Les risques de désolidarisation des groupes sont élevés et le report des questions les plus litigieuses – toujours discutées dans les accords précédents mais rarement mises en œuvre comme le désarmement, l’intégration des ex-combattants ou le développement – font peser des menaces graves sur l’ensemble du processus. La CMA, au terme de consultations des populations du Nord tenues du 12 au 15 mars dernier, a réaffirmé son opposition à un texte qui ne reprendrait pas leurs principales aspirations tout en soutenant, dans le même temps, sa volonté de poursuivre le processus de paix sous l’égide de la communauté internationale. Le MNLA, le HCUA et le MAA réclament toujours la reconnaissance officielle de l’Azawad comme Etat fédéré, membre de la fédération du Mali, tandis que le gouvernement malien, s’il admet la dénomination Azawad pour qualifier une « réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du Nord du Mali » ne veut toujours pas parler d’autonomie du Nord et encore moins de fédéralisme.
Au Sud, l’opposition politique ne convainc pas
Depuis son élection en juillet-août 2013 avec plus de 77% des voix (mais seulement 39% lors du premier tour), Ibrahim Boubacar Keïta peine à convaincre ses partenaires et ses populations. Le clientélisme et la multiplication des affaires (avion présidentiel notamment), qui ont entraîné la suspension temporaire des relations avec les institutions financières internationales, ont entamé la confiance des soutiens du chef de l’Etat.
En l’absence toutefois d’alternative politique crédible, la position du chef de l’Etat n’apparait pour le moment pas structurellement fragilisée. La politique de cooptation menée jusqu’à présent assure au Président une confortable majorité (66 députés sur 147 élus sous la bannière RPM en 2013, auxquels s’ajoutent les députés du MPR, ADEMA, UMRDA, CDS, tous membres de la coalition présidentielle). Du côté de l’opposition, le nouveau chef de file, Soumaila Cissé, concurrent d’IBK au second tour de l’élection présidentielle au nom de l’URD, ne bénéficie pour le moment ni du charisme ni des réseaux de son concurrent. D’une façon générale, l’opposition ne parvient pas à mobiliser dans la durée ni à proposer des projets alternatifs susceptibles d’en faire à moyen terme un partenaire crédible des partenaires internationaux. L’adoption récente (4 mars 2015) du statut de l’opposition, qui était déjà en discussion sous ATT, en attribuant au chef de l’opposition des prérogatives importantes (rang de ministre), des avantages (cabinet, voiture) et des financements étatiques, paraît davantage en achever la neutralisation que la transformer en véritable contre-pouvoir.
Aussi, malgré une absence flagrante de résultats depuis son élection, IBK ne parait pour le moment confronté à aucune contestation politique sérieuse. Ni le népotisme affiché des premiers mois, ni les ambitions décomplexées de ses partenaires de coalition, comme l’ex-Premier ministre Moussa Mara, ni les erreurs stratégiques commises dans les régions Nord (offensive militaire de Kidal), ni les mises en cause des institutions financières internationales n’ont à ce-jour réussi à ébranler la position du chef de l’Etat. Un Etat absent, contourné par des prestataires de plus en plus puissants.
Extrait du document : Instantané politique malien, trois ans après la crise de 2012
Par Virginie Baudais Etienne Darles