Il y a eu 500 morts civils en 2018 au Mali, selon l’ONU. Il y a maintenant cette quarantaine de civils tués lors d’une attaque menée par des « hommes armés habillés en tenue de chasseurs traditionnels dozos » le premier jour de l’an dans le village Peulh de Koulogon, commune de Kolongon Habé, dans le cercle de Bankass, région de Mopti.
Attaque à caractère communautaire dans la région de Mopti : 37 morts. C’est l’intitulé du communiqué du gouvernement malien sur les violences intercommunautaires qui ont endeuillé la nation malienne le premier jour de l’année 2019. Selon le gouvernement malien, ladite attaque a fait « 37 morts sur le village Peulh de Koulogon, commune de Koulogon Habè, dans le cercle de Bankass, région de Mopti.» « Selon les premiers témoignages, des hommes armés habillés en tenue de chasseurs traditionnels dozos ont attaqué aux environs de 5h du matin, ce mardi 1er janvier 2019. Outre les 37 morts enregistrés, tous des civils, le bilan fait état de plusieurs blessés et de nombreuses habitations incendiées », détaille, dans le communiqué, les autorités maliennes.
Une délégation d’officielles maliens, conduite par le président de la Commission défense de l’Assemblée nationale, l’honorable Karim Kéita, séjournait dans la région au moment où l’attaque a eu lieu. Cette attaque survient, expliquent les autorités maliennes, au moment où les plus hautes autorités du Mali ont entrepris de créer les conditions d’un dialogue intercommunautaire fécond, dans le but d’instaurer durablement la cohésion et la paix dans cette région de notre pays. « Les nombreux voyages effectués ces derniers mois dans le centre du Mali par le Premier ministre, chef du gouvernement, sur la très haute instruction de Son Excellence Monsieur le Président de la République, témoigne de la volonté de ramener définitivement la quiétude et d’éteindre les nombreux foyers de conflits communautaires dans le centre du Mali. »
L’Etat malien, assure, une fois de plus, que « les auteurs de ces crimes seront punis avec toute la rigueur de la loi ».
Nettoyage ethnique ?
Le mouvement d’autodéfense Dan Nan ambassagou au Pays Dogon qui est régulièrement indexé par les associations peulhs et des organisations de défense des droits humains dément être derrière l’attaque. «Dan Nan Ambassagou n’est impliqué ni de près ni de loin dans cette action visant à déstabiliser le pays. Il rappelle enfin que depuis la signature de l’engagement du cessez le feu unilatéral signé en septembre 2018 tous les combattants du mouvement Dan Nan ambassagou sont cantonnés dans leur base et depuis quelques semaines le mouvement s’est engagé dans le processus du désarmement démobilisation et réinsertion (DDR) du gouvernement du Mali», explique, dans un communiqué, le mouvement.
Selon l’association Kisal, « les Peuls dénoncent des exactions de la part de groupes de chasseurs, tolérées voire encouragées selon eux au nom de la lutte contre les djihadistes, par les autorités ou l’armée, ce que dément le gouvernement. » « Un nettoyage ethnique est perpétré principalement par des dozos, appellation qui convient parfaitement aux autorités qui en ont fait un supplétif de l’armée », déclare Hamadoun Dicko, le président de la jeunesse Tapitaal Pulaaku.
La communauté peule est persuadée que cette violence est plutôt le point culminant d’une compétition pour disposer des ressources naturelles qui sont les espaces et les points d’eaux. Pour Dicko, l’apparition de Hamadoun Koufa et autres djihadistes ont servi de prétexte à cette lutte autour des ressources. Et le leader associatif d’ajouter que la responsabilité du gouvernement malien est engagée parce que ce dernier a sous-traité la sécurité des personnes et des biens à des milices dont il a toléré, voire encouragé et même soutenu la naissance et l’expansion .
Pire, selon lui, les gouvernants ont imposé une omerta totale sur ces crimes et les a catégoriquement réfutées quand les ONG internationales les ont apportés à la connaissance de l’opinion nationale et internationale. «Nous sommes déçus que les organisations nationales de la société civile, les leaders religieux, les notabilités traditionnelles, les partis politiques, les institutions de la République et autres mécanismes locaux de conciliation n’aient accordé aucun intérêt à cette entreprise de nettoyage ethnique contre la communauté peule », a dit Dicko.
Mme Dicko Fatoumata Dicko, la présidente des femmes Tapitaal Pulaaku, en appelle directement au président de la République Ibrahim Boubacar Keïta. « Il faut que le président sorte de son silence et qu’il parle à son peuple pour résoudre le problème. Nous, nous avons contacté tout le monde, même le président de la République. Nous lui demandons la dissolution de toutes les milices », implore Fatoumata Dicko.
Selon les Nations Unies, les violences intercommunautaires ont fait plus de 500 morts civils en 2018 au Mali. Les associations de défense des droits humains tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur l’insécurité persistante au centre du pays. En décembre dernier, Human Rights Watch(HRW) évoquait la mort de 75 civils en l’espace d’une semaine au centre du Mali. « Dans le centre du Mali, les milices dogons ont tué au moins 34 civils de l’ethnie peuhle lors de trois attaques distinctes dans la région administrative de Bankass les 5, 12 et 13 décembre. Dans le nord du pays, ajoute l’Organisation des défenses des droits de l’homme, des Peulhs armés ont attaqué le 12 décembre deux camps nomades touaregs, faisant plus de 45 morts. Ces attaques font suite à beaucoup d’autres l’an dernier, résultant d’une rivalité de longue date pour l’accès aux terres et à l’eau, et de la présence récente de groupes armés islamistes», selon Human Rights Watch.
Corinne Dufka, directrice pour le Sahel à Human Rights Watch, explique que « les massacres de civils perpétrés par des milices dans le centre et le nord du Mali sont en train de devenir incontrôlables.» Elle a demandé aux autorités d’ « agir rapidement et efficacement contre les milices si elles veulent mettre un terme aux cycles de meurtres et de représailles. »
Madiassa Kaba Diakité