Problématique des forces du G5 Sahel : Voilà pourquoi ce « géant » ne peut pas marcher ?

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Roch Marc Christian Kabore, Ould Abdel Aziz, Emmanuel Macron, Ibrahim Boubacar Keita, Idriss Deby et Mahamadou Issoufou ce 2 juillet 2017 à Bamako. © REUTERS/Luc Gnago

Nul besoin d’être spécialiste des questions de défense et de sécurité pour prédire que « le machin » qu’on a porté sur ses fonts baptismaux à Bamako le dimanche 02 juillet, ne sera pas opérationnel. Plusieurs raisons dont cinq pertinentes, motivent notre prise de position.

D’abord en matière de défense et de sécurité, chaque pays a sa vision. Autant de pays, autant de visions. Cette vision est déterminée par la stratégie que chaque pays se donne. En fonction de cette stratégie, un pays donné se donne les moyens conséquents. Certes des pays pourraient coordonner leurs efforts pour effectuer une opération ponctuelle, mais de là à réunir leurs forces sous un même commandement, ce n’est pas évident. A la rigueur, cela est réalisable avec des armées assez professionnelles, bien équipées, ce qui n’est pas le cas dans les cinq pays, peut être hormis le Tchad.

Ensuite, pour que ces forces du G5 soient efficaces, il faut que tous les pays membres soient concernés. Quoi qu’on dise depuis qu’on parle de terrorisme, la Mauritanie en a été très rarement victime. Est-ce parce qu’elle s’appelle République Islamique de Mauritanie ? et très rarement, on entend ses dirigeants fustiger le terrorisme djihadiste. Il y a là matière à réflexion.

Le Tchad grâce à son armée aguerrie, n’est victime des actes terroristes que parce qu’il participe en dehors de son territoire national, à des actions de lutte contre le terrorisme. Globalement, il a le contrôle sur son territoire malgré ses difficultés dues à la baisse du prix des produits pétroliers.

De même, le degré d’affection du Burkina Faso est moindre par rapport à celle du Niger et du Mali ses principaux voisins dont les territoires sont plus de quatre fois plus étendus que le sien. Son armée a aussi globalement le contrôle sur son territoire national.

Le Niger malgré l’immensité de son territoire (1 267 000 km2) possède une armée plus opérationnelle que celle de son voisin de l’ouest, le Mali. Mais les actions terroristes de la secte Boko Haram du Nigéria et celles perpétrées par des terroristes en provenance du Mali, ont diminué ses capacités d’interventions, ses forces étant éparpillées donc moins efficaces.

Enfin le Mali qui n’a pratiquement pas de contrôle sur une bonne partie de son immense territoire (1 241 000 km2) reste le maillon faible du G5. Avec des situations aussi dissemblables, comment pourrait-on amener les différentes forces à collaborer franchement ?

Et puis, est-ce que le G5 n’est pas une union forcée, qui rentre dans le cadre de la stratégie de défense et des intérêts de l’ancienne puissance coloniale ? en tout cas, c’est cette puissance coloniale qui a parrainé sa création à l’ONU.

Ces pays ont adopté, comme si c’était une marche forcée, une idée qui ne vient pas forcement d’eux. Alors question : Comment peut-on se battre pour une idée que l’on partage à contrecœur,  voire à la limite par obligation ? N’oublions pas que chacun de ces pays est un obligé de la France. Ils ne peuvent rien lui refuser.

Une quatrième raison et non des moindres c’est que la sécurisation  du Sahel par les forces du G5 semble ignorer sa frontière nord c’est-à-dire l’Algérie et la Libye. Tout le monde sait que tous ces mouvements irrédentistes sont venus d’Algérie et du désordre provoqué par l’assassinat du colonel Kadhafi par les occidentaux ; et plus loin du désordre provoqué au Moyen-Orient par la déstabilisation de Saddam Hussein en Irak. Comment peut-on parler de la sécurisation du Sahel sans tenir compte de ces données ?

Enfin, la dernière raison qui est essentielle, le manque de moyens matériels et financiers.

La France marraine de ces forces G5, n’a pas les moyens et il n’est pas sûr qu’elle arrive à mobiliser suffisamment de fonds pour l’entretien de ces forces et le développement de cette région dans la durée.

Ne nous trompons pas : la défense et la sécurité nationales sont des domaines régaliens. Aucun Etat digne de ce nom ne peut  les faire assumer par procuration. Les pays africains ne doivent benoîtement pas suivre les stratégies dictées par les grandes puissances, car nous n’avons pas les mêmes approches des problèmes. Avec leurs populations peu nombreuses et leurs immenses territoires – tous ont moins de 20 millions d’habitants et plus de 1 million de km2 à part le Bukina Faso avec 274 200 km2 – les pays du Sahel devraient concevoir leur propre politique de défense et de sécurité. Par exemple au Mali, au cours de la conférence d’entente nationale, il s’est dégagé un consensus pour négocier avec ceux qui sont qualifiés de terroristes, mais avec l’opposition des puissances occidentales, on l’a ignoré jusqu’ici. Heureusement que le premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga semble lui aussi ignoré le sentiment de nos partenaires occidentaux. Pourra-t-il aller au bout  de sa décision ? Les prochaines semaines nous édifieront.

Hamidou Ongoïba

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