“Nous avons humilié et vaincu nos assaillants”, s’est exprimé ainsi triomphalement le président kenyan, Uhuru Kenyatta, lors d’un discours télévisé, pour annoncer la défaite du commando terroriste des shebabs somaliens, plus de trois jours après le début de l’attaque contre le centre commercial Westgate de Nairobi.
Au Kenya, les enquêtes sur l’attentat, qui a fait au moins 67 morts et 240 blessés, sont toujours en cours. Cet attentat, le plus meurtrier au Kenya depuis l’attaque-suicide d’Al-Qaïda en août 1998 contre l’ambassade des Etats-Unis, qui avait fait plus de 200 morts, a non seulement occulté la bonne réputation du Kenya, connue comme “la Perle de l’Afrique de l’Est”, mais a également mis en évidence la fragilité de la sécurité globale en Afrique, où la situation anti-terroriste s’est détériorée.
AFRIQUE : LE TERRORISME SE REPAND
Attentats, prises d’otages, attaques armées… l’Afrique est aujourd’hui le terrain de prédilection des mouvements militaires.
“Aujourd’hui, la situation anti-terroriste en Afrique se détériore petit à petit, car l’Afrique s’avère de plus en plus instable, et les tendances d’une expansion de la crise somalienne semblent plus évidentes”, a expliqué à Xinhua, Xu Weizhong, directeur adjoint du bureau de la recherche d’Asie de l’Ouest et de l’Afrique, de l’Institut chinois des relations internationales contemporaines.
Parallèlement à cet épisode macabre du Kenya, la succession de certains faits marquants tels que l’attaque du site gazier en Algérie, l’enlèvement et la prise d’otages au Niger et au Cameroun, la parenthèse au nord du Mali, les attaques du célèbre Boko Haram au Nigeria et de la Séléka en RCA, nous nous rendons compte que, petit à petit, la menace terroriste a atteint l’Afrique.
“Les organisations terroristes en Afrique sont principalement actives en Afrique de l’Ouest, du Nord et de l’Est”, a déclaré He Wenping, directrice du Centre des études africaines, de l’Institut de l’Académie chinoise des sciences sociales, lors d’une interview accordée à Xinhua.
“L’Organisation d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), les shebabs somaliens, et le Bolo Haram constituent les trois organisations les plus actives en Afrique, dont les deux premières sont liées à Al-Qaïda”, a-t-elle indiqué.
DEUX NOUVELLES TENDANCES TERRORISTES
Il est préoccupant de constater qu’en Afrique, les liens entre les organisations terroristes sont plus étroits qu’auparavant et que les organisations extrémistes sont plus actives.
Il ne s’agit pas d’une structure pyramidale. Même si Al-Qaïda se situe au sommet, il y a un partage des informations et des instructions. AQMI a, par exemple, entraîné et équipé les combattants de Boko Haram, selon Mme. He Wenping.
Par ailleurs, “les affrontements libyens ont conduit à la prolifération des armes et un certain nombre de groupes extrémistes ont pris contact avec Al-Qaïda”, a-t-elle ajouté.
Pour sa part, M. Xu Weizhong a exprimé les mêmes préoccupations. “C’est une menace assez virale, avec des groupes qui ont leur propre agenda et qui peuvent partager des informations et des armes, mais peuvent également se lier”, a-t-il indiqué.
POURQUOI LE TERRORISME EST AUSSI ACTIF?
Plusieurs raisons expliquent que le terrorisme soit plus actif. Tout d’abord, dans le cadre du “Printemps arabe”, la Tunisie, l’Egypte, la Libye ainsi que d’autres pays se sont enlisés dans une situation difficile et instable, ce qui fournit une terre plus fertile au terrorisme. Ensuite, en raison de la défaillance, voire de l’inexistence de systèmes de défense appropriés des Etats africains face à ce nouveau type de menace, le terrorisme peut donc se répandre sur le continent. Enfin, le chômage chronique de la jeunesse est un potentiel terreau fertile de recrutement. Ainsi, nous pouvons dire que le terrorisme a encore de beaux jours en Afrique. Conscients qu’il est difficile d’attaquer les Occidentaux sur leur propre sol, les terroristes s’attaquent à leurs intérêts sur le sol africain.
“Les systèmes de sécurité sont assez déficients. Et puis, la zone est située tout près de la péninsule arabique, ce qui permet des financements d’un certain nombre de sponsors”, a analysé Li Wei, directeur du Centre de la recherche anti-terroriste de l’Institut chinois des relations internationales contemporaines.
Par ailleurs, la zone connaît également une recrudescence de la criminalité, telle que le trafic de drogue ou la corruption, un élément indispensable pour financer le terrorisme, ses relais et ses complices, a-t-il ajouté.
L’UNION FAIT LA FORCE
N’est-ce pas une victoire pour les terroristes dont la philosophie est d’entraîner, au péril de leur vie, le maximum de morts et de dégâts matériels et d’attirer ainsi l’attention sur eux? En cela, ils auront largement atteint leur objectif car ils ont incontestablement réussi à créer l’émoi au sein de la communauté internationale, marquer durablement les esprits et endeuiller des familles innocentes.
Il est temps pour l’Afrique ainsi que pour la communauté internationale de redoubler d’efforts pour freiner le développement des forces terroristes.
D’après He Wenping, les pays africains doivent dans un premier temps améliorer leur pouvoir de gouvernance, tout en renforçant le développement économique et social; dans un second temps, les pays africains doivent s’unir pour lutter contre le terrorisme, car l’union fait la force.
Aujourd’hui, alors que les activités terroristes se développent dans le monde entier, les gouvernements devraient en particulier renforcer leurs échanges des informations et le contrôle des frontières. En outre, la communauté internationale doit également fournir davantage d’assistance aux pays en proie au terrorisme.
Pour sa part, M. Xu Weizhong a souligné que les pays occidentaux, conformément à la Charte de l’ONU, devaient aider l’Afrique à lutter contre le terrorisme sans intervenir dans leurs affaires intérieures, afin d’éviter de créer de nouveaux problèmes.
Concernant la Chine, les entreprises chinoises installées en Afrique ont été gravement affectées en raison de problèmes de sécurité. La Chine doit s’engager à renforcer la coopération effective avec l’Afrique dans le domaine de la défense nationale et de la sécurité, à concrétiser des mesures conclusives entre les deux parties, ainsi qu’à approfondir les recherches et les études à cet égard, a ajouté M.