Mohamed Ali Bathily sur RFI: au Mali, «choisir entre discuter ou juger»

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Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mohamed Ali Bathily
Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mohamed Ali Bathily

La justice est au cœur de tous les esprits maliens. Elle est indispensable pour apaiser les tensions et amorcer une réconciliation nationale. Dix mois après le début de l’intervention militaire qui a permis de libérer le nord du pays, les procès des prisonniers accusés d’avoir combattu l’Etat malien n’ont toujours pas commencé. Où en est le processus judiciaire en cours ? Quelles sont les interférences avec le processus politique de règlement du conflit ? Mohamed Ali Bathily, ministre malien de la Justice, répond aux questions de David Baché.

 

 

RFI : Aujourd’hui, combien de prisonniers soupçonnés d’avoir combattu avec les groupes armés, ou d’avoir collaboré avec eux, attendent d’être jugés ?

Mohamed Ali Bathily : Nous n’avons pas le chiffre exact et définitif des prisonniers, parce que certains relèvent de l’office des juges et d’autres sont pour l’instant en phase d’enquête préliminaire. Donc, les dossiers ne sont pas communiqués à la justice.

 

 

On parle d’un peu plus de 200 prisonniers, 201 à 203 selon les institutions. C’est un ordre de grandeur qui vous convient ?

Personnellement, je les estime entre 200 et 250.

 

 

Quand pourraient se tenir les premiers procès ?

L’instruction est vraiment entre les mains des juges dans ces dossiers. Elle me semble beaucoup avancer, et je pense que d’ici la fin de l’année, on aura au moins l’agenda des premières audiences qui vont avoir lieu.

 

 

Justement, les juges d’instruction en charge de ces dossiers estiment qu’on ne met pas suffisamment de moyens à leur disposition. Ils n’ont, par exemple, toujours pas pu se rendre dans le Nord pour enquêter. Cela semble quand même problématique.

C’est sûr. Cela fait même partie des raisons pour lesquelles nous disons qu’il faut mettre rapidement en œuvre les accords de Ouagadougou. Il faudrait que le retour de l’administration dans les régions du Nord puisse se faire assez rapidement, pour que les éléments d’enquête puissent être accessibles au juge.

 

 

Pour vous, pour les nouvelles autorités maliennes, l’organisation de ces procès est-elle une priorité ou y a-t-il a d’autres choses à laisser passer avant, par exemple les élections législatives ?

Elles interviendront, bien entendu, avant la tenue des procès. Mais cela dit, lorsqu’on a une personne détenue, c’est toujours une priorité que de la juger dans un délai raisonnable.

 

 

Des organisations de défense des droits de l’homme expliquent que les prisonniers n’ont pas tous un avocat, alors qu’ils y ont droit. La justice malienne va-t-elle leur en fournir bientôt ?

C’est prévu dans le Code de procédure pénale. Forcément, le bâtonnier sera saisi pour désigner des avocats d’office, pour toutes les personnes qui vont être concernées par des infractions relevant du crime.

 

 

Certains de ces prisonniers sont-ils détenus dans les locaux de la sécurité d’Etat ?

A ma connaissance, ce n’est pas le cas. Parfois, les arrestations ont été opérées par les militaires qui sont sur les théâtres de conflits. Ces militaires-là ont des procédures qui ne relèvent pas du Code de procédure pénale. Et chaque fois, nous avons des rencontres pour reprendre en main rapidement les personnes qui sont sous leur contrôle.

 

 

Certains prisonniers font justement état de mauvais traitements dans les locaux de la sécurité d’Etat, une fois sortis…

Dans ces conditions-là, si les preuves peuvent en être rapportées, c’est sûr qu’une enquête doit être ouverte.

 

 

Deux vagues de prisonniers, soit une quarantaine d’hommes en tout, ont été libérés dans le cadre de l’accord de Ouagadougou signé en juin dernier avec les groupes armés, en particulier avec les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Ces prisonniers ont-ils été libérés provisoirement, ou toutes les charges qui pesaient contre eux ont-elles été abandonnées ?

Ces prisonniers ont été libérés de façon totale par rapport à l’étape de l’enquête où l’on se retrouve. Si demain nous avions la preuve qu’ils ont pris part à des crimes graves ou des génocides de guerre, ce serait à ce moment des faits nouveaux qui justifieraient qu’on reprenne la procédure contre eux.

 

 

Vous avez assuré au moment de ces libérations que les prisonniers avaient été libérés en accord avec les autorités judiciaires qui les avaient innocentés. Mais le procureur de la cour d’appel de Bamako, Daniel Tessougué, qui est en charge de ces dossiers, affirme quant à lui qu’on lui a imposé ces libérations et qu’il a même hésité à démissionner après cela.

Vous savez, j’ai eu une discussion de plusieurs heures avec Monsieur Tessougué, pour lequel j’ai beaucoup de respect. Et ce qui avait été convenu dans les accords de Ouagadougou, ce n’est pas que le gouvernement est venu dire « j’innove et je prends sur moi d’interférer dans le domaine judiciaire de façon intempestive ». Non, le sens de cette démarche est qu’à tout moment, le gouvernement doit satisfaire ses engagements, y compris lorsqu’il s’agit du domaine judiciaire.

 

 

Quand pourrait avoir lieu la prochaine vague de libération ?

Nous sommes déjà en train de préparer la levée des mandats d’arrêt qui pèsent sur certains responsables des mouvements armés. Je n’ai pas le nom en tête, mais je vois qu’il y a une demande d’à peu près 29 personnes. Je pense qu’il y a quelques anciens députés – qui le sont d’ailleurs peut-être toujours -, qui ont rejoint les mouvements armés. Moi je pense à eux. Ils doivent discuter de cette paix. Certains font l’objet de mandats d’arrêt internationaux, et courent donc le risque d’être arrêtés. Nous devons choisir entre la discussion ou la volonté de les arrêter, de les juger tout de suite. Au risque de ne jamais discuter de la paix.

 

 

Certains vont y voir là une forme d’impunité, non ?

Il n’y a pas d’impunité ! Un mandat n’est pas une condamnation. En levant le mandat, on ne met pas fin à l’enquête. Et on n’enquêtera pas sans la paix. Lever le mandat, ce serait une étape pour aller vers plus de justice.

 

 

Par David Baché

Source: rfi.fr

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9 COMMENTAIRES

  1. Félicitations IBK! Il faut mener le contrôle au sud et condamner les cadres du sud pour malversation et libérer ceux du nord au non de la réconciliation nationale.

  2. Tous les jours on nous enterre vivants. Si le gouvernement les pardonne, le peuple malien ne les pardonnera jamais. Nous allons venger nos victimes inchAllah, même s’il faut faire face à la justice. Ils ne seront pas pardonnés, nous allons les chercher partout dans ce monde pour les faire payer leur forfait. Ils ne seront jamais en sécurité tant qu’ils seront en liberté. les assassinats ciblés feront jour bientôt. On verra en ce moment s’il y a justice ou pas au Mali. L’injustice ne se fera pas sur le dos du peuple malien. Comme on le dit, la plaie ne guérira par sur du pu.

  3. Encore et encore de l’inpunité,pauvre mali,les tiefari son mort,on a plus que des hommes sans courage de dire non,comme les sekou toure,modibo keita,kouami krouma,nous les malien on est condamné a etre
    Humilier pour toujours 🙁

    🙁

  4. Monsieur le Ministre, moi je suis partissent du président de la République Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA.
    je soutiens certaines actions du gouvernement en faveur de la paix; mais en procédant à l’annulation des mandats d’arrêt lancés contre les criminels de guerre va l’encontre de nos lois chose que moi je suis contre. Nous devons savoir que des coeurs ont été meurtris, des femmes sont devenues veuves, des enfants qui ont perdu leur père. les crimes les plus graves ont été commis par ces gens. il ne peut y avoir de réconciliation et de paix durable sans la vérité et la justice. Même les criminels de guerre de la seconde guerre sont toujours poursuivis par les juridictions internationales. nous devons prendre l’exemple sur le Rwanda si nous voulons réellement une réconciliation et une paix durable. Nous ne devons plus encourager l’impunité.le président Idris DEBY disait en ceci”Le nouveau président IBK n’a pas droit à l’erreur”.

  5. L’amateurisme recommence… On dirait que le Mali est un pays maudit…

    Il n’y a pas à choisir… entre discuter et juger…

    Le procureur Téssougué l’a expliqué clairement. Il faut juger les criminels. Puis, si le président veut, il peut aministier. Si l’Assemblée veut, elle peut voter une loi d’amnistie.

    Où est le problème ?

    Moussa Traoré a été jugé… condamné… il a payé pour ça…

    Comment peut-on libérer comme ça des assassins… des criminels… qui ont massacrés des soldats sans armes ?

    Il faut les juger d’abord… puis les amnistier après si vous y tenez.

  6. Le Président malien IBK a trouvé les mots durs pour dénoncer les récents naufrages de LAMPEDUSA, je cite:”les événements récents au large de Lampedusa sont d’une horreur particulière et inadmissible” Sauf que entre ce discours et la probable levée des mandats d’arrêt contre les bandits armés qui ont flagellé, violé les civils, massacré les militaires, il y a un réel gap. Dites moi bon sens ou est la cohérence entre ces deux actes. Ce qui est valable ailleurs ne l’ait pas au Mali.
    Allons-nous nous laisser le Président IBK nous conduire au mur au non de son plébiscite?

  7. Aucune paix ne pourrait être possible sans une justice impartiale
    Si les autorités libèrent ces gens qui ont commis des crimes de guerre et de hautes trahisons :
    Des militaires qui retournent les armes pour tuer d’autres militaires sur le champ de bataille qui les consideraient comme frères
    Des députés nourris et blanchis qui comblotent en étant bien infotmés contre la nation dont ils sont les représentants
    Des innocents tués injustement
    Des femmes violées ou flajolées sur la place publique
    Des mains et des jambes coupées
    Des milliers de personnes déplacées ou réfugiées pour éviter la barbarie
    Si le gouvernement irresponsable du Mali préfère aller dans qu’on lui indique en faisant fi de la justice ; encore vous verrez que les milliaires seront réintégrés et les députés resterons à l’assemblée !
    Permettez moi de m y opposer avec toute l’énergie de mon âme ; même sans avoir la capacité en tant personne libre et consciente de changer le cours de cette humiliante injustice

  8. Liberer des prisonniers de guerre pour aller à la paix n’est pas une première dans le monde.
    Mais on doit s’assurer que ceux qui beneficient de ces faveurs ne sont pas directement impliqués dans les crimes de sang.D’ailleurs,avons nous le choix?
    Le jour où nous aurons l’armée de nos besoins,capable de nous defendre contre agression exterieure ou interieure,ce jour là ce sera tout autre.

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