochage à Annefis, où l’armée malienne avait infligé une raclée au MNLA, les Forces françaises de Serval s’étaient interposées, mais en réalité avaient plutôt brutalement mis fin à la progression des FAMA qui, dans la foulée, avaient décidé de rallier Kidal dans leur avancée. Cela avait suscité l’ire de l’opinion malienne et obligé Bamako à adopter un profil bas. Qui dure depuis…

 

 

La famille Intallah et le HCUA en cause

Cependant, au-delà d’Aqmi, les enquêtes semblent progresser et si Fabius s’empresse de cautionner cette revendication, c’est visiblement pour gagner du temps. En effet, rien strictement dans l’attitude de Aqmi, ne prédispose cette branche de l’international jihadiste à tuer ainsi : les occidentaux, par ces temps surtout de disette, constituent plutôt une denrée très prisée et la libération des quatre otages d’Arlit en donne la preuve sonnante et trébuchante.  D’ailleurs, selon des informations recueillies auprès des acteurs sur le terrain, les assassins des deux journalistes seraient issus de l’entourage immédiat de Mohamed Ag Intallah, l’un des fils du patriarche touareg et responsable fondateur du Haut Conseil Unifié de l’Azawad, HCUA, allié du MNLA. Au demeurant, les mêmes sources indiquent que trois des coupables auraient été pris dans le filet et seraient aux mains de Serval. Ce qu’on ne dit jamais assez, c’est que le HCUA, initialement Haut Conseil Islamique de l’Azawad, est né peu après la déroute de Ansar ed-Dine de Iyad Ag Ghaly et que la plupart des individus armés composant ce groupe jihadiste ont constitué l’ossature de cette nouvelle mouvance. Ce que l’on sait moins encore, c’est que ce sont d’abord les fils du Vieux Intallah, jadis cadres dirigeants de Ansar ed-Dine, qui ont porté le nouveau mouvement armé sur les fonts baptismaux, censé selon eux, représenté les touareg. En quelques jours, le HCUA, troquera dan sa dénomination, le terme trop dangereux de  « Islamique » au profit de « Unifié », visiblement plus à la mode en insistant particulièrement sur sa ferme volonté d’écarter toute idée d’indépendance, pour faire la différence avec le MNLA.

 

On peut aujourd’hui bien user de dérivatifs à la douleur des familles et des opinions, mais le cocktail détonnant HCUA-MNLA, dans la tragédie de la Toussaint du Sahara, finira bien par exploser !

 

Papa SOW et Jean Baptiste Satono,  Maliweb.net

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11 COMMENTAIRES

  1. Diantre, S’il vous plait ne parlez plus de Nord-Mali mais plutôt du NORD DU MALI….Diantre

    Il n’ y a pas d’Azawad en tant que zone historique de peuplement humain…. l’Azawad n’est pas comparable au wassoulou, qui a une histoire, une réalité humaine, sociale et économique… de grâce arrêtez ces sottises…

  2. Que tous ceux qui entretiennent directement ou indirectement le désordre de Kidal se ressaisissent. Les innocents risquent de continuer à payer le prix fort. Aucune politique ne devrait consister à privilégier une minorité d’individus au détriment de tout un peuple.

    J’invite tous les acteurs à être très attentifs à la prise de position de Ag Rhissa. Je ne le connais pas personnement. Mais, ce compatriote mérite beaucoup de respect. Il n’a pas l’habitude de parler pour faire plaisir.

    • Toutes mes excuses pour la grave confusion.
      Je pensais plutôt au Vice Président de l’Assemblée Nationale qui est, à mon avis, une personnalité très respectable.
      Par contre, Ag Rhissa, le représentant du MNLA devrait présentement être arrêté et interrogé. On n’a pas besoin d’être inspecteur de police pour comprendre que sa responsabilité est clairement engagée.

  3. Le malheur du Mali c’est aussi le Burkina où se trouve le chef des rebelles en occurrence Blaise Compaoré et l’UMP de la france. il est temps que la france de Hollande ouvre ses yeux.

  4. L’article du Matin dE la presse -algerie semble beaucoup a du bidon. Il be merite
    pas une attention particuliere

    • Diantre, S’il vous plait ne parlez plus de Nord-Mali mais plutôt du NORD DU MALI….Diantre

      Il n’ y a pas d’Azawad en tant que zone historique de peuplement humain…. l’Azawad n’est pas comparable au wassoulou, qui a une histoire, une réalité humaine, sociale et économique… de grâce arrêtez ces sottises…

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