L’Azawad, qui englobe une bonne partie du septentrion malien, compte une mosaïque de peuples différents par la culture : des Songhaïs, des Bobos, des Bozos, des Peulhs, des Bambaras, des Arabes, des Tamasheks et j’en passe.
Cette population est en majorité noire.
C’est dans ce contexte que des frères maliens, chassés par les atrocités de la guerre de Libye, où ils servaient dans l’armée de Kaddafi, veulent, contre la volonté du grand nombre, fonder une République de l’Azawad. Ont-ils, dans cette perspective, consulté la grande majorité de la population ? Peut-on procéder à un bouleversement aussi fondamental sans l’accord populaire ? Peut-on changer un peuple contre sa volonté ? Je pense que non. Pourquoi donc ont-ils choisi d’agir en solitaire, sans prendre le pouls de la population et sans concertation préalable ? Suffisance ? Mépris des autres ? Peut-être.
Rien, en tout cas, ne saurait justifier le fait que ces frères aient pris sur eux la responsabilité d’attaquer, au mois de janvier, des sites de l’Azawad tels que Ménaka, Aguelhock, Andaranboukane, à l’est, et Léré, au sud. Quel est le résultat de ces attaques ? La terreur, des morts, des blessés, la destruction des biens, des familles dispersées, des réfugiés dans les pays voisins. Des familles entières ayant abandonné leurs biens et leurs maisons dorment désormais sous des arbustes, livrés à la faim, au froid, à la maladie.
Lorsqu’ils réussissent à atteindre les pays voisins, femmes, enfants, vieillards se retrouvent sans secours organisé et livrés à eux-mêmes. Le constat est là : la guerre et sa cohorte de misère et de désolation planent de nouveau sur l’Azawad.
A mon humble avis, les derniers événements ne doivent pas être le fait de personnes saines aimant leurs parents et la terre qui les a vu naître. Car qui meurt aujourd’hui ? Qui connaît le désarroi ? A qui appartiennent les biens brûlés et détruits ? Bien évidemment aux chers parents et amis. C’est le terroir que ces combattants prétendent développer et faire prospérer qui est détruit. Il y a un grave paradoxe dans ce type d’aveuglément. Et une grande incompréhension du sens profond des mots ” développement “, ” sécurité ” et ” amour de la patrie “. L’insécurité touche de prime abord les populations du Nord et leur environnement immédiat. On ne peut donc pas affirmer, à moins de ne rien comprendre, qu’en prenant les armes et en prônant la généralisation de l’insécurité, on aide le Nord.
Quels cadeaux, quelle reconnaissance apporte-t-on à des parents, à des familles déjà dans le besoin, à une patrie longtemps abandonnée quand des fils reviennent au bercail avec comme unique projet la volonté de détruire ?
Le peuple du Nord ne doit pas être dupe ! Il doit prendre exemple sur la première rébellion qui, à la réflexion, n’a profité qu’à ses auteurs. La population ne s’est pas remise des séquelles de cette rébellion-là et voilà qu’on cherche à lui en imposer une autre ! Je pense que le but de ce soulèvement entre petits copains ou membres d’une même famille n’a pas pour but d’atténuer la souffrance des populations. Et si l’on n’y prend garde, le pays risque de devenir une vache laitière qu’on trait uniquement lorsque le besoin s’en fait sentir.
Les aides reçues pour développer le Nord tombent toujours dans les mêmes mauvaises mains qui les utilisent à des fins personnelles. Certains cadres du Nord sont extrêmement riches alors que le peuple croupit dans une misère innommable. Certains ont tout. Et par eux passe tout, de manière continue et frénétique. D’autres n’ont droit à rien. Beaucoup de bailleurs de fonds l’ont compris qui ont décidé d’arrêter leur aide.
Vu l’extrême gravité de la situation, les vrais fils du Mali, de vrais ” Gandakoïs ” noirs et blancs, doivent taire leurs divergences mineures et s’unir autour de thèmes républicains tels que l’unité et du développement du Nord, partie intégrante du grand Mali.
Ces populations du Nord si diverses n’ont eu jusque-là leur salut, leur unité et leur développement que grâce au Mali.
Je demande donc à nos frères combattants, au nom de l’unité nationale, de la logique, de l’intérêt local et national, de déposer les armes, d’entamer le seul combat qui vaille : celui du développement. L’insécurité, la peur, le désarroi nous détruisent et nous retardent !
Par Mohamed Ahmed Ag Mohamed Ansary (*)
Thérapeute en psychiatrie
Bamako, Mali.