Les événements du 17 septembre dernier à Bamako ne sont pas les premiers et les seuls qui doivent nous amener à agir pour sécuriser le pays. Les spécialistes s’accordent à reconnaître le rôle combien important de la population dans sa propre sécurité.
Il m’est plusieurs fois arrivé de m’interroger sur les vraies motivations de ceux qui clament à hue et à dia que les régimes militaires maliens (sous Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré (ATT), Aya Sanogo et la Transition actuelle), c’est-à-dire les différents régimes d’exception que le pays a connus sont autoritaires, policiers. Car en me référant à différentes définitions et notamment celle du Journal du droit administratif (JDA) français, on aurait du mal à comprendre les postures, ce ménagement de la chèvre et du chou que les différents pouvoirs d’exception du Mali ont jusque-là adoptés.
En effet, l’article 23 du droit administratif français définit le régime d’exception comme «la situation dans laquelle se trouve un État qui, en présence d’un péril grave, ne peut assurer sa sauvegarde qu’en méconnaissant les règles qui régissent normalement son organisation et ses pouvoirs. Il a pour effet une aggravation des pouvoirs de police, une limitation des libertés publiques et une atténuation du contrôle de légalité. La conciliation des libertés fondamentales et de la sécurité publique se fait au profit de cette dernière.»
Cette définition convient-elle au cas malien ? De l’avis de beaucoup d’observateurs, la réponse est négative. Ce, au vu du laxisme dont font preuve certains agents chargés d’assurer la sécurité et l’ordre public, au vu de notre environnement social où chacun s’interdit, au nom, souvent, d’un humanisme hypocrite, de mettre dehors un inconnu qui rentre chez vous incognito et notre propension à renseigner quiconque cherche une indication, un renseignement.
Au vu de la facilité avec laquelle nos camps et bases militaires sont accessibles à n’importe qui plus que partout dans le monde ; au vu de la proximité des camps et bases militaires avec des lieux de concentration de personnes et même d’animaux ; au vu de la transformation de ses installations militaires en pétaudière où vendeurs à la sauvette, belles de nuit, vagabonds impénitents, charlatans, marabouts ou prétendant tels, mendiants, infirmes et handicapés physiques et mentaux entrent et sortent comme dans un moulin, comment alors être surpris par les attaques terroristes du mardi 17 septembre 2024 à Bamako qui ont endeuillé plusieurs familles et causé des dégâts matériels préjudiciables à notre pays ? N’est-ce pas un terreau favorable à toute infiltration ? La saine comme la malsaine.
En réalité, c’est nous-mêmes qui nous mettons en danger par nos comportements, nos habitudes et mœurs. Car les vieilles habitudes ont la vie dure. Rien qu’à regarder autour de soi, il est facile de constater ce qui s’apparente à des dérives comportementales qui jurent avec le savoir-vivre et le savoir-faire des traditionnelles grandes agglomérations modernes.
MESURES PALLIATIVES- Les événements du 17 septembre ne sont pas les premiers et les seuls qui doivent nous amener à agir pour sécuriser le pays. Les spécialistes s’accordent à reconnaître le rôle combien important de la population dans sa propre sécurité. Dans un documentaire sur le sujet au Danemark diffusé en 2019 sur une chaîne française, il apparaît que 85% de la population (quelle prouesse !) sont impliqués dans la sécurité du pays. Au Mali, ce pourcentage est sûrement proche de zéro. Les citoyens qui le font à titre bénévole et patriotique ne sont souvent pas pris au sérieux. Ou ne sont pas couverts convenablement comme c’est le cas dans la plupart des pays occidentaux.
On m’a récemment rapporté une anecdote qui fait froid dans le dos. Un villageois à qui il a été demandé pourquoi eux qui vivent en contact permanent ne dénoncent pas les complicités internes et les terroristes qui vivent avec eux aurait répondu : «nous avons peur, parce que chaque fois que nous dénonçons un terroriste, il revient vers nous pour nous répéter mot pour mot ce que nous avons dit aux agents de l’État. Pour nous donc, ce n’est plus la peine de dénoncer puisque ceux à qui nous dénonçons nous dénoncent auprès des terroristes. Autant alors ne pas se faire des soucis auprès des terroristes. Nous préférons ne rien dire, ne rien voir et ne rien entendre pour sauver notre peau», aurait-t-il répondu.
Ces propos s’ils s’avéraient sont inquiétants et ne laissent pas entrevoir le bout du tunnel pour bientôt. Car, les armées les plus fortes, les services de renseignements les plus aguerris, les pays les plus technologiquement avancés dépendent pour leur sécurité intérieure et extérieure de la complicité, de l’osmose entre le peuple, les citoyens et leurs services de renseignements. Car quoique l’on puisse dire de la technologie et de ses capacités, il y a toujours l’homme derrière elle.
Pour combattre le fléau actuel, nos services de renseignements qui se débrouillent tant bien que mal et qui font par ailleurs leur bouleau doivent rester vigilants. Il n’y a pas de petits renseignements serait-on tenté de leur rappeler. Toute information doit être prise au sérieux et la source protégée. En plus, les camps et les bases militaires ne doivent pas être des moulins. Il faut les protéger en les excentrant (c’est vrai certains diront cela les fragilisera) et en procédant à des contrôles stricts de ceux qui y entrent ou en sortent. La proximité avec les marchés est un danger pour toutes les institutions par ces temps de terrorisme.
Comme moi, vous avez constaté le nombre qui croît crescendo des mendiants de tous âges. Certains ne sont en réalité que des agents de renseignements des terroristes. Loin de nous de vouloir faire ghettoïser la misère, mais nous disons que le nombre sans cesse croissant des mendiants et la facilité avec laquelle ils ont accès à tous les lieux n’est pas de nature à plaire aux spécialistes des questions sécuritaires.
Tout comme ne peut l’être ces camps de déplacés internes qui sont devenus des nids et des cachettes des terroristes de tout acabit. Nous savons comme tous les Maliens que certains villages ont été reconquis voire sécurisés, il faut par conséquent que les hommes et les femmes de ces zones y retournent. Une campagne de communication adaptée aidera à cet effet.
Les Maliens doivent s’approprier cette maxime qui dit : «Le moyen d’être sauf, c’est de ne pas se croire en sécurité». En d’autres mots, la prudence est mère de sûreté. Et notre sûreté nous impose notre implication dans notre sécurité.
Gamer A. DICKO