Mopti, «la Venise du Mali», prépare la guerre

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Reportage à Mopti, ville du centre du pays qui marque la limite méridionale des territoires conquis par les rebelles touareg et islamistes.

Travailleur portant un sac de céréales à destination d'une pirogue sur le fleuve Niger à Mopti, février 2007, REUTERS

«Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu de toubabou!» A Mopti, le long du fleuve Bani où les femmes se courbent sur le linge et où les enfants s’éclaboussent entre les pinasses, le visiteur blanc, devenu rare, est remarqué.

A plus de 600km de Bamako, «la Venise du Mali» n’est plus le carrefour touristique où l’on flâne avant de crapahuter sur la falaise du pays dogon, de photographier les éléphants du Gourma ou de pointer du doigt les hippopotames du lac Débo. On s’y prépare désormais à la guerre, à moins de 100km des premières localités contrôlées par les groupes armés.

Le dimanche 1er avril, dans les heures qui ont suivi l’offensive des indépendantistes du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et des islamistes d’Ansar Dine sur Gao et Tombouctou, les habitants de Mopti se sont demandé s’ils allaient eux-aussi être mangés à la sauce charia d’Ansar Dine. Les militaires ont fait sortir femmes et enfants des camps. Des fonctionnaires, des élus et des habitants ont pris la direction du sud pendant que les banques fermaient.

Mopti vidée de ses touristes

Depuis cette fausse alerte, Mopti est une ville touristique sans touristes, plongée dans le noir une bonne partie de la journée et de la nuit. Autant dire une ville morte. «La Maison Rouge», «Doux Rêves», «Y a pas de problème», «Kanaga», autant d’hôtels désertés par les visiteurs, apeurés depuis plusieurs années par les enlèvements et les conseils aux voyageurs du Quai d’Orsay.

«La position extrême de la France, liée à la présence d’Aqmi (Al Qaida au Maghreb islamique) au Nord-Mali, qui consiste à décourager toute activité touristique dans la zone, y compris Mopti et le Pays Dogon, fait basculer toute la région dans un chaos économique», dénonçait une tribune publiée le 4 mars 2011 sur le site de «Y a pas de problème Hotel».

«Depuis deux ans ça n’allait pas du tout, explique Ousmane Guindoco-gérant de l’établissement. J’ai commencé à licencier à partir de décembre 2011. Ce mois-ci j’ai encore dû me séparer d’une dizaine de personnes. J’ai essayé de diversifier mes activités en faisant du transport mais rien ne va, ce n’est pas seulement le tourisme. Dans mon grin (groupe de discussion autour d’un thé) trois jeunes au chômage se sont inscrits à l’armée.»

En face de cet hôtel, «La Maison Rouge» a fermé ses portes. Son directeur, Amédée Régis Mulin, a envoyé mi-mai à près de mille personnes un courriel d’«appel à soutien au secours de la Maison rouge», pour faire face à «une situation économique catastrophique.»

«Rien ne permet d’envisager une reprise du tourisme avant longtemps», écrit-il.«Garder le personnel en place signifie assurer les dépenses de 6 familles et limiter les risques de vandalisme et de pillage de l’hôtel.»

La fuite des chrétiens

Faute de travail, les travailleurs du tourisme risquent de se retrouver aussi démunis que les quelque 32.000 déplacés du Nord venus dans la région de Mopti, recensés par le CICR (Comité International de la Croix Rouge) et la Croix rouge malienne. A 15km de Mopti, la ville de Sévaré devrait accueillir prochainement un centre du Bureau des Nations-Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

«On va distribuer aux déplacés deux rations en une fois, car avec le début de la saison des pluies il devient difficile d’accéder à certaines zones», explique Abrao Filipe Cunga, responsable du bureau CICR de Sévaré ouvert début mai. Il se rend ce matin à Bandiagara pour une distribution. Sur la route, deux barrages militaires contrôlent les allées et venues et fouillent les véhicules.

A l’entrée de la ville, quelques hommes et une quarantaine de femmes élégantes et souriantes patientent calmement dans une cour, sous le peu d’ombre qu’offre le toit d’un bâtiment. Les employés du CICR en sortent des dizaines de sacs de riz, empilés sous le soleil.

La plupart de ces femmes, originaires de Bandiagara, vivaient dans le Nord depuis des années. Comme Mme Garibou, infirmière à la mission catholique de Gao. Elle a quitté la ville «quand l’information selon laquelle les islamistes cherchaient les chrétiens a commencé à circuler. Tous les chrétiens de Gao que je connais sont partis. L’église a été saccagée», raconte-t-elle.

Cet enseignant du cercle de Ménaka n’était quant à lui pas personnellement ciblé. Mais comment rester quand on n’a «plus de travail et qu’on ne peut pas percevoir son salaire?» Il en veut aux routiers maliens. Ils ont plus que doublé le prix du trajet entre Mopti et Gao, alors que l’essence, elle, n’avait pas augmenté. «Les gens sont dans la difficulté et au lieu de les aider tu profites d’eux.»

Les militaires maliens veulent se battre

A Sévaré, des déplacés d’un autre genre sont présents en nombre. Une grande partie des militaires en poste dans les trois régions du Nord ont été regroupés dans les différents camps de la ville. A une dizaine de kilomètres de Sévaré, les nouvelles recrues s’entraînent à Soufroulaye.«Tous les militaires maliens ont envie de se battre», témoigne un soldat originaire de Gao, qui profite d’une courte permission pour prendre quelques bières.

Ce costaud à la barbe bien taillée, déjà bedonnant malgré ses 25 ans et son entraînement matinal quotidien, se retrouvera certainement en première ligne quand l’armée ira au combat, avec ou sans la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique que l’Ouest) et les Nations-Unies.

Son oncle et des amis ont été tués à Aguelhok, et les trahisons et dénonciations de certains militaires et civils tamasheq lui restent en travers de la gorge. Entré dans l’armée en 2006, il se dit prêt à en sortir les pieds devant. Son inquiétante motivation ravira ses supérieurs.

«Face à face avec un Touareg dans le Nord, même si tu n’es pas militaire, c’est fini pour toi, explique-t-il calmement…D’abord on reprend le Nord, ensuite la vengeance.»

Fabien Offner

slateafrique.com / 22/06/2012

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17 COMMENTAIRES

  1. par la faute du mnla, non seulement dans un avenir proche les rebelles seront déguerpis du mali, mais le peuple touareg risque de subir une vengeance aprés la reconquête du nord!néanmoins j’exhorte mes frères à ne s’en prendre qu’aux rebelles car tous les touaregs ne sont pas des rebelles!si nous voulons avoir le soutien de la communauté internationale, évitons tout propos qui pourrait être interpreté comme une menace de génocide

  2. ils veulent jouer à la bataille navale à Mopti ?? 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆

  3. mon frere bon cour+age nous sommes de coeur à vous
    avec un coeur vaillant on est capable de relever le defis.
    J’+aimerais tant reellement y etre (Mopti) pour defendre ma chère
    patrie…certes je suis à l’etranger…je jure dev
    ant le Bon Dieu
    il faut rentrer pour defendre les siens je n’egiterai point

  4. ce que l’armee malienne sait faire c’est de tuer les populations civiles, il est temps que les maliens prennent conscience on n’a pas d’armee ,,,,,,,,,,,,,,,,,,,

  5. Si l’armee malienne veut reellement monter au front, j’espere que les officiers feront des cours d’education civique aux hommes de troupe avant l’offensive. Ce que j’ai lu dans cet article est revoltant… Tes parents ont ete assassines par des apatrides du MNLA, ne doit pas t’amener a hair tous les touareg! Il faut que l’opinion sache que le MNLA ne represente meme pas tous les Ifoghas, a fortiori les touareg. La plupart des victimes de ces apatrides sont touareg, souvenez vous en! Souvenez vous aussi du Colonel GAMOU, qui est un produit de la rebellion touareg, mais qui est l’Officier Superieur le plus digne de l’armee malienne au jour d’aujourd’hui (cela n’engage que moi).

    • tu as raisonce colonel est quelqu’un de trés digne!si tous les officiers maliens étaient comme lui, il ya longtemps que les rebelles criminels seraient boutés hors du mali!hommage à gamou!

  6. soutiens à vous amis maliens. Il ne faut surtout pas faire de cadeaux à ces esclavagistes de touaregs qui pensent être supérieurs aux autres popupalions.
    Au Niger, le président Tandja l’avait bien compris et l’armée NIGERIENNE sait bien se faire respecter par ces rebelles.

  7. Ce faux journaliste veut mettre de l’huile sur le feu par la dernière phrase 👿 👿 👿 Nous le disons haut et fort que les vraies Touareg maliens sont victime du MNLA 😈 😈 Nous n’allons pas nous venger des tourareg mais si on arrive à éliminer les leaders du MNLA je dirai bravo

  8. L’essentiel, c’est la conquête du Nord. On ne peut pas se venger. Nous sommes maliens et le pardon est notre fort. Ce qui est possible c’est aux différents gouvernements de tirer les leçons. On a toujours privilégié ces Tamaseq lorsqu’il s’agit de la prise en compte des aspirations des populations du Nord. Cela, simplement parce que ce sont eux qui prennent les armes. Ils sont toujours les plus favorisés. Vous rencontrerez un berger avec ses animaux en brousse. il vous dira qu’il est dans la fonction publique malienne en douane (Sans diplôme). Mieux, toutes les ONG internationales comme ACF, Médecin du Monde, croix rouge, ce sont eux. Ils font ce qu’ils veulent. Bref, on ne se venge pas mais on est pour l’équité. Plus question d’accepter l’inégalité, nous voulons être traité de la même façon. Que l’état nous donne la possibilité de nous défendre nous même. On ne veut plus être réfugier dans une autre région où on nous sert des bidons d’huile, du bilgure ou du maïs. Ces bandits du MNLA sont des camarades d’âge, on se connaît. Notre seul pêché, c’est d’être loyaliste. Qu’on laisse l’armée malienne conquérir le Nord avec ou sans l’aide de la CEDEAO. Vive l’armée malienne, Vive le Mali.

  9. La vengeance, l’amalgame sont les deux choses que j’ai le plus craintes dans cette guerre perpetrée par des barbares venus de Lybie et médiatiquement propulsé par des propagandistes installés en Occident où ils ont pu berner des gens.
    Le MNLA a creusé la tombe du peuple touareg, après tout, c’est au gouvernement malien d’assurer la securité de tous maliens qu’ils soient blancs ou noirs !

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