Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées dans le cercle de Djenné la semaine dernière, au cours d’affrontements ayant opposés chasseurs traditionnels dozos et jihadistes de la katiba Macina. Et ce alors que, toujours dans le centre du pays, des chasseurs dozos et la katiba Macina ont scellé un accord de cessez-le-feu dans le cercle de Niono, il y a un mois. Comment interpréter ces dynamiques contradictoires ?
Dans le cercle de Niono, chasseurs dozos et katiba Macina, affiliée au Jnim (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans) d’Iyad Ag Ghaly et donc à Aqmi, ont scellé un accord de cessez-le-feu il y a un mois, avec la bénédiction des autorités nationales, alors qu’à quelques centaines de kilomètres plus loin, les mêmes acteurs reprennent les violences meurtrières dans le cercle de Djenné.
Comment comprendre ces dynamiques contradictoires, comment les interpréter ? David Baché a posé la question à Boubacar Ba, chercheur spécialiste du centre du Mali et directeur du Centre d’analyse sur la gouvernance et la sécurité au Sahel.
« Ces dynamiques contradictoires sont liées à deux situations (différentes, ndlr). La zone de Niono est une zone où les moudjahidines étaient en conflit depuis plusieurs mois (avec les chasseurs dozos, ndlr). Il y a eu beaucoup de pertes des deux côtés et ils ont pu trouver un accord a minima il y a un mois, qui a été rendu définitif ces derniers jours. Ils avaient, eux aussi, besoin d’accalmie, ça arrangeait les deux parties. Alors qu’à Djenné, il y a une tension depuis un certain temps entre les moudjahidines, implantés dans la zone, et les Dozos qui prenaient des espaces et qui tentaient d’occuper certains villages. »
Pour le chercheur, les jihadistes de la katiba Macina devaient donc montrer leurs forces et s’assurer du contrôle du territoire : « la katiba Macina a négocié à Niono en position de force, en imposant certaines règles. Elle pense qu’elle peut le faire aussi dans cette zone, mais depuis un certain temps, les chasseurs dozos de Djenné et de Mopti ont eu des renforts, venus de Bandiagara. Il fallait donc aux moudjahidines montrer leurs muscles, montrer qu’ils sont toujours les maîtres des lieux (capables) de définir des règles de charia et de gestion du pouvoir local dans cette zone. »
À l’été 2019, un accord intercommunautaire avait permis d’instaurer un certain calme dans le cercle de Djenné. Ces dernières violences font évidemment craindre un nouveau cycle de violence. « Les violences peuvent se poursuivre, reconnaît le chercheur Boubacar Ba. Chacun a eu des renforts, mais l’arrivée de l’armée s’est montrée dissuasive. Actuellement, chacun est dans ses positions périphériques, autour de Djenné et de Mopti. Mais il n’est pas à exclure que de nouveaux renforts arrivent et que de nouveaux combats surviennent, sauf si les acteurs se lèvent, si les leaders communautaires se lèvent, pour demander aux gens d’arrêter et tenter d’obtenir un cessez-le-feu, même précaire. »
Source: https://www.rfi.fr/fr/afrique