Les 30 et 31 mars et le 1er avril, des mouvements terroristes, jihadistes et indépendantistes ont chassé du nord les forces armées et de sécurité (Fas) et occupé successivement les régions de Kidal, Gao et Tombouctou. La menace d’une contre-offensive des Fas et les risques collatéraux, l’imposition de la charia (la loi islamique) par certains occupants, et l’arrêt des activités économiques ont amené des centaines d’habitants à se lancer dans l’exil, à l’intérieur du pays ou à l’extérieur, vers des foyers plus sécurisants.
Les organismes humanitaires internationaux comme le Comité international de la Croix-rouge et le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés se sont mobilisés pour le suivi et l’accueil des exilés et déplacés ; d’autres comme le Programme alimentaire mondial se battent pour leur assurer le pain quotidien. A côté de ces organismes, la solidarité s’est organisée sur le plan national pour assister « les azawadi de l’extérieur »
Notamment par la création d’associations. Le Collectif des ressortissants du nord (Coren) est le plus représentatif et, surtout, il a été créé bien avant la débandade de l’armée pour voir dans quelle mesure il peut participer à la résolution des problèmes récurrents au nord du Mali. Sont membres du Coren plusieurs hautes personnalités issues du Septentrion, dont deux anciens Premiers ministres, Mohamed Ahmed Ag Hamani et Ousmane Issoufi Maïga, d’anciens députés et ministres, de hauts cadres et commis. Particularité : le Coren a été élargi aux ressortissants de Mopti, région placée au centre du pays.
Au lendemain de la prise et de l’occupation des trois régions du nord, le Collectif a multiplié les initiatives pour récolter le maximum de fonds et de vivres en faveur des personnes déplacées et des nombreuses populations restées sur place.
Il y a peu, lors de l’assemblée générale constitutive de la coalition pour le Mali, le maire d’une des communes urbaines de la région de Gao a dit publiquement qu’avec toute l’aide reçue pour le compte des populations du nord, celles-ci pourraient vivre pendant de nombreux mois sans connaitre la moindre gêne ni pénurie. Et que la seule priorité de l’heure est de lancer des actions de libération du nord du pays. D’où ces questions qui ne manquent pas de venir à l’esprit : où sont passés tous les dons consentis en faveur des populations septentrionales ? comment ont-ils été (sont-ils) gérés ?
Si la présence d’un ex-député du cercle de Gao, présentement conseiller municipal, connu pour son attachement à sa région et son engagement envers les populations, notamment les jeunes pour lesquels il a toujours multiplié les initiatives heureuses et avantageuses (beaucoup de jeunes travaillent grâce à lui), si la présence de cet homme rassure, il en va autrement de la fréquentation assidue du siège du Coren, à Baco Djicoroni ACI, par certaines personnes qui n’ont laissé de bons souvenirs dans la gestion de fonds octroyés au nord. C’est un confrère qui assure la communication du Collectif. Contacté, il a assuré que la gestion des fonds et du matériel reçus se fait avec la plus grande rigueur, et que les vrais destinataires en sont les seuls et uniques bénéficiaires. On ose le croire parce qu’il il est le frère de l’ex-député et on espère qu’il est allé à bonne école. Néanmoins, on ne manque pas d’être sceptique à la présence, aux réunions du Coren, d’anciens chefs rebelles des années 1990 et de responsables d’agences gouvernementales chargées du développement, auxquels on impute le sous-développement généralisé du nord. Pire, on leur impute d’avoir privilégié leurs propres intérêts ou ceux de clans ou de fractions particuliers au détriment de l’intérêt général. D’ailleurs, la présence de ces ogres a fait fuir d’autres prédateurs qui ont voulu profiter de cette situation pour s’enrichir encore comme au bon vieux temps.
Le bon vieux temps ? Celui qui a permis à de généreux et désinteressés citoyens de se construire les « villas de la sécheresse » pendant les grandes famines de 1973-74 et 1981-82.
Le Coren n’est pas la seule organisation à se prévaloir de la défense des intérêts des populations du nord. Depuis quelques temps on assiste à la multiplication et à la prolifération de ce genre d’associations, qui, toutes inscrivent leur initiative dans la nécessité d’aider les populations déplacées ou restées sur place par des actions humanitaires. Secours, humanitaire, aide d’urgence, solidarité sont désormais à la mode et dans l’air du temps. Et toutes ces associations perçoivent effectivement quelque chose au nom des sinistrés du nord. Et toutes ces associations médiatisent leur présence sur la scène humanitaire. Mais pour l’heure, elles sont rares celles qui médiatisent la remise effective des dons à leurs vrais bénéficiaires. Que ce soit directement ou par l’intermédiaire du Pam comme le font certains généreux donateurs.
Dans tous les cas, la crise passera bien un jour, et il faudra pour tous ces humanistes et secouristes rendre des comptes. Au besoin, les sinistrés seront là pour leur rappeler l’obligation d’audits. Et on verra bien.
Cheick Tandina