DAKAR, 11 octobre 2012 (IRIN) – « En réalité, nous revendiquons notre droit à l’autodétermination. L’autodétermination ne veut pas dire sécession », a expliqué un porte-parole du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), qui représentait son groupe à majorité touarègue à Ouagadougou à l’occasion de pourparlers avec le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré.
Quelle que soit la façon dont le MNLA formule ses objectifs, il n’est pas en mesure d’imposer ses conditions sur l’avenir du Nord-Mali. Pourtant, la rébellion enclenchée par le mouvement en janvier 2012 avait d’abord donné lieu à une série de victoires contre une armée malienne démoralisée, qui avait permis au MNLA de proclamer « l’État indépendant de l’Azawad » le 6 avril et de mettre sur pied un Conseil transitoire de l’État de l’Azawad (CTEA).
Mais ce sont le mouvement islamique radical Ansar Dine, le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) qui se sont rapidement imposés à Tombouctou, Gao et Kidal. Malgré des négociations tortueuses et des allusions à une « fusion » improbable avec ses rivaux, le MNLA s’est largement fait devancer par les islamistes.
Selon sa propre version des faits, le MNLA a pris la décision de se retirer du nord face aux provocations répétées des djihadistes. Le mouvement soutient qu’il aurait pu combattre contre l’AQMI et ses alliés, mais qu’il avait préféré éviter des pertes civiles. Lors d’une interview avec l’agence pro-MNLA Toumast Press fin juillet, le porte-parole du mouvement, Mossa Ag Attaher, a nié toute division interne et perte d’orientation et promis que les villes comme Gao et Tombouctou allaient être « libérées des narcotrafiquants, des voleurs et des violeurs ».
Le nord du Mali a longtemps été une plaque tournante pour des trafics de drogue, d’armes et d’êtres humains impliquant des groupes islamistes et des intermédiaires touaregs.
« L’indépendance de l’Azawad reste la seule base de discussion avec le Mali », a dit M. Attaher, tout en qualifiant le Mali d’« État en décomposition ».
Une réunion de deux jours s’est tenue à Ouagadougou en juillet, avec le soutien du gouvernement burkinabé, de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest et du Département fédéral des affaires étrangères suisse, afin de dresser les grandes lignes d’un programme politique pour le Conseil transitoire de l’État de l’Azawad, de mettre sur pied une plate-forme de négociations et de rétablir une certaine cohérence après une vague de déclarations contradictoires.
La veille de la conférence sur le Sahel organisée par les Nations Unies à New York le 26 septembre, le MNLA a envoyé une lettre au secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, avertissant que « sans une implication franche et directe du MNLA dans tout ce qui concerne la crise, il est illusoire d’espérer une solution définitive et une paix durable ». La lettre faisait allusion à des pogroms susceptibles d’être menés par l’armée malienne et ses milices contre les communautés touarègues et soulignait que le MNLA était prêt à débarrasser le Nord des narcotrafiquants.
Mais la plupart des communiqués et des déclarations faites à New York ont fait peu de cas du MNLA. Les critiques, y compris certains Touaregs, estiment que le mouvement est victime de sa propre médiatisation et de la naïveté (ou du cynisme) dont il a fait preuve en s’alignant sur des groupes qui ne partageaient pas les mêmes objectifs. Sandy Haïdara, député de Tombouctou, a dit que ses soupçons avaient été confirmés. « Où est le MNLA ? D’après ce que l’on entend, ils ne se trouvent nulle part dans le Nord. Ils apparaissent dans les médias à l’extérieur du Mali, c’est tout. Ou alors sur Internet, c’est tout. »
Ansar Dine
Tandis que le MNLA s’est engagé dans une nouvelle série de pourparlers à Ouagadougou, des représentants d’Ansar Dine auraient rencontré des porte-parole du gouvernement malien à Alger. Le chef de file d’Ansar Dine, Iyad ag Ghali, figure clé des insurrections touarègues des années 1990, avait fait pression pour que lui soit accordé un rôle moteur au sein du MNLA lors de sa création en 2011. Ignoré, il avait alors utilisé ses contacts de l’AQMI pour fonder Ansar Dine.
M. Ag Ghali se serait converti au salafisme (un courant islamiste fondamentaliste) lors de son séjour comme diplomate en Arabie Saoudite. Ses activités et ses intentions concernant le nord du Mali ont fait l’objet de nombreux débats depuis le début de la crise. Les émissaires maliens dépêchés dans le nord confirment son intention d’imposer la charia et son apparente perte d’intérêt pour la cause azawadienne.
Pourtant, contrairement aux dirigeants de l’AQMI et du MUJAO, M. Ag Ghali est un citoyen malien, très influent dans les groupes touaregs, notamment dans les environs de Kidal, et il entretient des rapports de longue date avec l’élite militaire, politique et religieuse. « Ce n’est pas quelqu’un qui veut être taxé de terroriste en raison des gens qu’il fréquente », a dit un diplomate à Bamako qui a préféré garder l’anonymat. « C’est quelqu’un qui accorde de la valeur à sa réputation au Mali et notamment à son statut au sein de la communauté touarègue ».
Selon l’Algérie et d’autres pays, engager des discussions avec Ansar Dine pourrait être la meilleure façon pour le gouvernement malien encore affaibli d’établir un dialogue avec les occupants du Nord. Certains organes de la presse malienne ont laissé entendre que M. Ag Ghali pourrait être « soudoyé » et aurait même mentionné qu’il accepterait une commission pour démobiliser ses combattants.
temoust.org/ 11/10/2012