La crise au Nord de notre pays suscite beaucoup de questions quant à la tenue ou non de l’élection présidentielle, prévues pour le 29 avril. Faut-il aller à une élection lorsque l’intégrité du territoire est menacée? Que faut-il faire dans l’impossibilité de l’organiser? Faut-il aller à une transition? C’est autant de questions qui étaient au centre de la conférence débat que la Maison de la Presse a organisé le 1er mars, avec deux éminents avocats maliens, Me Mamadou Tiéoulé Diarra et Me Mamadou Ismaila Konaté.
Le thème étant d’actualité, on notait-on la présence de représentants de partis politiques, de membres de la société civile et de nombreux journalistes. La conférence débat s’est ouverte par la lecture d’un texte de Yachim Yacouba Maïga, en poste à Haïti. Celui-ci, partant du constat de l’impossibilité d’organiser les élections vue la crise au Nord du pays, préconise une transition de 24 mois, avec un Conseil de défense dela République, qui exclue tous ceux qui ont trempé dans la gestion du Mali ces dix dernières années.
Ensuite, le modérateur, Mahamane Hamèye Cissé, Directeur du journal Le Scorpion, a énoncé le thème «La crise au Nord du Mali, la double équation socio-politique et institutionnelle» avant de demander aux deux conférenciers de réagir au texte. Me Diarra a déclaré qu’il soulevait la question de report de l’élection présidentielle. Or, pour cela, il faut trouver des arguments dans les textes du Mali et, selon lui, il se trouve qu’aucune disposition institutionnelle ne peut soutenir un report d’élection. Autre question soulevée, celle de la transition avec un Conseil de défense dela République. PourMe Mamadou Tiéoulé Diarra, cela implique une interruption du processus démocratique, en violation dela Déclarationde Bamako. Cependant, le conférencier a admis qu’un report était possible, avec l’accord de la classe politique et de la société civile, eu égard à la situation au Nord.
Pour sa part, Me Mamadou Konaté a soutenu que le texte faisait ressortir trois constats l’occupation d’une partie du territoire national, l’absence d’un dispositif constitutionnel pour faire face au problème posé, et enfin, bien qu’il ne partage pas du tout cet avis, la prise du pouvoir en dehors des voies légales. «Pour nous, il ne s’agit pas de bousculer les autorités légales et légitimes de la République» a-t-il déclaré. Et Me Konaté de demander: comment pouvions nous anticiper la crise? Et de répondre que c’était une question de sécurité intérieure. «L’option était la paix, le dialogue et le développement. Avant de constater que tout cela a été battu en brèche. Nous n’avons pas été prévenants, il y avait des moyens légaux». Parlant du premier tour de la présidentielle, qui doit se tenir le 29 avril, Me Mamadou Konaté dira que le suffrage étant universel et égal, le vote doit s’ouvrir à 8 heures sur toute l’étendue du territoire malien. «Les 120 000 Maliens qui sont dehors contre leur gré, en seront exclus». Le conférencier a conclu «nous ne sommes pas en mesure d’organiser des élections. Si nous le faisons, nous risquons d’ajouter à la crise sécuritaire une crise politique».
Reprenant la parole, Me Diarra dira que son questionnement est surtout au niveau des combattants venus de la Libye. Avantde poser la question de savoir quel est l’impact de la crédibilité des élections dans certaines localités, où l’autorité de l’Etat n’est pas présente? La transition, a-t-il prévenu, il faut s’en éloigner. «Quand il y a report, le Président reste en place», a-t-il conclu. Me Mamadou Konaté préviendra qu’un Etat ne se met pas à genoux pour discuter. «Une partie du territoire national est occupée. Les hommes politiques doivent se réunir pour en faire le constat».
Plusieurs autres intervenants ont pris la parole, notamment Sékou Cissé du PARENA et M. Camara du PDES. Ce dernier, emboîtant le pas aux deux conférenciers, a déclaré que toute rupture n’étant pas bonne, il fallait qu’on aille à un report.
Pierre Fo’o Medjo