Le G5 Sahel aura vite fait d’être rattrapé par sa seule tare congénitale. Si l’idée de fédérer les forces militaires de la zone dans le but de lutter ensemble contre le terrorisme transfrontalier était bonne, par contre, son approche sur le plan diplomatique était loin d’être l’idéal. Dès le départ, le regroupement semblait comme mis au pas par une France aux postures paternalistes et souvent dédaigneuses. Ce qui, tout naturellement, irritait les populations impliquées déjà frustrées par l’incapacité de leur gouvernement à assurer valablement leur sécurité. De plus, il semblerait bien que la France ne fait que le strict minimum en matière de coopération militaire, et comme résultat, la lutte contre le terrorisme s’enlise, et le nombre des victimes est toujours élevé.
Au moment où nous mettions sous presse cet article, la position des autorités de Transition n’a pas changé.
Par ce retrait, la Transition en cours au Mali ne fait, en réalité, que suivre sa propre logique, qui est de rompre les liens diplomatiques et sécuritaires avec la France. Cette dernière étant à la base de la mise en place du G5 Sahel, Bamako semble l’accuser, sans toutefois la désigner, comme celle qui agit en douce pour l’empêcher de jouer pleinement son rôle de membre du G5 Sahel, et surtout, la présidence tournante qui lui revenait, depuis février dernier. Cependant, si l’union fait la force, la désunion rend faible et arrange grandement les ennemis de la paix, particulièrement ceux actifs dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina Faso et Niger). De même, le dispositif sécuritaire qui se mettait en place se retrouve fortement déstabilisé. La France, première alliée du G5 Sahel, devra adapter son soutien logistique. Également, fort malheureusement, les promesses de financement par les pays occidentaux notamment, risquent fort de se heurter à la méfiance de leurs dirigeants.
L’argent étant le nerf de la guerre, le plein déploiement de la force conjointe se fait toujours attendre. Selon l’ONU, sur les 415 millions d’euros promis en 2018 par la Communauté internationale, seulement un peu moins de la moitié a été obtenu. Après la mort du Maréchal Idriss Déby Itno, le retrait malien du G5 Sahel pourrait être le coup qui coulera un navire qui peinait déjà à naviguer dans les eaux troubles du diplomatique-sécuritaire. Rappelons également que le Burkina Faso est lui aussi englué dans une Transition et que sa participation à la force conjointe sera, au moins, affaiblie par le coup d’Etat qu’il connut. Il est toutefois, peu probable, que le pays des hommes intègres suive les pas du Mali.
Néanmoins, l’idée d’investir de l’argent dans un regroupement de pays dont des membres ont connu des putschs et qui sont encore très loin de connaitre un semblant de stabilité institutionnelle, a de quoi emporté la méfiance de plus d’un sur le plan international.
Le G5 Sahel pourra-t-il mourir de sa belle mort pour autant ? C’est ce que craint fort, le président nigérien Mohamed Bazoum. Pour lui, lors d’un long entretien largement relayé sur les réseaux, l’isolement de Bamako joue négativement sur l’opérationnalisation de la force conjointe. Et le départ de Barkhane du Mali complexifiera davantage la lutte contre le terrorisme dans la zone. Il aura aussi lancé une pierre dans le jardin de la junte malienne en déclarant que le coté malien de la zone des trois frontières est celui où les terroristes de l’EIGS sont les plus actifs.
Néanmoins, si le G5 Sahel venait à disparaitre, ce serait un autre camouflet pour la France dans la zone. Elle qui voulait, selon toute vraisemblance, rester militairement dans la zone, tout en limitant les moyens qu’elle dépense pour la guerre. Le G5, s’il venait à être opérationnel, aurait ouvert la porte à un désengagement naturel de la France.
Ahmed M. Thiam