Quand un Etat est incapable d’assurer la sécurité pour tous ses citoyens, cet Etat laisse un vide qu’il faut combler d’une manière ou d’une autre.
C’est ce qui se passe depuis l’avènement de la rébellion touarègue au Nord du Mali. Nous assistons chaque jour à la création d’une association, d’un mouvement ou d’un groupe d’autodéfense, sous le regard passif des autorités qui ne font qu’acter. Depuis le 21 mai 2017, la communauté de culture songhay vient ajouter à la longue kyrielle de mouvements communautaires, «Ir Ganda», qui veut dire «Notre terre». La naissance de ce mouvement, qui ne sera pas le dernier, est diversement interprétée dans l’opinion nationale malienne.
Les populations meurtries, victimes des attaques quasi quotidiennes, voient en «Ir Ganda», un espoir de protection, en l’absence d’un Etat défaillant, qui de toutes les façons ne maîtrise plus son destin avec la présence des forces étrangères sur son sol. Les autres mouvements communautaires et groupes armés existants voient en «Ir Ganda» un ennemi déclaré qui viendra rebattre les cartes géopolitiques de la région.
Quant à l’Etat, il est pris entre le marteau et l’enclume. Même incapable d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens dans les zones de conflits, l’Etat ne pourrait applaudir la naissance d’un énième mouvement communautaire. Et comme il n’a jamais levé le petit doigt contre la création des mouvements déjà existants, il ne peut pas combattre aussi la naissance de nouveaux mouvements, comme c’est le cas de «Ir Ganda».
Aujourd’hui au Mali, il y a toutes sortes de mouvements communautaires et de groupes armés : Nous avons des associations culturelles régionalistes, ethniques au sein de presque toutes les communautés du Mali. Face à cette communautarisation du Mali, que faire ? Rien, sinon que de constater. Ce qui pourrait nous conduire à une division du Mali en plusieurs morceaux.
Si aujourd’hui, les communautés les plus en vue dans cette communautarisation sont celles des régions du Nord et une partie du centre, demain, ça pourrait toucher les communautés de l’Ouest, du sud. Les communautés ne faisant plus confiance à l’Etat central, elles n’hésiteront plus à tenter de se prendre en charge ou de faire pression sur l’Etat.
Nous avons vu comment les communautés de Kayes avaient fait pression sur l’Etat pour obtenir la construction d’un deuxième pont à Kayes. L’unique remède contre la communautarisation du pays est, selon moi, un Etat fort, fondé sur une justice sociale équitable pour tous, avec des dirigeants intègres et exemplaires. Un Etat fort se construit dans le temps avec des hommes et femmes convaincus. Le Mali que nous avons connu a cessé d’exister.
Il nous faut le refonder pas à pas. Mais déjà, il urge de rétablir la justice sociale, pierre angulaire de toute coexistence pacifique intercommunautaire. Difficile de ne pas accepter la naissance de «Ir Ganda», même si, ni «Ir ganda», ni CMA, ni Gatia, j’en passe, ne sont des solutions pérennes à l’existence de l’Etat malien. L’état malien doit reprendre sa place laissée aux mouvements communautaires. Pour ce faire, il lui faut reconstruire une Armée forte et républicaine, car un Etat sans armée est un Etat voué à disparaître.
Yachim MAIGA