Mali: la tragédie du réalisme et la puissance du volontarisme

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J’ai très souvent confronté ces deux paradigmes : le Réalisme et le Volontarisme. Le premier est gage de prudence mais peut cacher la résignation. Le second est l’augure du progrès et le gardien de la dignité et court le risque de l’illumination déconnectée de l’empire des réalités. J’y reviens tant le temps est d’incandescence et l’urgence sonne à la porte.

 

La Maison-Mali brûle, Terre de nos ancêtres, sol de notre Présent et Horizon de nos enfants. On croyait qu’ils avaient enfin compris que la réalité n’est pas une donnée absolue momifiée mais se fabriquait. Force est néanmoins de constater que les Réalistes maliens en sont encore à porter le fardeau infamant de la résignation. Quel sens donner à la vie sur terre si ce n’est de bousculer le réel, de le transformer selon ses desiderata ? «Il faut être réaliste», phrase que j’ai disséquée la semaine dernière pour en démasquer la charge suffocante quand l’Etre ploie sous le joug des réalités imposées par les autres. Disons-le clairement ! Il s’agit de Kidal toujours de Kidal.

 

 

Le jeu français n’est pas étonnant pour ceux qui ont appris à se familiariser avec l’analyse de l’échiquier international où les joutes antagoniques visent l’appropriation d’enjeux stratégiques. Nous-mêmes n’avons eu de cesse d’interpeller les Maliens sur le fait prospectif que le MNLA reviendra dans le jeu et que Marianne (la France) n’abandonne pas totalement ses alliés. Dans le bouillon malien, les dessous de la chute du guide libyen ont fait que le MNLA fut l’allié de la France qui voulait briser le double rempart touareg et toubou du révolutionnaire de Syrte. Il fallait, pour accélérer la victoire de l’équipée tripolitaine de Sarkozy, concéder quelque chose aux Touaregs et Nadjim, colonel de l’armée libyenne, pouvait regagner le bercail. Il ne restait qu’à réveiller le vieux projet séparatiste qui couve dans la bibliothèque de l’Histoire depuis 1958 mais l’Histoire aime surprendre même les Maîtres les plus avisés. La France, prise de court par l’accélération de l’Histoire tant le surgissement des monstres djihadistes des phalanges du MNLA n’avait pas été prévu, était obligée de revoir sa carte. Si les coupeurs de mains et les diables de la lapidation n’avaient pas planté le drapeau d’une charia honteuse au Septentrion, la France aurait internationalement et diplomatiquement soutenu les indépendantistes ayant ramassé (cadeau) le Nord suite au déguerpissement de l’Etat malien aux lendemains du coup d’Etat du 22 mars 2012. Alain Jupé, au Quai d’Orsay à l’époque, avait pris l’avion pour venir dire le diktat à ATT. Il fallait négocier sans libérer les terres conquises par l’ennemi. Malheurs des populations du Nord martyrisées par Ançardine et Mujoa mais chance de la nation que l’étendard du coran eut éclipsé la force des indépendantistes. L’Afghanistanisation (charia) du Mali a eu un moment raison de sa Soudanisation (scission). Et pourtant, il était prévisible (nous l’avons écrit avant Serval) que l’Etat malien doit se préparer à affronter ce que d’aucuns appelaient à l’époque le petit MNLA. Le Sahélistan est un volcan qui nous a appris à nous préparer à affronter ses éruptions capricieuses. Bien avant le Sahélistan, le continuum géopolitique sahélien informait déjà de la logique des effets domino.

 

 

L’élection malienne s’approchant, la France propose un jeu de dupes, voulant que le Gouverneur vienne à Kidal avant le colonel. Au moment où notre jeune ministre des Affaires étrangères se montre volontariste, où le président malien lui-même vient de répondre à Hollande, refusant l’absence de l’armée malienne à Kidal durant l’élection présidentielle, les Maliens doivent, comme un seul homme, une seule âme, abandonner le faux réalisme de la résignation pour faire montre de volontarisme. Plutôt que “il faut être réaliste”, nous disons “il faut être volontariste.”Mobilisés comme une seule âme, les Maliens feront échouer le projet fédéral, autonomiste et autre enclaviste. Le réalisme est une tragédie s’il signifie subir les réalités imposées par les autres (MNLA, France). Pour exorciser ses démons, il est un remède que l’on nomme Volontarisme dont la puissance a libéré hier la même France face à la folie nazie. De Gaulle se concevait volontariste. Les réalistes français le traitaient d’utopiste illuminé. L’Histoire appartient aux Volontaristes même si la prise en compte des réalités est une donne de l’adaptation humaine à l’écosystème global.

 

 

Si les Maliens ne veulent pas perdre Kidal, ils ne la perdront pas. S’ils veulent être réalistes parce que le MNLA aurait déjà gagné, alors, il faut cesser de pleurer et prendre le compas et l’équerre et commencer déjà donc à dessiner une nouvelle carte du Mali. J’ai envie de dire aux réalistes maliens que tout le monde doit espérer et se montrer volontariste dans l’action de la Résistance comme le jeune ministre Tiéman Coulibaly ou Zoumana Sacko qui ont été clairs. Je suis de ce camp-là, ceux qui ont compris que soit l’on fait l’Histoire soit l’Histoire nous fait. Le réalisme n’est ni la bible ni le coran. Il est contestable avec l’Epître du volontarisme dont la puissance sait et peut transformer l’Histoire comme Œuvre des Hommes.

 

Yaya TRAORE

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2 COMMENTAIRES

  1. Merci pour cet article. Je pense que nous edifier de la sorte est benefique a plus d’un titre.
    Nous avons la possibilité de changer les donnes. Meme si cela n’est pas simple.
    Le temps presse,donc je pense qu’il faut penser a rendre accecible ce genre d’article a tout le peuple Malien.
    Ouvrir un vrai debat pour repondre et guider les volontaires pour un Mali fort et uni.
    Moi j’y crois,et je ne pense pas etre le seul.
    Merci.

  2. Merci monsieur. Vous avez tout dit. Bien analysé. Si nous nous continuons à dire qu’il faut éêtre réaliste, en effet, on risque le malheur.

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