Intervenue en début d’année pour déloger les groupes islamo-terroristes qui écumaient le nord du Mali, la force française Serval avait beaucoup été saluée en son temps. Aujourd’hui, elle semble avoir perdu beaucoup de son estime dans l’opinion des populations locales, tout comme les forces onusiennes.
Si, en raison de son soutien accru aux groupes rebelles terroristes touareg, Mnla et Hcua, la France a perdu toute crédibilité aux yeux des populations locales du nord, elle n’est plus la seule : les armées africaines sont tout autant décriées.
A Tombouctou, Gao et dans la quasi-totalité des localités septentrionales, les populations ne savent plus à quoi servent réellement ces armées. Et pourtant, leurs éléments sont présents et bien visibles dans toutes ces villes, où on les voit partout, perturbant la circulation, accusés de gaspiller du carburant. A quoi faire ? Rien ! selon les habitants. Pour ceux-ci, les contingents étrangers sont plutôt responsables de la détérioration des routes. De fait, voyager aujourd’hui dans le nord est un véritable calvaire, même sur la route goudronnée qui relie Sévaré à Gao a fortiori sur des pistes déjà défoncées.
Le retour des bandits armés
En ce qui concerne ces militaires qui ne sont pas en patrouille ou en ratissage, on les voit en ville, paradant en ville ou prenant du thé en compagnie de quelques demoiselles. « Ils se la coulent douce », affirme les uns, « tandis que nous sommes toujours en insécurité », rétorquent les autres.
En effet, le sentiment d’insécurité est largement et fortement partagé dans la région de Tombouctou comme dans celle de Gao. Certains autochtones, qui n’avaient pas fui les exactions des occupants, affirment qu’ils sont témoins du retour de certains combattants jihadistes ou rebelles. D’ailleurs, ceux-ci sont régulièrement indiqués aux éléments des forces africaines et de l’administration malienne. Selon des témoins, il arrive que certains de ces présumés jihadistes ou rebelles de retour soient appréhendés par la gendarmerie ou les services de renseignement français, interrogés pendant quelques temps puis relâchés dans la nature avec leur capacité de nuisance. Ils seraient les auteurs ou commanditaires des actes terroristes (attaques contre les forces armées, attentats suicide, etc.)
Ils seraient également à la base des attaques dont sont victimes des populations civiles aux alentours de certaines villes, comme Goundam où un chauffeur d’un véhicule de transport en commun et ses apprentis auraient été dépouillés avant d’être froidement assassinés. A Kidal également, les présumés assassins des deux journalistes français se seraient d’abord cachés au sein de la population avant de commettre leur lâche besogne.
Sur certaines routes, le sentiment d’insécurité est vite éveillé. Ainsi, de la sortie de Douentza à la rentrée de Tombouctou, les usagers n’ont aucune chance d’apercevoir le moindre uniforme. Pas plus qu’entre Tombouctou et Goundam, Goundam et Diré, Diré et Niafunké, Niafunké et Youwarou. Sur tous ces tronçons, les populations sont laissées à elles-mêmes et vivent la peur dans le ventre, comme au temps de l’occupation.
Racket à outrance
En principe, ce sont les forces armées et de sécurité maliennes, qui, dit-on, ont reçu une formation pour ce faire, qui doivent assurer la sécurité dans ces zones. Mais sur ces tronçons, militaires, douaniers et gendarmes maliens sont plus soucieux de la sécurité de leurs revenus personnels que de la quiétude des populations. Tout au long du trajet Bamako- Gao ou Bamako-Tombouctou, le racket des passagers et des transporteurs a été érigé en institution. Pas question de passer sans payer la dîme, surtout si le pauvre passager se trouve avec une carte d’identité dont la date de validité est dépassée ou avec sa seule carte NINA.
Arrivés en ville, les passagers ne sont pas mieux lotis. Les villes du nord, en effet, sont privées d’électricité la plupart du temps, et de denrées de première nécessité dont les prix ne cessent de grimper. Pour corser le tout, les services financiers, notamment à Tombouctou, n’ont pas encore fait leur réapparition, de même que beaucoup d’enseignants ; les centres de santé sont toujours sans équipements ni personnel.
Et c’est dans ce dénuement quasi-total que l’administration, grâce à l’appui de la communauté internationale, organise le retour des populations déplacées et exilées, et compte sur leur présence pour une participation significative aux élections législatives exigées pour doter le pays d’institutions crédibles et représentatives.
Cheick TANDINA
Envoyé spécial dans le nord