Pour la rencontre des chefs d’état du G5 Sahel avec le président français, Emmanuel Macron : Rappel au président IBK

0

À la veille de la rencontre des chefs d’État du G5 Sahel, nous publions un extrait du discours du président Modibo Keïta prononcé devant les cadres de l’armée malienne, le 20 octobre 1961.

Discours du président Modibo Keïta à la conférence des cadres de l’armée, le 20 octobre 1961

«Pourquoi notre Parti l’US-RDA, a fait voter «OUI» au référendum du 28 septembre 1958 ? À l’époque, dans le territoire du Soudan français, nous ne remplissons pas les conditions politiques nécessaires pour aborder une campagne en faveur du «NON».

  1. a) Le Parti sortait à peine des élections du 31 mars 1957 dont les résultats avaient fait ressortir une majorité de 2/3 seulement en faveur de l’US, l’autre tiers des électeurs ayant accordé leur confiance au Parti Pro-colonialiste, le P.R.S.

L’armée était installée un peu partout dans le pays, elle n’était pas neutre. Il était probable que le Parti adverse, le P.R.S. prenait l’initiative de faire voter «OUI» avec l’appui de l’administration. En effet, les commandants de cercle, les chefs de subdivision, les gendarmes, les officiers et la plupart des cadres de l’Armée, étaient tous des français. Tenter dans ces conditions de faire voter «NON», c’eût été permettre la liquidation en un jour de notre Parti, forgé quinze ans durant, dans la lutte et le sacrifice. En outre, les cadres français en service dans notre Territoire, avaient commencé à encourager dans les régions du Nord, un esprit séparatiste basé sur le racisme. Ils avaient persuadé bien des nomades de race blanche de se rebeller le commandement de leurs anciens esclaves noirs.

b) Nous étions majoritaires certes, mais n’avions pas installé nos comités de villages, de fractions ; nous n’avions pas encore étendu les structures du Parti jusqu’au niveau du village. Une telle situation ne pouvait guère nous garantir le succès d’une campagne, pour le «NON» au Référendum.

c) Il y avait aussi des raisons de politique générale. Vous savez que notre Parti s’est toujours battu pour l’unité africaine, un des fondements de la politique du Rassemblement Démocratique Africain.

C’est pourquoi, face au référendum qui allait faire éclater la Fédération de l’A.O.F. en sept (07) États autonomes, l’Union Soudanaise a pensé qu’il était de son  devoir de lutter par tous les moyens contre cette balkanisation. Les états autonomes dotés de leur personnalité propre allaient en se développant, compromettre l’unité de la Fédération. Nous avions estimé qu’il était nécessaire d’encourager les Chefs d’État africains à opter tous pour un même statut.

Ceci faciliterait au lendemain du 28 septembre, la constitution d’une Fédération d’États autonomes pour laquelle le président Houphouët Boigny nous avait donné des assurances écrites garantissant l’adhésion de tous les pays dirigés par une section du R.D.A. Or, à la veille du Référendum, la majorité des États africains avait décidé de voter «OUI». C’est sur la base de tous ces éléments, que l’US-R.D.A. a préconisé le «OUI» pour faciliter la réalisation de l’unité africaine d’une part, et ouvrir ainsi une étape au cours  de laquelle nous nous attacherions à parfaire l’organisation de notre Parti, à africaniser les cadres dans tous les secteurs, à liquider les forces opposées à l’unité nationale; nous voulions ainsi jeter des bases d’un État Africain Fédéral et rassembler toutes nos forces pour aborder avec nos frères africains, l’étape de l’indépendance totale de cette Fédération, par conséquent de notre pays Si nous avions préconisé le «NON» au Référendum, que serait-il passé ? Nous avions un exemple sous les yeux: le Niger, le colonialisme français règne en grand maître comme en 1946, il impose une domination atroce à peine déguisée avec tout son cortège de prison, de chicotte, de pillage et d’humiliation. Notre frère Bakary Djibo a surestimé ses forces, n’a pas su résister à la précipitation, à la propagande et a jeté le peuple nigérien dans une bataille perdue d’avance.

D’autre part, si nous préconisions le «NON» et qu’avec un accord, tous les dirigeants africains, une Fédération des Etats autonomes était constituée sans le Soudan, comment nos masses jugeraient  elles alors le Pari et ses Responsables ?

Voilà pourquoi nous avions voté «OUI». Au lendemain du 28 septembre, nous avons africanisé les cadres dans tous les secteurs publics et semi-publics, supprimé les chefferies de canton, cherché le moyen d’augmenter les revenus des paysans, essayé de mettre à leur disposition les produits manufacturés de première nécessité, encouragé la constitution de coopératives de commerçants.

Mais également à cette période, notre Parti devait connaître d’amères déceptions devant les atermoiements d’abord, le refus ensuite, de nos partenaires R.D.A. de reconstituer l’ex-Fédération conformément à leur engagement écrit antérieur. C’est pourquoi l’US-R.D.A. a décidé de rompre avec ses compagnons de lutte et donné ordre à son gouvernement de tendre la main aux États dont les dirigeants à l’époque, faisaient de l’unité africaine, leur cheval de bataille.

Le 29 décembre 1958 à Bamako, les chefs d’États du Sénégal, de la Haute-Volta, du Dahomey et du Soudan jetaient les bases de la Fédération du Mali dont la naissance a été proclamée, le 17 janvier 1959, à Dakar, c’était l’embryon du grand État Fédéral auquel tous les peuples africains aspiraient.

Aussi, après les interventions et les manœuvres ouvertes de la France et de certains dirigeants africains, notre, union fut réduite aux deux seuls États, le Sénégal et le Soudan qui formerons la Fédération du Mali. Un gouvernement fut installé à Dakar à la tête des institutions fédérales dont l’une des plus importantes, l’Armée, a été créée et placée sous l’autorité du Président du Gouvernement.

C’est la fierté de notre Armée malienne d’avoir été désignée par l’Organisation des Nations Unies pour aller rétablir la légalité au Congo es-Belge; c’est surtout l’honneur de nos Officiers, Sous-officiers et Soldats, de n’avoir jamais failli à leur mission, d’avoir traduit dans les faits, nos principes de solidarité africaine et d’engagement dans la lutte contre le colonialisme, aux côtés de nos frères du Congo.

In «Du CMLN à l’UDPM, 23 ans de mensonge» par Amadou Seydou Traoré. Bamako: octobre 2010. Pages 345-349.

Le président Ibrahim Boubacar Keïta doit rappeler au président français de clarifier sa position sur le Nord de la République du Mali. Voici la question posée au président Macron: «Est-ce que l’esprit de l’OCRS  de 1957 est toujours d’actualité en République du Mali de 2020 ?»

Brin COULIBALY

Commentaires via Facebook :