Hier dimanche 8 décembre, s’est tenue au Centre Internationale de Conférence de Bamako (CICB), la 1ère audience publique sous l’égide de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR). Portée sur les atteintes aux droits à la liberté, cette 1ère audience a été consacrée par le récit respectif de 13 victimes. La cérémonie d’ouverture des travaux présidée par le ministre de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation Nationale, Lassine Bouaré avec à ses côtés le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé, a enregistré la présence du haut représentant du président de la République au centre, Pr Diouncounda Traoré et de plusieurs autres personnalités.
D’abord, il faut comprendre qu’une audience publique est une science d’écoute des victimes. Comme une psychothérapie, elle permet de soulager les victimes et d’interpeller les bourreaux dans leurs profondes âmes.
Premier au pupitre, M. Sidibé a rappelé le contexte de création de sa structure. D’après lui, la CVJR a été créée sur fond de violations graves des droits de l’homme résultant des rebellions armées, des coups d’Etat, des tentatives de coups d’Etat et des crises politiques. « C’est dans ce contexte que la CVJR a été mise en place avec le mandat de contribuer à l’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques » a-t-il déclaré.
Selon lui, la CVJR conformément à son mandat à inscrit dans ses activités l’organisation de 6 audiences publiques portant sur : les atteintes au droit à la liberté, les atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique, les disparitions forcées, les atteintes au droit à la propriété, les violences contre les femmes et les violences contre les enfants.
D’après lui, plus de 15 500 personnes se sont présentées à la CVJR pour faire le récit des violations de droits de l’homme qu’elles ont subies. « Elles ont ainsi accepté de partager leur vérité avec la société, dans l’espoir que les pouvoirs publics, les acteurs du processus de paix, et l’ensemble des forces vives de la nation redoubleront leur engagement en faveur de la paix et du respect de la dignité humaine » a-t-il précisé.
Pour le président de la CVJR, le choix de consacrer cette 1ère audience publique aux atteintes au droit à la liberté, se justifie du fait de leurs effets néfastes sur l’être humain, leur récurrence au Mali, et surtout de la tendance inquiétante à leur banalisation dans l’opinion publique.
A son tour au pupitre, le ministre Bouaré a souligné que la souffrance des victimes est aussi celle de tous les Maliens.
« C’est la nation entière qui est meurtrie chaque fois qu’un de nos concitoyens est victime de violation grave de ses droits » a-t-il affirmé. Et d’ajouter avec un ton d’autorité : « Nous n’accepterons jamais la banalisation des massacres et d’autres violations des droits de l’homme ».
Selon lui, le Mali doit tourner cette page douloureuse de son histoire pour redevenir ce que qu’il ne devrait jamais cesser d’être, c’est-à-dire une nation de culture et de paix. « De Kayes à Kidal, de Taoudeni à Sikasso, les enfants du Mali n’aspirent qu’à la paix à la sécurité et à la liberté » a-t-il déclaré.
Des témoignages qui donnent froid au dos !
Devant une commission de 7 commissaires, les victimes accompagnées d’un de leurs parents sont passées à tour de rôle pour livrer au public leur récit. Elles étaient au nombre de 13. Sans exception, tous les récits portaient sur des cas d’enlèvement et de détention arbitraire. Lesquels sont perpétrés d’une part par des groupes armés et d’autre part par les forces armées et de sécurité.
« Les visage bandé, les mains ligotés, les assaillants nous ont amené dans une petite chambre de courte toiture. L’un d’eux m’a jeté sur ma figure. J’ai été secouru par un médecin colonel dans le groupe des victimes. Je ne parvenais pas à respirer » raconte un cadre de l’ORTM, ex directeur de l’antenne régionale de Kidal, victime d’enlèvement et de séquestration arbitraire de la part des mouvements armés à l’occasion de la visite de Moussa Mara à Kidal. Ce dernier (dont nous allons taire le nom comme toutes les autres victimes), a échappé à la mort grâce à la protection divine. Désormais avec des séquelles du passé, tout ce dont il aspire pour son pays est la paix et la réconciliation nationale.
Son cas n’est pas loin, de cette dame de 48ans, agent de santé, enlevée de chez elle par des hommes armés. « De retour de l’hôpital, j’étais en train de faire ma valise pour quitter la ville qui était sous des coups de feu. Ils sont venus m’enlever chez moi pour m’amener loin de la ville » a-t-elle déclaré. Après avoir quitté sa famille, cette bonne dame n’a connu que douleur dans les mains de ses ravisseurs.
Au pupitre, d’autres cas d’enlèvement, cette fois-ci, commis par l’armée malienne ont été relatés. Il s’agit à titre d’exemple, du cas d’un paysan arrêté à Konna , de celui d’un jeune étudiant arrêté à Gao en 2012 et d’un vieux de plus de 68ans arrêté à Ouellessebougou dans le cadre de la révolte, dite paysanne.
Par Moïse Keïta