Piratage et contrefaçon: L’ignorance des victimes profite aux coupables

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Le piratage et la contrefaçon sont deux phénomènes qui perdurent depuis des années au Mali et dont la cause profonde  est due à l’ignorance et la méconnaissance des voies de recours par les victimes. Toute chose qui constitue la principale cause de la persistance de ces fléaux.

La contrefaçon consiste à reproduire, par copie ou imitation, une œuvre industrielle, artistique ou littéraire au préjudice de son auteur ou inventeur. Quant au piratage,  il désigne l’utilisation, la reproduction ou le plagiat d’œuvres protégées par le droit d’auteur ou un droit voisin. De par leur définition, la contrefaçon et le piratage portent donc atteinte aux droits de propriété intellectuelle. L’une des solutions serait de sécuriser les frontières du pays souvent caractérisées par leur porosité.

Garantir des mesures aux frontières

En effet, l’essor du commerce mondial génère un développement sans précédent de l’industrialisation du faux. C’est dans ce cadre que les Douanes s’activent pour tenter une mission «impossible» : endiguer le flot de produits contrefaits et piratés qui se déverse aux frontières. Or force est de constater que la bataille est rude. Malgré des techniques de contrôle de plus en plus raffinées, une prise de conscience et un engagement des décideurs politiques au niveau international, la contrefaçon et le piratage font désormais partie intégrante de l’univers du consommateur, et cela, souvent à son insu.

Protéger la sécurité et la santé du consommateur est une des missions prioritaires des administrations douanières. Pour l’État malien, le défi consiste donc à se doter de nouveaux instruments législatifs et opérationnels susceptibles d’apporter des réponses concrètes et proportionnées par rapport aux risques encourus par les populations.

 

Avantages et inconvénients des procédures existantes

Lorsque les autorités douanières suspendent la consommation des marchandises portant atteinte aux Droits de propriété intellectuelle, les détenteurs de droit doivent s’assurer que des mesures puissent être prises à la frontière en introduisant une demande d’intervention. Pour ce faire, les titulaires de droits ont plusieurs options. Le présent article examine brièvement les différentes alternatives et leurs avantages et inconvénients. Le choix est capital pour les titulaires de droits qui disposent de ressources et de budgets anti-dumping limités et qui doivent s’assurer du suivi des mesures à la frontière au cas par cas pour que leurs efforts aient une plus value stratégique.

La règle générale prévue par l’Article 55 de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contient des dispositions qui stipulent qu’une fois le détenteur de droit averti de la suspension, les autorités douanières, qui mettent en œuvre des mesures à la frontière, doivent être informées dans un délai ne dépassant pas les 10 jours ouvrables. Ladite règle précise que les procédures conduisant à une décision au fond de l’affaire ont été initiées par une partie autre que le défendeur, ou que l’autorité dûment habilitée a pris des mesures provisoires prolongeant les mesures aux frontières. Sans quoi, les marchandises devront être mises en libre circulation. L’Article 55 stipule que dans les cas appropriés, ce délai pourra être prorogé de 10 jours ouvrables. Dans le cadre de cette règle, il existe différentes options pour les détenteurs de droits ou les autorités, à savoir  des mesures conservatoires, des mesures provisoires, une procédure conduisant à une décision au fond (il peut s’agir de poursuites pénales ou civiles) et le cas échéant, une procédure simplifiée ou une procédure engagée dans le cadre d’une infraction douanière. Ces options peuvent se résumer ainsi : les mesures conservatoires, telles que les saisies de produits contrefaits, correspondent souvent à une procédure conduisant à une décision au fond car pour celles-ci, le juge doit procéder à une évaluation « prima facie » (de visu) de la nature frauduleuse des marchandises. Le principal avantage de ces mesures conservatoires est qu’elles prolongent le délai de détention. Ce qui laisse du temps pour réunir des éléments de preuve et matérialiser les faits, et peut-être arriver à un accord avec le contrevenant. L’inconvénient de ces mesures conservatoires est qu’il s’agit de mesures provisoires, à savoir qu’elles devront être suivies d’une procédure conduisant à une décision au fond. Les mesures provisoires, notamment les procédures sommaires « inter partes » (en présence du défendeur) et « ex partes » (en l’absence du défendeur) exigent que le juge procède à une évaluation « prima facie » de la question. Leur principal avantage est qu’elles permettent de présenter des faits et peuvent permettre d’arriver à un accord. Tout comme les mesures conservatoires, ces mesures doivent être suivies d’une procédure conduisant à une décision au fond. Si elles existent, les poursuites pénales, qui permettent aux autorités de poursuivre celui qui aura porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle, seront considérées comme des mesures conduisant à une décision au fond. Parmi les nombreux aspects positifs que présentent les poursuites pénales figure le fait qu’elles sont avantageuses en terme de coût (étant donné que l’initiative vient des autorités) et dissuasives (le contrevenant est condamné). Les poursuites pénales permettront également de mettre en exergue les conséquences néfastes de la contrefaçon sur la société. Au Mali, les frais d’entreposage et de destruction seront pris en charge par les autorités. Le fait qu’il incombe aux autorités d’intervenir peut être un avantage en soi, mais peut également présenter un inconvénient pour les détenteurs de droits car ils perdent alors le contrôle de l’affaire. Autre inconvénient : les poursuites civiles doivent attendre l’aboutissement des poursuites pénales. Un accord n’est pas toujours possible, et la procédure pénale prend du temps. Pour engager des poursuites civiles, le détenteur de droits doit poursuivre le contrevenant devant le Tribunal civil. Cette option est la quintessence de la procédure conduisant à une décision au fond. Cette action repose totalement entre les mains du détenteur de droits, ce qui est presque toujours perçu comme un avantage. Autres aspects positifs : la rapidité et l’efficacité de cette procédure et le fait qu’il est toujours possible d’aboutir à un accord. Toutefois, les poursuites civiles ont comme désavantage d’être très coûteuses, les frais d’entreposage et de destruction doivent être payés à l’avance par le détenteur de droits (qui peut demander à se faire rembourser par la suite par le défendeur), et la procédure est subordonnée à l’aboutissement des poursuites pénales.

Au cas par cas

Plusieurs facteurs peuvent influencer le choix du détenteur de droits quant à la procédure à adopter : la nature de l’infraction, la personnalité du contrevenant, les voies de droit recherchées, les priorités du détenteur de droits, mais également les éléments de preuve et le type de propriété intellectuelle auquel il a été porté atteinte. Dès lors, plusieurs scénarios sont possibles. Premier scénario : petites quantités de marchandises illicites ou un contrevenant qui est une personne physique. Dans de tels cas, très peu d’informations peuvent être obtenues car il n’y aura ni facture, ni grand réseau de distribution à mettre au jour. Il n’y a pas vraiment de possibilité de réparer le préjudice étant donné que les personnes physiques sont souvent insolvables. Le détenteur de droits choisira plutôt la procédure simplifiée, si elle existe, l’infraction douanière ou les poursuites pénales. Deuxième scénario : marchandises en transit. Dans la plupart des cas personne ne réclamera de droit de propriété sur les marchandises. Il est recommandé au détenteur de droits de choisir une procédure simplifiée, encore une fois si cette option existe, l’infraction douanière ou les poursuites pénales. Troisième scénario : grandes quantités de marchandises illicites et/ou un destinataire qui se trouve dans la juridiction mais est inconnu, récidiviste ou insolvable. Dans ce cas, le détenteur de droits, choisira plutôt les poursuites pénales. L’avantage est que les enquêtes, les demandes faites par la police et les audiences des témoins seront réalisées par les autorités et que les frais de justice seront limités au dépôt de la plainte, au suivi de l’affaire et à la plaidoirie. Toutefois, les détenteurs de droits garderont à l’esprit que ce serait à eux d’entamer les poursuites pénales si l’affaire était déboutée. Quatrième scénario : grandes quantités de marchandises illicites et/ou un destinataire qui est connu dans la juridiction ou solvable. Dans de tels cas, il est suggéré de choisir les poursuites civiles, car il est possible que le préjudice puisse être réparé. Toutefois, le détenteur de droits doit réunir tous les éléments de preuve nécessaires à cette infraction et ceci peut parfois être très lourd. S’il n’y a pas suffisamment de preuves, il peut toujours se constituer partie civile dans le cadre de poursuites pénales. En conclusion, la décision de prendre des mesures à la frontière sera prise au cas par cas. Une bonne connaissance de la loi et de sa pratique dans la juridiction où les marchandises contrefaites sont détenues par la douane est extrêmement importante aux fins de choisir la procédure la plus appropriée.

   Paul N’guessan

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