Partout dans le monde musulman, la fin du ramadan est célébrée dans l’allégresse. Mais, à Bamako cette année, la population a un motif d’inquiétude. Iyad Ag Ghali a visiblement élargi ses cibles aux populations des régions sud du Mali. De l’analyse de la géographie de la violence de ce mois du ramadan, il est loisible de noter que les victimes à déplorer se situe au Sud. Et puis, l’arrestation, la semaine dernière, d’un émissaire d’Iyad Ag Ghali en possession de fortes sommes d’argent –une douzaine de millions de nos francs – relance les craintes d’une nouvelle attaque terroriste après celle du café de la Terrasse survenue en mars dernier. D’où l’appel lancé à plus de vigilance par les chancelleries occidentales leurs ressortissants résidant à Bamako.
Les activités terroristes durant le mois sacré ont considérablement augmenté. On sait que le Ramadan est marqué par un redoublement de la violence. Conformément à la théorie de leurs idéologues, selon laquelle le djihad est unefaridha makhfiya, c’est-à-dire une « obligation cachée » ou encore « un dogme non dit », les islamistes se sentent « tenus » de faire un effort guerrier durant le Ramadan et de multiplier les tueries, preuve de piété pour les fous de Dieu. Illustration de l’aggravation de la situation sécuritaire : attaques de Nara, Misseni et Fakola outre le café de la Terrasse à Bamako. Nul doute qu’Ansar Eddine, jusque là confiné au Nord, dispose de nombreux réseaux de soutien logistique et des cellules de renseignements au Sud.
On craint un massacre de grande ampleur qui viendrait entacher la fête du Ramadan si Bamako doit face à des attentats suicides. Un kamikaze pourrait précipiter son véhicule contre le mur d’enceinte d’un commissariat, au cœur de Bamako. Ou encore actionner une bombe artisanale confectionnée à l’aide de bonbonne de gaz au marché ou dans une gare routière très fréquentée. Les dépôts de dynamites et de TNT dans les carrières et mines ne font pas l’objet d’une grande surveillance.
L’angoisse gagne en épaisseur aujourd’hui avec la possibilité de l’utilisation de bombes sales à base de mélanges de produits chimiques utilisés dans toutes sortes d’industries et qui sont disponibles sur le marché. Le recours à cette technique par Al Qaïda est établi par tous les services de renseignements, de même que la jonction entre cette organisation et Ansardine. Il est vrai que la capitale malienne se donne des airs d’insouciance. Les marchés sont bondés. Le visiteur risque de se prendre les pieds dans les étals. Elèves en vacance ou autres vendeurs ambulants tentent d’écouler quelques babioles aux passants. Il faut vendre à tout prix une montre qui ne marche que le temps d’être vendue. Ramadan oblige, des dattes, des sodas sont proposés à des prix souvent prohibitifs. L’administration et les banques fonctionnent à plein régime. Malgré une tension perceptible, les clients ne résignent pas à se mettre en rang devant les guichets ouverts. Le fils ou le frère émigré en France, aux Etats-Unis s’est saigné des quatre veines pour permettre à sa famille de fêter dignement.
De l’avis d’un officier supérieur, « pour être efficace, la lutte contre le terrorisme exige la réunion de quatre conditions : un renseignement en temps réel, une police de proximité, une force militaire et la coopération de la population. Quand l’un de ces facteurs est absent, l’intervention devient moins efficace. »
Des casernes transformées en bunker –sacs de sable dans les guérites, casques de guerre et fusils mitrailleurs – redoublent de vigilance, tandis que des patrouilles composées de trois ou quatre hommes chacune font à longueur de journée le tour de la ville. La nuit, motards de police viennent renforcer le dispositif sécuritaire. Toutefois, le risque zéro n’existe point.
Georges François Traoré