Mohamed Ould Abdel Aziz : au Sahel, «la peur a changé de camp»

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Mohamed Ould Abdel Aziz
Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz.
REUTERS

À 57 ans, le général Mohamed Ould Abdel Aziz est président de la République islamique de Mauritanie depuis juillet 2009. Il a toutes chances d’être à nouveau candidat à l’élection du 21 juin.

 

Le Figaro. – En janvier 2013, vous n’avez pas répondu favorablement à la demande du président Hollande, d’envoyer vos forces combattre au Mali, aux côtés des soldats français et tchadiens. Pourquoi ?

 

Mohamed Ould Abdel Aziz. – La Mauritanie partage avec le Mali frère des frontières longues de plus de 2 000 km, c’est dire à quel point la sécurité en Mauritanie dépend de celle au Mali. Très tôt, nous avions attiré l’attention de nos partenaires régionaux sur les risques graves encourus par le Sahel, du fait de la présence de groupes terroristes dans le nord du Mali.

Nous avons dû y intervenir militairement en 2010, pour détruire des bases à partir desquelles les djihadistes voulaient commettre chez nous des attentats et des enlèvements. Puisqu’à l’époque le gouvernement malien tolérait chez lui la présence de groupes terroristes, nous avons pensé que nous étions les bienvenus aussi !

En 2013, les autorités de Bamako souhaitaient que l’armée mauritanienne se déploie dans l’est du Mali, ce qui étendait considérablement nos lignes logistiques et nous obligeait à dégarnir notre frontière. Nous avons considéré qu’en sécurisant nos frontières et en empêchant toute possibilité de repli des groupes terroristes armés sur notre territoire, nous avons beaucoup aidé l’opération « Serval » et contribué efficacement à l’élimination des djihadistes dans le nord du Mali.

 

Quelle solution voyez-vous pour la résolution du problème du Mali du Nord ?

C’est une question qui se pose depuis les indépendances. Les Maliens du Nord se considèrent marginalisés. Ils ont parfois des revendications farfelues. L’indépendance de l’Azawad est une chimère et nous sommes favorables à l’intégrité territoriale du Mali. La solution ne peut être recherchée et trouvée que par les Maliens, sans ingérence extérieure. Le président IBK a toute légitimité pour apporter une solution durable. Il y a peu de richesses au Mali en général ; il y en a encore moins dans le Nord.

La stabilisation de la région passe par la création d’infrastructures. L’erreur des autorités maliennes, c’est de s’être trompées d’ennemis. Ils étaient obsédés par les revendications nordistes et aveugles à l’installation des groupes terroristes. Leur laxisme avait favorisé l’accroissement de la menace terroriste et le développement du trafic de drogue.

La France et les autorités de Bamako n’ont pas les mêmes ennemis. Pour l’une, ce sont les islamistes ; pour les autres, ce sont les séparatistes touaregs du MLNA…

Au plus fort de cette crise, il fallait à tout prix éviter que le nord du Mali ne tombe entièrement aux mains des terroristes islamistes. Même si certaines des revendications du MNLA me semblent inacceptables, ce mouvement a su rester à l’écart du djihadisme. Étant donné les difficultés de l’environnement, toute action menée contre le terrorisme ne peut réussir sans rendre les populations locales acteurs de ce combat. Dans le passé, les djihadistes ont tissé des liens étroits – y compris des mariages – dans le nord du Mali. Ils se sont même parfois substitués à l’État dans son rôle social. Il fallait mettre un terme à cette situation.
« L’indépendance de l’Azawad est une chimère et nous sommes favorables à l’intégrité territoriale du Mali »
Depuis votre arrivée aux affaires en 2008, quelle a été votre stratégie dans la lutte contre les djihadistes et les trafiquants de drogue ?

La sécurité est la première des libertés. Sans sécurité, il n’y a pas de développement possible. Nous avons décidé de rétablir la sécurité dans notre pays en réorganisant notre armée afin de l’adapter à une nouvelle menace non conventionnelle. Cela nous a obligés à faire des sacrifices importants. Étant donné l’urgence et l’importance de la mission, nous n’avons pas attendu l’aide extérieure pour agir.

Nous avons retardé des projets d’infrastructures importants pour notre tâche prioritaire de rétablissement de la sécurité. Nous avons créé des unités mobiles et autonomes capables de se projeter n’importe où et à tout moment. Nous avons créé des bases logistiques proches des frontières. Nous avons aussi misé sur le renseignement humain. Avec le temps, la peur a changé de camp.

 

Quel est le lien entre terrorisme islamiste et trafic de drogue au Sahel ?

Les liens sont nombreux. Pour assurer leur sécurité, les trafiquants qui passent par les territoires sous contrôle des djihadistes sont contraints de fournir un ravitaillement en carburant, payer un droit de passage et donner de précieux renseignements.

Depuis l’affaire Claustre à la fin des années 1970, les Occidentaux ont pris l’habitude de payer des rançons pour libérer leurs otages.

 

Quelles conséquences sur le Sahel ?

Elles sont catastrophiques. Je suis opposé à tout dialogue avec les preneurs d’otages. Le paiement des rançons sert à réarmer les terroristes. Chaque fois que vous payez, attendez-vous à devoir payer encore plus la prochaine fois. L’argent occidental a, hélas, suscité au Sahel toute une économie de la prise d’otages, avec ses sous-traitants dans le kidnapping et le repérage. Les voyageurs occidentaux sont devenus des cibles au Sahel.

Les rançons qui furent payées par les Allemands et les Italiens pour la libération de leurs touristes pris en otages ont permis au petit groupe algérien du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) de grandir, et de se transformer en puissance terroriste régionale. Les rançons ont permis l’acquisition par les terroristes de matériels de guerre et de communication sophistiqués, allongeant dangereusement leurs rayons d’action. Les Anglais et les Américains ont raison de ne jamais payer.

 

L’Union européenne et la France vous apportent-elles une aide dans vos efforts de lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue ?

Chaque pays a ses problèmes et doit les porter sans attendre forcément le soutien de ses amis. Les aides sont devenues faibles et tardent souvent à venir. Nous entretenons d’excellentes relations avec la France et les États-Unis dans les domaines de la formation et de l’échange d’informations. Nous regrettons parfois la lenteur de l’aide européenne.
Vous avez accepté de devenir président de l’Union africaine ; est-ce que cela annonce une réorientation de la Mauritanie vers l’Afrique noire plutôt que vers la Méditerranée ?

Il ne s’agit pas d’une réorientation puisque nous sommes pleinement africains. En plus d’être membre fondateur de l’OUA, nous appartenons à plusieurs organisations régionales comme le CILSS (Comité interétatique pour la lutte contre la sécheresse au Sahel) ou l’OMVS (Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal). Nous sommes aussi membre fondateur de la Ligue des États arabes.

Nous contribuons significativement à la coopération euro-méditerranéenne et nous jouons un rôle important dans l’espace sahélo-saharien. Nous sommes une nation riche par sa diversité culturelle arabe et africaine et nous comptons oeuvrer, tout au long de notre mandat à la tête de l’Union africaine, au renforcement de la coopération entre les ensembles régionaux africains et le reste du monde.

 

Vous venez d’annoncer l’envoi de troupes en Centrafrique, qui remplaceront les Tchadiens…

Ce que vous appelez notre remplacement des Tchadiens est fortuit. Nous répondons favorablement à une demande des Nations unies. Participer au rétablissement de la sécurité en RCA, c’est notre devoir d’Africains.

 

Quelle est la cause réelle du malheur de ce pays ?

Les difficultés de la RCA sont la conséquence de l’échec flagrant de son élite politique. Il n’y a pas deux races qui s’affrontent, il y a juste des politiques qui ont échoué.
« Toute action menée contre le terrorisme ne peut réussir sans rendre les populations locales acteurs de ce combat »

 

En RCA, les troubles ont commencé par les exactions antichrétiennes de la Séléka, auxquelles ont bientôt répondu les exactions antimusulmanes des milices Anti-Balaka. La solution n’est-elle pas la partition de la RCA en deux, chrétiens au Sud, musulmans au Nord ?

Non. Ce serait trop grave, pour toute l’Afrique. Si la religion devenait un instrument de séparation, ce serait catastrophique dans ce continent où chrétiens et musulmans ont toujours vécu en bonne intelligence. Je suis farouchement opposé à l’instrumentalisation de la religion par la politique. On ne peut pas bâtir une nation uniquement sur des critères religieux ou ethniques. Seul l’ancrage de la démocratie peut assurer le vivre-ensemble.

 

Êtes-vous favorable à l’interdiction des partis religieux ?

Aucun parti politique ne peut être basé uniquement sur la religion ou sur l’ethnie, sous peine d’être interdit.

 

Propos recueillis à Nouakchott par Renaud Girard

Source: LeFigaro.fr

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11 COMMENTAIRES

  1. On est habitue a entendre ces beaux discours de nos presidents et le fait de vanter soi meme n’est pas surprenant.
    Bref, la Mauritanie est un pays frere, mais elle plus de problemes sociaux que le Mali qui sont caches et leur etat et gouvernement mettent leurs pieds dessus. Des exemples ont ete cites par certains freres maliwebiens.
    La rebelion et le djihadisme nous menacent tous (pays de la sous region). La seule facon de les combattre est de faire avec une bonne collaboration en arretant de supporter des rebels et djihadistes et surtout d’honnetete afin de trouver une solution fiable et un plan de cambat contre des groupes d’ailleurs qui pensent qu’a l’argent obtenu facilement et vivre en pachats comme ils le veulent. D’ailleurs la majorite de leur communaute ne les supporte pas. C’est tellement facile de manipuler des analphabetes et c’est ce fleau a la base de notre recul en Afrique et particulierement au Mali.

  2. Je suis agréablement surpris par cette grandeur du président mauritanien qui prouve par ses déclarations qu’il est un homme d’état. La seule chose qui me préoccupe,c’est la pratique dans son pays de l’esclavage et de la discrimination raciale que je voudrais qu’il combatte de toutes ses forces.Bon vent MONSIEUR LE PRESIDENT

  3. et la question du négros mauritanien et l esclavagiste des hartanie 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 les négros Mauritanie on pas droits au vote quel honte 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳 😳

    • Grand menteur
      Qui t’as dit qu’ils ne votent pas?
      Pourquoi tu nies la réalité? Tu sais très bien que tout mauritanien âgé de de 18 ans peut voter qq soit sa race. D’autre part tu ne sais pas que les 2 derniers présidents du sénat sont des negromauritaniens les défunts Dieng Boubou Farba et Ba Mbaré.
      لا تكذب

  4. Voilà un homme d’état. Ce qu’il dit nous blesse un peu mais c’est la vérité, le Mali d’ATT est resté sourd à toutes les interpellations sur le grave danger mortel que represente la tolérance des criminels djihadistes sur notre sol. Pire, en tant que général d’armée ATT n’a rien entrepris pour former une armée digne de ce nom pendant 10 ans, presque jour pour jour. Et on veut qu’on tolère ce monsieur qui a foutu la dignité du pays au sol. Un bon militaire n’a pas besoin de 5 ans pour créer une bonne armée, au moins une armée dissuasive. Quand je me rappelle de son premier chef d’état major, le “général” Seydou Traoré, qui faisait le tour des casernes en 2006 pour dire au militaire que la guerre c’est pas bon, oubien les sketchs qu’il faisait passer à l’ORTM où on voyait un militaire jeter son arme, ce sont tous ces élements qui ont convaincus les Bahanga et Fagaga que l’armée du Mali ce n’est que du chiffon et elle a peur d’aller au combat. Il faut qu’on forme des experts maliens

    • Il faut qu’on forme des experts militaires maliens en psychologie militaire pour que que de tels desastres en termes d’images de notre armée ne soient encore vécus. Un militaire c’est d’avoir sa psychologie et en 2006 le général Seydou Traoré a foutu la psychologie des militaires maliens à terre. Nous devons repenser l’état, son administration, en un mot la vie même car les politiques maliens semblent vivre au 18 ème siècle. Voilà Aziz, un Mauritanien formé en Mauritanie et qui a su mettre son pays à l’abri. La Mauritanie est plus vaste que le Mali si je ne m’abuse, en tout cas trois fois moins peuplée que le Mali, mais le pays a su faire face.

    • Continuez a croire au pere noel est un choix, mais faire fi de la realite n’est ni plus ni moins que de la mauvaise foi.
      – La Mauritanie est le pays ou tous les communiques de AQMI sont diffuses;
      – Ce Mr a fait 2 coups d’etat en moins de 5 ans dans son pays, c’est pas lui qui va nous parler de democratie. Il n’y a rien de plus que la dictature dans son pays.
      – Il parle en grand alors que son pays est le lieu de repli de tous les terroristes et separatistes. Tous nos separatistes ou presque ont la nationalite mauritanienne, qu’a t-il fait pour empecher ces apatrides d’attaquer le Mali?
      – Il parle de securite, mais c’est pas lui qui s’est fait tirer dessus par un garde, ou est la securite?
      – Il dit que le Mali a ete laxiste avant, mais pourquoi n’ont-ils jamais aide ce Mali pendant que tout le nord etait entre les mains des islamistes?

      • Suite
        – La Mauritanie etait prete a envoyer ses soldats au Mali, apres Serval, seulement si ses MERCENAIRES etaient payes comme les europeens le sont et ses soldats allaient choisir leurs positions respectives, c’est a dire rester a leur frontiere (KADA MOUN KAN on va accepter cela 👿 )
        – Aujourd’hui c’est cette meme Mauritanie, incapable d’envoyer des soldats au Mali avec qui pourtant elle partage une frontiere de plus de 2,000kms, qui veut envoyer ses troupes en Centrafrique. Quelle demagogie!

        Les problemes de la Mauritanie sont nombreuses, et nous partageons les peines de sa population. Mais nous ne serons jamais d’accord avec la FOURBERIE de ceux qui sont a la tete de ce pays.

        @Visus_Mali qui croit que ce president est un modele de vertu, je vous demande de faire un peu de recherche sur ce qui se passe sur le terrain pour ne pas faire l’erreur que vous faites en croyant a ce Monsieur.

        • Pour finir, pourquoi Mohamed Ould Abdel Aziz n’est pas HONNETE en disant qu’il n’a pas combattu seul le terrorisme et qu’il n’a pas fait mieux que le Mali dans ce qu’il appelle sa guerre contre le terrosrisme?

          Le Mali n’a certes ni de debouche sur la mer encore moins de gisement de petrole comme la Mauritanie, mais nous ne nous en sommes pas sortis moins bien que son pays.

          Qu’on arrete de tirer la langue derriere tout parvenu qui vient nous raconter sa vie et qui redore son blason sur notre dos, il y en a marre enfin! 👿

          Quelle honte!!!

  5. Et c’est le Président d’une République Islamiste !!! Les djihadistes
    sont prévenus..

    Très bel entretien , très riche ..à lire absolument

    Ce devrait être un bon président de l’UA

  6. Cet interview du President de la Mauritanie devrait donner a la classe
    politique du Mali matiere a mediter.Un Etat,c’est d’abord son armee,
    armee qui dissuade les velleites d’invasion jadiste et de rebellion
    separatiste.Nous avons commence avec l’UE a reconstruire cette armee
    leguee par le General Soumare.Sa reconstitution doit etre confiee a un Comite strategique qui doit elaborer un projet de 10 ans au moins pour creer une armee digne de ce nom en Afrique de l’Ouest.Nous sommes un pays a la lisiere de l’Afrique Noire et de l’Afrique Blanche
    un defi de plus.Il faut creer une administration,competente,neutre
    apolitique et attachee aux interets nationaux.Avant tout faire fleurir
    un secteur d’affaires pour promouvoir l’entreprise,non seulement familiale mais anonyme.Cherchons a creer une Banque d’investissement
    pour la mobilisation des fonds d’investissements,former des jeunes entrepreneurs qui deviendront riches par leur ardeur au travail,leur volonte d’innovation et leur ambition.

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