Comme à Sévaré, il y a eu des manifestations à Bamako et à Kayes, ce week-end, pour demander le départ de l’Opération Barkhane et de la MINUSMA du territoire national. Ces manifestations, à répétition, traduisent un sentiment de rejet des forces étrangères par une grande partie de la population.
Boulkessi où une quarantaine de soldats maliens ont été tués suite à l’attaque traitresse menée contre le camp du G5 Sahel par des jihadistes en plus de l’important dégât matériel a ravivé la colère de la population malienne. Le peuple se sentant floué sur la gestion de sa sécurité a manifesté dans plusieurs localités contre l’Opération Barkhane et la MINUSMA.
Illustrant un sentiment de colère et d’indignation, ce sont des femmes et enfants militaires de la région de Mopti qui ont donné le ton : ça suffit la mort de nos soldats. Dans un premier temps, elles se sont opposées au départ de leur mari au le front.
« Nos maris, nos enfants n’iront pas à la boucherie. On n’a assez souffert de cette situation », laissaient ainsi exploser leur colère des femmes devant le camp militaire de l’armée de Terre. Leur mobilisation a pu empêcher le convoi militaire qui devait partir à Boulkessi.
Comme si cela ne suffisait pas, le sit-in s’est transformé rapidement en marche de protestation dans la ville de Sévaré. Portant de tissus rouges, pour exprimer leur douleur et peine suite au drame de Boulkessi, ces femmes et enfants militaires ont été vite rejoints par d’autres groupes pour réclamer le départ des forces étrangères sur le territoire national.
« On ne veut plus de la MINUSMA », « Abas la France », étaient, entre autres messages lancés par des manifestants très en colères.
Contre toute attente, la marche a dégénéré. Des manifestants mal intentionnés sont allés piller le magasin de stocks de la MINUSMA sur son ancien site, en apportant matelas, climatiseurs et bien d’autres matériels. La ville pendant deux jours était ébullition.
Également, à Bamako comme à Kayes, la population a manifesté sa colère contre la situation sécuritaire très confuse. Dans ces deux villes, il y a eu aussi des manifestations pacifiques. Contrairement à celle de Sévaré, celles des autres villes se sont déroulées dans le calme. Des habitants de Bamako et de Kayes, en toute civilité, se sont exprimés, tout en demandant aussi le départ des forces étrangères. Ils estiment que la MINUSMA et l’Opération Barkhane ont montré leur limite dans la lutte contre le terrorisme et dans le retour de la paix.
Si la scène de pillage dans les magasins de la MINUSMA est un acte ignoble à condamner à Sévaré, il faut reconnaitre que ces différentes manifestations de colère sont des signes de rejet des forces étrangères. Au-delà des critiques et condamnations, ces manifestations interpellent les autorités nationales et la communauté internationale sur les efforts faits en faveur de la paix dans ce pays, depuis 2013. Cette population en a assez de compter ses morts par dizaines alors que l’Opération Barkhane et la MINUSMA ont décidé de renforcer leur position dans la zone en vue de minimiser le risque d’attaques. À l’heure du bilan, il est évident que la situation est loin d’être fameuse. Et pour causes ? Le dernier rapport des Nations unies sur le Mali note une légère augmentation des attaques cette année comparativement à 2018. Pour l’ONU, les extrémistes ont mené 62 attaques asymétriques, le nord du Mali en enregistrant la majorité avec 67 % des attaques [à Tombouctou (15 attaques), Gao (14), Kidal (10) et Ménaka (3)] suivi de 31 % dans les régions de Mopti (17 attaques) et de Ségou (2), et une attaque dans la région de Kayes. Ce chiffre est relativement similaire à celui de la période précédente, au cours de laquelle 59 attaques avaient été perpétrées, principalement dans les régions du Nord (58 % des attaques). Bien que la région de Mopti ait enregistré le plus grand nombre d’attaques au cours de la période considérée, le nombre total d’attaques a diminué par rapport à la période précédente, précise le document.
La recrudescence de ces attaques terroristes prouve que le risque sécuritaire ne cesse de s’amplifier dans la zone en dépit d’une importante présence militaire étrangère. Un paradoxe, qui entretient le doute, renforce la méfiance de la population envers ces missions.
Dans tout le cas, le gouvernement malien, dépassé par la situation, a pourtant toujours plaidé auprès du Conseil de sécurité des Nations unies, mais en vain, pour une force combattante au Mali en lieu et place de l’actuel mandat de la MINUSMA.
Par Sikou BAH