Le chef terroriste algérien a été tué la semaine dernière vers Tessalit dans un raid de l’armée française, avec le soutien des Américains. Quelles peuvent être les conséquences de sa disparition sur AQMI qu’il dirigeait et sur la lutte contre le terrorisme dans la Région du Sahel ? Trois spécialistes des questions de sécurité livrent leur analyse
Dr Aly Tounkara, directeur du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel : «Cela pourrait favoriser le dialogue»
L’élimination de Droukdel par l’armée française, si cela venait à se confirmer, serait un coup dur pour les groupes radicaux violents opérant dans le Sahel. Il est important de rappeler qu’Abdelmalek Droukdel dirigeait Al-Qaeda au Maghreb islamique dans le Sahara (AQMI) jusqu’à son élimination la semaine dernière.
C’est un coup dur pour Al-Qaeda et dans le même temps, il faut rappeler qu’il y a une concurrence ouverte entre l’organisation d’Oussama Ben Laden et l’État islamique. Les deux groupes terroristes opèrent dans le Nord du Mali et même dans certains pays du Sahel. Quand on regarde un peu l’ossature d’AQMI, ce sont essentiellement des Algériens ayant majoritairement eu à combattre dans des groupes islamistes armés qui ont donné naissance au Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).
Toutefois la manière dont Droukdel a été tué pose quelques interrogations légitimes. On peut se demander pourquoi l’Armée malienne n’a pas participé à l’opération. On s’en souvient, avant Droukdel, l’Armée française avait d’abord tué Abdel Hamid Abou Zeïd qui s’était illustré par des enlèvements des Occidentaux dans le Sahel.
Dans les régions du Nord du Mali même du Centre du pays, ce sont les forces étrangères qui sont perçues par la majorité des communautés comme les seules capables de combattre efficacement les terroristes. Une telle opération menée par la France n’honore pas l’Armée malienne, d’autant plus qu’elle a eu lieu sur le sol malien. Cette non-association de l’état-major malien à l’opération pourrait handicaper les perceptions qu’ont jusqu’ici les populations de leur armée. Les conséquences de la disparition de Droukdel vont se manifester diversement. D’abord, on risque d’assister à des affrontements violents entre Al-Qaeda et l’État islamique dans le Sahel.
Mais dans le même temps, une telle disparition pourrait aussi être positive. N’oublions pas que l’État central du Mali, à travers le président de la République, a tendu la main à ces groupes radicaux violents. Un tel assassinat pourrait conduire d’autres leaders de groupes terroristes, tels que Iyad Ag Ghaly et Amadoun Kouffa à accepter cette offre de dialogue proposée par l’État central du Mali. Cela pourrait être utilisé de manière positive par le Mali afin de relancer le dialogue avec ces groupes radicaux violents.
Les populations civiles pourraient être les premières victimes des actions de ces groupes radicaux violents. Clairement, les conséquences majeures qu’on peut dégager de la mort de Droukdel sont d’abord les tensions à l’interne. Il ne faut pas oublier que chaque fois qu’un leader terroriste est tué, il y a des tensions qui naissent à l’intérieur pour sa succession. Ces combattants peuvent aussi passer d’une Katiba à une autre à la suite du décès du leader parce que les cas d’allégeance, de mort de leader sont les moments phares pour les lieutenants de ces groupes radicaux de changer de camp ou de s’accaparer eux-mêmes du pouvoir.
Il y a un autre aspect important à ne pas oublier pour qui connaît la dynamique des groupes radicaux violents, ce sont les vases communicants. Il n’est pas étonnant qu’un membre d’Al-Qaeda quitte demain ce mouvement pour regagner l’État islamique ou bien qu’un lieutenant de l’État islamique se retrouve dans le camp adverse. Ce sont des scenarii, entre autres, auxquels on peut assister dans les semaines ou les mois à venir.
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