Selon le rapport en 2011, plusieurs pays d’Afrique du Nord ont subi des changements politiques et sociaux. Par exemple, l’Égypte, la Jamahiriya arabe libyenne22 et la Tunisie ont connu des révolutions politiques visant à établir des sociétés démocratiques. Pendant ces révolutions, les trafiquants de drogues ont tiré profit de l’affaiblissement des services de détection et de répression. Alors que le cannabis demeure la drogue dont la culture, le trafic et l’usage illicite sont les plus répandus en Afrique, le trafic de cocaïne provenant d’Amérique du Sud et transitant par l’Afrique pour être acheminée vers l’Europe est devenu une grave menace. En 2008 et 2009, les quantités de cocaïne passant par le continent africain semblaient avoir diminué. Cependant, certains éléments laissent penser que les trafiquants ont simplement modifié leur modus operandi et trouvé de nouvelles méthodes pour faire transiter la cocaïne par l’Afrique de l’Ouest en la dissimulant dans des conteneurs de fret maritime. Le nombre croissant de saisies importantes de cocaïne ainsi dissimulée, réalisées en cours de transport vers des pays d’Afrique de l’Ouest ou dans ces mêmes pays en 2010 et 2011, vient confirmer cette évolution. Il est fait état d’une hausse de l’usage illicite de cocaïne dans certains pays touchés par ce trafic. Le Conseil de sécurité a reconnu la menace que représente le trafic de drogues qui mine le développement, la stabilité et la sécurité en Afrique de l’Ouest. Ce qui a poussé l’Assemblée générale des Nations Unies à convoquer plusieurs sessions extraordinaires afin de traiter ce problème. En décembre 2010, le Secrétaire général a réitéré son appel à la Communauté internationale pour qu’elle renforce son soutien aux efforts régionaux visant à combattre les menaces contre la paix et la sécurité posées par le trafic de drogue et la criminalité transnationale. Dans ce rapport, on note que l’acheminement de l’héroïne en Afrique se fait par les aéroports et les ports maritimes d’Afrique de l’Est. De là, elle est transportée soit directement, soit via l’Afrique de l’Ouest, vers l’Europe et d’autres régions. En 2011, des saisies record d’héroïne ont été effectuées au Kenya et en Tanzanie. L’héroïne transite également par le Mozambique pour passer en Afrique du Sud où elle est consommée par la population locale ou introduite clandestinement dans d’autres pays d’Afrique australe et d’ailleurs. Le flux grandissant d’héroïne qui pénètre en Afrique a entraîné une augmentation de l’usage illicite de drogue dans toute la région, en particulier en Afrique australe et en Afrique de l’Est. Les craintes de voir l’Afrique de l’Ouest devenir un lieu de fabrication illicite de stimulants de type amphétamine ont été confirmées par la saisie, en juin 2011 à Lagos, d’un grand laboratoire de méthamphétamine. Le Nigéria risque de devenir une plaque tournante du trafic de stimulants de type amphétamine, en particulier de méthamphétamine. En 2010, les autorités nigérianes ont saisi deux chargements d’amphétamine et de méthamphétamine, soit une quantité totale de 63 kg. Un chargement allait être expédié vers les États-Unis d’Amérique via l’Afrique du Sud, et l’autre était en route vers le Japon. Les efforts fournis par les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) afin de prévenir le trafic et l’usage illicite de drogues sont coordonnés dans le cadre du Plan d’action de la CEDEAO pour la lutte contre le trafic illicite de drogues, le crime organisé et l’abus de drogues. Lors d’une réunion tenue à Abuja en mai 2011 par le Comité des Chefs de police de l’Afrique de l’Ouest (CCPAO), une institution spécialisée de la CEDEAO, les États membres de la CEDEAO ont convenu d’unir leurs forces afin d’intensifier la lutte contre le crime, aux niveaux national et international, et d’encourager leurs forces de police à coopérer avec INTERPOL. L’Initiative Côte de l’Afrique de l’Ouest (WACI), lancée en 2009 pour accompagner la mise en œuvre du volet opérationnel du Plan d’action de la CEDEAO en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau, au Libéria et en Sierra Leone, a tenu une réunion d’orientation de haut niveau à Dakar en juin 2011. Les quatre États membres de l’Initiative étaient représentés au niveau ministériel. La Commission de la CEDEAO, des organismes des Nations Unies ainsi que INTERPOL étaient également représentés. Il est prévu d’élargir l’Initiative à la Guinée. D’importantes initiatives internationales ont été prises en 2011 pour lutter contre le trafic transatlantique de cocaïne. Le Groupe des Huit a tenu une réunion ministérielle à Paris en mai 2011. Des représentants de 22 pays, dont plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (le Ghana, le Nigéria et le Sénégal) et de la CEDEAO ont assisté à cette réunion. Les participants ont adopté une déclaration politique et un plan d’action pour le renforcement de la coopération internationale, notamment en ce qui concerne l’échange d’informations, l’interception des envois en mer et la coordination de l’assistance technique. De plus, les États-Unis et l’Union européenne ont organisé, à Lisbonne en mai 2011, le Symposium transatlantique sur le démantèlement des réseaux illicites transnationaux, visant à renforcer la coopération internationale et interrégionale entre l’Afrique de l’Ouest, l’Europe et les Amériques. La vingt et unième Conférence régionale africaine d’INTERPOL s’est tenue à Gaborone en février 2011. Des responsables des services de détection et de répression de différents pays d’Afrique y ont assisté. Les participants se sont dits favorables à une plus grande concertation régionale en matière de lutte contre la criminalité transnationale en Afrique, notamment contre le trafic de cannabis, de cocaïne, d’héroïne et de substances psychotropes, ainsi qu’à un meilleur partage des informations entre les services de détection et de répression. Compte tenu des menaces que fait peser le trafic de cocaïne à travers l’Afrique de l’Ouest, le Gouvernement guinéen a fait de la lutte contre le trafic de drogues une de ses priorités. Il a créé en janvier 2011 un secrétariat général à la Présidence chargé des services spéciaux et de la lutte contre le trafic de drogues et la criminalité organisée. Le Gouvernement de la Guinée-Bissau a adopté, en juin 2011, une déclaration politique et un plan d’action afin de combattre et de prévenir le trafic de drogues et la criminalité organisée. Il réaffirme, dans la déclaration, l’engagement du pays pour la promotion d’un environnement sans problèmes liés à la drogue et à la criminalité et décrit, dans le plan d’action, les objectifs opérationnels prévus et les activités à entreprendre pour les atteindre. Ce plan d’action complète le Plan d’action de la CEDEAO pour la lutte contre le trafic illicite de drogues, le crime organisé et l’abus de drogues pour la période 2008-2011. Le trafic de drogues, qui reste une grave menace pour le développement de la Guinée- Bissau, a entraîné une hausse de la consommation de drogues dans le pays. Plusieurs États africains ont pris en outre des mesures pour lutter contre le blanchiment d’argent. C’est le cas du Mali, en décembre 2010 qui est devenu le quatrième État (après le Sénégal, le Togo et la Côte d’Ivoire) à avoir transposé dans sa législation nationale la Loi uniforme de l’Union économique et monétaire ouest africaine(UEMOA) en matière de lutte contre le financement du terrorisme.
Culture, production, fabrication et trafic
Le cannabis, qui pousse partout en Afrique et est aussi cultivé illicitement dans certains pays de la région, demeure la drogue la plus souvent consommée sur le continent africain. Alors que la résine de cannabis est produite illicitement surtout au Maroc, l’herbe de cannabis l’est dans toute la région. L’essentiel de la résine de cannabis produite illicitement au Maroc est destinée à l’Europe ou à l’Afrique du Nord. Le Gouvernement marocain a déclaré avoir poursuivi ses efforts en matière de lutte contre la culture, la production et le trafic illicites de cannabis. Selon les données qu’il a fournies, 9 400 hectares de cultures illicites de cannabis ont été éradiqués en 2010. Ainsi, la surface totale des cultures illicites de cannabis a chuté de 134 000 hectares en 2003 à 47 500 hectares en 2010. La politique marocaine de détection et de répression des infractions en matière de drogues s’appuie sur une stratégie globale de développement alternatif et sur un programme de substitution des cultures estimé à 116 millions de dollars, qui ont permis d’entreprendre des projets de développement socioéconomique et environnemental dans 74 communes rurales. Malgré ces efforts, le Maroc demeure une source importante d’approvisionnement des marchés d’Europe occidentale en résine de cannabis, comme le confirment les données sur les saisies de cette substance fournies par les États. Les données sur les saisies et les prix en Europe semblent indiquer que les flux de résine de cannabis provenant du Maroc et introduite dans la région sont restés stables ou ont diminué légèrement. La production d’herbe de cannabis a également cours dans des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale (notamment au Ghana, au Nigéria, au Sénégal et au Togo) mais aussi d’Afrique de l’Est (en Éthiopie, au Kenya, à Madagascar, en Ouganda et en Tanzanie.
Précurseurs
Toujours selon le rapport de l’OICS, l’Afrique reste le théâtre de détournements de produits chimiques précurseurs ainsi qu’une destination possible pour les précurseurs objets d’un trafic. Néanmoins, il existe un net contraste entre les tendances du trafic de précurseurs en Afrique et le faible nombre de saisies de précurseurs réalisées par les autorités des pays africains. En 2011, peu de cas de détournement ou de tentative de détournement de produits chimiques précurseurs ont été enregistrés sur le continent. L’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest, qui ont été identifiées récemment comme des sources de lots illicites de méthamphétamine destinés à l’Asie de l’Est, sont toujours vulnérables au trafic de précurseurs, en particulier l’éphédrine et la pseudo éphédrine, utilisés pour la fabrication illicite de stimulants de type amphétamine. Les informations disponibles laissent penser que le cannabis demeure la drogue la plus utilisée en Afrique. Selon les estimations, l’Afrique détient le deuxième taux de prévalence annuelle de l’usage de cannabis le plus élevé du monde: on estime qu’entre 3,8 et 10,4 % de la population africaine âgée de 15 à 64 ans, soit entre 21,6 millions et 59,1 millions de personnes, consomment du cannabis. Le taux estimatif de prévalence est plus élevé en Afrique de l’Ouest, en Afrique du Nord et en Afrique centrale que dans les autres sous-régions du continent. Selon les données disponibles, en Afrique, la consommation de cannabis est à l’origine de 64 % des traitements concernant des problèmes liés à la drogue, soit un pourcentage plus élevé que celui relevé dans les autres régions du monde.
L’usage de la cocaïne semble être en hausse en Afrique
Le taux de prévalence annuelle se situerait aux alentours de 0,2 % chez les 15-64 ans; en d’autres termes, environ un million d’Africains auraient consommé de la cocaïne au cours de l’année écoulée. En Afrique du Nord, où la prévalence de l’usage de cocaïne est considérée comme faible, une augmentation de la consommation a été enregistrée en Algérie et au Maroc. L’usage d’héroïne semble avoir augmenté en Afrique: 60 % des pays ayant fourni des informations sur la question pour 2009 ont signalé une augmentation de la consommation d’opioïdes. En 2009, selon les estimations, la prévalence annuelle de l’usage d’opiacés en Afrique était comprise entre 0,2 et 0,6 % chez les 15-64 ans. La prévalence de l’usage d’héroïne est plus élevée en Afrique de l’Est (particulièrement à Maurice et au Kenya) que dans d’autres sous-régions africaines. La consommation d’héroïne par injection serait courante chez les toxicomanes au Kenya, où près de 43 % des usagers injecteurs sont infectés par le VIH/sida. Une augmentation de la consommation d’héroïne par injection a été constatée en République-Unie de Tanzanie, en particulier dans les zones côtières du pays. On estime actuellement dans le pays à 25 000 le nombre d’usagers de drogue par injection, dont 40 % sont infectés par le VIH/sida. Au Nigéria, on estime que le taux de prévalence de l’usage d’opiacés (essentiellement de l’héroïne) est passé de 0,57à 0,70 % en 2009, ce qui signifie que le pays comptait entre 500 000 et 600 000 héroïnomanes. En Afrique du Nord, la prévalence de la consommation d’héroïne par injection est particulièrement élevée parmi les toxicomanes en Égypte. On estime qu’au Caire, 6,8 % des personnes se droguant par injection sont infectées par le VIH/sida. En ce qui concerne la plupart des régions africaines, les données fiables sur l’usage de substances psychotropes sont limitées voire inexistantes. En Afrique du Sud, la méthaqualone, la méthamphétamine et la méthcathinone sont les substances psychotropes les plus couramment consommées. En Afrique du Sud, l’UNODC estime que le taux de prévalence annuelle de l’usage d’amphétamines se situe entre 0,7 et 1,4 % de la population adulte (âgée de 15 à 64 ans). Au Cap, la méthamphétamine (localement appelée « tik ») reste la principale substance à l’origine des
demandes de traitement. Dans de nombreux pays d’Afrique, l’usage non thérapeutique de médicaments soumis à prescription médicale, en particulier la buprénorphine, la pentazocine et les benzodiazépines, est toujours une source de problèmes considérables. En Afrique de l’Est, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, l’usage détourné de stimulants délivrés sur ordonnance est fréquent. À Maurice, la buprénorphine (Subutex) est consommée plus fréquemment que l’héroïne. On estime à environ 12 000 le nombre de personnes consommant de l’héroïne ou de la buprénorphine à Maurice. Il faut reconnaitre qu’en Afrique le trafic de cocaïne continue.
Paul N’guessan