Mali : Et le colonel Alaji Ag-Gamou est arrivé

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Les alliances au sein des diverses communautés touareg sont toujours à géométrie variable. En fonction des rapports de force institué avec les autres acteurs du « corridor sahélo-saharien » ; rapports politiques, nationaux et internationaux – des rapports tributaires de la compromission des hommes politiques – mais aussi rapports mafieux avec toutes sortes de trafiquants : cigarettes, drogue, armes, otages, etc. Iyad Ag Ghali (cf. LDD Mali 069/Vendredi 1er mars 2013) va passer d’un camp à l’autre.

 GamouInstigateur de la rébellion de 1990, cet Ifogha de Kidal, la noblesse des Touareg (dont Mamadou Traoré, ambassadeur du Mali à Ouagadougou, dit qu’ils sont « le nœud de toutes les intrigues de cette sous-région »), va multiplier les aller-retour entre le pouvoir (il a été consul à Djedda, en Arabie saoudite, de 2007 à 2009) et la rébellion. A bout de souffle quand éclatera la « guerre » de 2012, il basculera du côté d’AQMI qui lui apportera son soutien logistique. C’est ainsi qu’est né Ansar Dine. Une alliance qu’Intalla Ag Attaher, le patriarche des Ifogha, va dénoncer dans une lettre (8 juin 2012) dont l’authenticité n’est toujours pas avérée : « Je lance un appel pressant à tous ceux qui parmi mes amis, les responsables des communautés, et parmi mes enfants, qui sont membres jusque-là du groupe Ansar Dine, de le déserter dans les plus brefs délais parce que nous avons découvert que c’est un parti d’Al Qaeda ». La connexion entre Ansar Dine et AQMI était d’autant plus facile que Ghali a grandi en territoire algérien, à Tamanrasset (il ne s’exprime plus, d’ailleurs, qu’en arabe et se fait appeler Abou Fadil).

El Hadj Ag Gamou, quant à lui, qui appartient à une tribu Imrad (vassale), a choisi de rejoindre l’armée nationale malienne à la suite de la cérémonie de la Flamme de la paix (27 mars 1996). Formation à l’école militaire de Koulikoro, participation aux opérations de maintien de la paix au Liberia, affectation à Gao en 2005, il va commander la milice Delta créée par Amadou Toumani Touré (ATT). En 2006, elle sera chargée de réprimer la rébellion déclenchée par Ibrahim Ag Bahanga. Gamou va déclencher l’opération « Djigui Tougou » (Combler l’espoir) et devenir le maître de Kidal ; un Imrad, cela ne saurait convenir aux Ifogha. En 2011, ATT en fait son chef d’état-major particulier adjoint. Si ses troupes sont habillées et entretenues par l’armée malienne, le colonel-major est à la tête d’une « milice privée » qui a souvent défrayé la chronique par ses exactions contre les populations.

A la fin de l’année 2011, avant même le déclenchement de la guerre (17 janvier 2012), il aura, un temps, « disparu des radars du ministère de la Défense » alors qu’il venait de bénéficier d’une permission d’une semaine. On le dira même « déserteur ». Gamou avait alors été détaché à Kidal par ATT pour gérer sur le terrain le retour des « Libyens ». Quand la rébellion va être déclenchée, il sera formel : « Elle ne pourra jamais prendre le contrôle d’une ville malienne ». « Il n’y a aucun problème, ajoutera-t-il. L’armée est là. Nous sommes prêts à défendre l’intégrité de tout le territoire. Nous sommes prêts à verser notre sang pour le Mali s’il le faut… Que les Maliens se rassurent et qu’ils ne prêtent pas attention à ce qui se dit ailleurs sur la situation que nous vivons ». Mais Gamou va devoir fuir Kidal dont la rébellion s’empare le 30 mars 2012 tandis que Ghali s’installera à Tombouctou qui, tombée le 1er avril 2012 entre les mains du MNLA, va être conquise par Ansar Dine dès le lendemain. Le drapeau noir des Salafistes flottera sur la cité aux « 333 saints » tandis que la charia y est instituée.

Gamou racontera qu’il est parvenu à s’extraire de Kidal en laissant croire au MNLA qu’il allait rejoindre les rangs de la rébellion. Kidal, Gao, Ansongo, il passera la frontière avec le Niger du côté de Labézanga et, continuant de longer le fleuve Niger, va s’installer au Sud de Niamey, à Saguia. Les quelques centaines d’hommes qui l’ont rejoint ont été désarmés par les autorités et cantonnés. Gamou expliquera que sa présence au Niger « n’est pas fortuite, elle est purement stratégique ». Le coup d’Etat du 22 mars 2012 va le placer dans une posture difficile : il était l’homme de confiance d’ATT et même s’il a été considéré comme « le bourreau des bandits armés touareg qui ont juré de lui faire la peau », il sera dans le collimateur de la junte qui, avec lui, ne sait pas sur quel pied danser : plus qu’un militaire, c’est un électron libre, un véritable « seigneur de la guerre ». Gamou va alors créer le Mouvement républicain pour la restauration de l’Azawad (MRRA) : il vise à contrer les groupes islamistes armés du Nord-Mali et exiger l’autonomie politique de l’Azawad. S’agissait-il, là encore, d’une démarche non pas « fortuite mais purement stratégique » ? Quand en juillet 2012, le premier ministre Cheick Modibo Diarra viendra en visite officielle à Niamey, il rendra un hommage appuyé à Gamou : « Mon colonel, la République ne vous oubliera jamais ».

L’intervention française redonnera de la visibilité à Gamou. Le 26 janvier 2013, l’armée nigérienne va conquérir Ménaka, de l’autre côté de la frontière, porte d’entrée de la vallée de Zgarat, afin d’éviter toute fuite des « terroristes ». Puis quand, les Nigériens en auront expulsé les « islamistes », c’est le MNLA qui va s’y installer le 5 février 2013. Ménaka, ville natale de Gamou, va être le théâtre des habituelles diatribes des différents groupes armés. Le MNLA annoncera sa prise et sa sécurisation « dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les groupes de narcotrafiquants qui sévissent dans l’Azawad ». Son communiqué ajoutera : « Sans aucune aide ni soutien d’aucune force engagée dans la lutte contre le terrorisme ». Gamou revendiquera, le 12 février 2013, le contrôle de la ville reprise aux « rebelles touareg du MNLA » et la capture de responsables de haut niveau dont Abdoul Karim Ag Matafa.

C’est dire la confusion qui règne. Qui fait quoi pour le compte de qui ? Le Matin, dans son édition du 17 janvier 2013, évoquant l’action de Gamou, écrivait qu’il était mis « à l’épreuve pour tester sa loyauté et son efficacité, lui qui n’a cessé, au cours de la guerre, de multiplier les pirouettes et les simulacres ». Illustration de la complexité de la situation : Gamou a accordé une interview à… L’Humanité (vendredi 1er, Samedi 2 et Dimanche 3 mars 2013). Entretien réalisé à Gao par Pierre Barbancey. Grand reporter au quotidien communiste, ancien de l’hebdomadaire niçois Le Patriote (lui aussi dans le giron du PC), Barbancey a l’expérience des terrains difficiles, récemment Afghanistan et Egypte. Il dit de Gamou qu’il est à la tête du GTA8 : « 700 hommes particulièrement aguerris, venus d’unités d’artillerie, de blindés et de l’infanterie ». Il ajoute : « Il n’est pas en soutien. Il fait partie du dispositif ». Gamou lui dit : « La guerre ne fait que commencer, croyez-moi […] C’est maintenant qu’ils vont s’organiser pour mener des attaques partout ». C’est politiquement que Gamou est intéressant. S’il reconnaît « qu’il y a un travail de réconciliation à faire » et qu’on « ne peut pas faire le Mali sans les Maliens » autrement dit sans « les Touareg, ni les Songhaï, ni les Arabes », il affirme : « Il y a une espèce de banditisme politique au non des Touareg et des Arabes du Nord du Mali. Le MNLA pas plus que le MUJAO ou Ansar Dine ou AQMI ne représentent les populations. D’ailleurs, le MUJAO n’a pas seulement recruté des Touareg mais aussi des gens du Sud du pays, ainsi que des Nigériens et des Mauritaniens ». Il ajoute : « Je ne peux pas dire que le MNLA est meilleur que les autres […] Le MNLA n’est rien d’autre qu’un porte-avions pour tous les djihadistes ».

Gamou est arrivé. Un Touareg qui a été très proche d’ATT, que les Touareg de Kidal considèrent comme un « traitre », et qui considère les Touareg du MNLA comme autant de djihadistes. Gamou a été reconnu par le premier ministre Diarra comme l’honneur de la République alors que Diarra a été détesté (et viré) par la junte du capitaine Sanogo. Quant à Dioncounda Traoré, président par intérim, il prend le colonel-major pour un « derviche tourneur ». Gamou est arrivé. Mais personne n’y voit plus clair pour autant !

Jean-Pierre BEJOT

La Dépêche Diplomatique

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16 COMMENTAIRES

  1. Qu’il assoit son contrôle total lui au moins n’est pas un dérangé du pouvoir politico- machin je ne sais quoi des homme ne s’excite pas au moindre mouvement entre kati et Bko. Vamos mon colonel vamos!!

  2. Dans tous lez cas il faudra arriver a nettoyer le nord et apres le sud. Col Gamou derviche tourneur. J’adore sez mots de mon prof. 😉 .

  3. POURQUOI CHERCHER DES POUX SUR LA TETE D’UN CHAUVE.

    Mr. Bejot, On reconnait la votre style manipulateur, mais comprenez que le Mali ne tombera dans vos travers. Le gars a toujours ete du cote de la Republique et comme il l’a dit, JAMAIS AU GRAND JAMAIS, SEUL LE MNLA N’AURAIT PU PRENDRE UNE VILLE DU NORD. ET JAMAIS,SANS CE COUP D’ETAT STUPIDE DU 22 MARS, LA CONQUETE DU NORD PAR TOUS CES EXCREMENTS DE LA TERRE, N’ALLAIT PAS SE DEROULER DE CETTE MANIERE.
    Gamou a eu a le dire, “LUI BIEN QU’ILLETRE EST AUJOURD’HUI COLONEL DANS L’ARMEE NATIONALE, POURQUOI LAISSERAIT-IL CA POUR ALLER SE MELER DE QUOI ENCORE?”
    Mon colonel, tu es reconnaissant envers cette nation qui t’a donne ces grade. Apprends, mon cher, que cette nation t’es aussi reconnaissante pour tout ce que tu fais pour elle. NE LAISSE JAMAIS “L’ENNEMI” DIVISER LES MALIENS.

  4. Tous ces blancs qui veulent mettre en cause sa loyauté n ont d autres ambitions que de le ramener vers le MNLA ou à le dissocier du mali car le colonel est un grain de sable dans leur mouture.
    Ni été sa loyauté il n aurait pas remis aux autorités maliennes le ministre fafantoche de l azawad aux autorités maliennes.la France et tous les amis du MNLA veulent que les touaregs et les arabes du mali parlent le même langage pour que le plan de partition d’i mali puisse être mis en oeuvre.
    Si un touareg affirme que tout à été donné aux touaregs maliens ça va à l encontre des thèses développés par les pseudo sud spécialistes chercheurs français belges du Sahara.
    Des gens qui ne peuvent dire la superficie. Du mali sans regarder leur note.
    Élections hadj garou sera bientôt décoré général d armée.
    Attention, qu’ aucune déclaration d officiels occidentaux ou journalistes même malien ne nous pousse à douter de elhadji gamou

    • Il faut dire tout ça à Sanogo et à ses acolytes.
      Gamou ne s’était pas installé a Niger et ll n’ évite pas Bamako ni à cause des français, ni à cause des belges.

  5. Jusqu’aujourd’hui, on ne connait rien du lien entre Gamou et les autorités maliennes, quel accord a eu lieu pour leur participation même s’ils sont des maliens, il était réfugié vers le niger en ce temps sa position n’était pas claire, il est temps de voir.

  6. je viens de lire un article sur les avantages accordés au capi de kati . les soldats au front sont contre ces avantages accordés au petit capi et complices et ils sont prets à venir à bko parcequ’ils ne peuvent pas comprendre qu ‘ils sont entrain de mourir au front.
    C’est à dire des colonels des commandant qu’un petit capi roule dans du beure alors que il doit etre au front donc DIONKISS fait vite sinon la tension brule nous ne voulons plus de combat entre les frères d’arme au Mali .

  7. Mon colonel la republique est fiere de vous. Mieux que certains generaux. Lisez son interview dans J.A

    Encore merci mon colonel. TACHONS DE NE PAS FAIRE D’AMALGANE.
    VIVE LE MALI UNI AVEC TOUT CES FILS

    • Le Malien toujours NAIF et complexé devant tout ce qui est de peau claire ,continuez à donner des grandes d’officier aux analphabètes arabes et touaregs pour acheter leur patriotisme et leur respect à une nation à majorité nègres dont ils refusent de s’y soumettre.Ces arabes et touaregs se sentent fiers de ce qu’ils sont et ils ne se voit pas etre soumis à une majorité NEGRE voilà le problème dont tout le monde contourne,souvent on a meme honte d’etre Malien quand constate le complexe d’infériorité dont manifeste le Malien à l’égard l’homme à la peau claire et cela se manifeste que ça soit dans le milieu social que politique et meme les milieux islamiques abrutis et aveuglé par la sauvagerie et l’ignorance dont cultive l’islam vouent une certaine idolatrie à tout ce qui est arabe! quelle nation de LACHES?

  8. Les actes disent tout. J’ai connu Gamou à Gao, un homme humble, très respectueux qui n’a aucun problème avec les gens. Il a dit que le Mali a tout donné aux touaregs, lui qui est officier, n’a jamais été à l’école, mais il est colonel de l’armée malienne. Donc il respecte son pays. Ceux qui le traitent de tous les noms sont des ingrats et des peureux. Au moins Gamou est sur le terrain.

  9. 1. Le plus terrible est qu’un comité de révision de l’armée malienne est entrain de se balader dans les camps de Ségou, Sikasso, Kayes, loin, très loin du front, pour parler de salaires des militaires, de leurs logements, formations et équipements. ALORS QUE DES TCHADIENS ET FRANCAIS SONT ENTRAIN DE SE FAIRE TUER POUR NOUS! UN CHEF DE FAMILLE QUI SE FAIT GRASSEMENT PAYER A NE RIEN FRAIRE. Et DES MEMBRES DE LA FAMILLE QUI DISCUTENT DE SAPEURS POMPIERS, DES FAILLES ELECTRIQUES OU DE BOUCHES A INCENDIE DE LEUR MAISON, ALORS QUE LES VOISINS APPELES AU SECOURS ETEIGNENT LE FEU! MAIS QUAND DONC ATTEINDRONS-NOUS LE FOND???????
    2. ET TOUTE LA GESTION DE L’ARMEE NE DEVRAIT PLUS ETRE UN SECRET DEFENSE POUR L’ASSEMBLEE NATIONALE, LE VERIFICATEUR GENERAL ET LES DIFFERENTES STRUCTURES DE CONTROLE, LES MINISTERES DES FINANCES, DU BUDGET OU DE LA JUSTICE… CE SUPPOSE SECRET DEFENSE EST A LA SOURCE DE TOUS LES RECRUTEMENTS NEPOTIQUES, DETOURNEMENTS ET MALVERSATIONS EN TOUT GENRE DANS L’ARMEE MALIENNE.
    3. Tous les jours au Nord, les brigands armés délestent des forains, pillent les récoltes des paysans et viennent attaquer des villages et villes désarmés. Les journaux en parlent peu ou pas, les regards étant braqués sur les points chauds de Tombouctou, Gao et Kidal. Il ne faut pas confondre milices anarchiques à condamner, et brigades d’autodéfense absolument indispensables. Ces brigades d’autodéfense seront constituées de membres de Ganda Koy, Ganda Izo,… bien identifiés et encadrés par l’armée malienne. TOUTES LES ARMEES DU MONDE NE POURRONT PAS PROTEGER TOUS LES VILLAGES ET VILLES DE LA LIGNE DE FRONT. CAR ILS NE PEUVENT PAS PRENDRE LE RISQUE DE SE SUICIDER EN DE PETITES UNITES FRAGILES. DONC, SEULES DES BRIGADES D’AUTODEFENSE BENEVOLES, APPAREMMENT NON ARMEES, DISCRETES, ENCADREES PAR L’ARMEE MALIENNE PEUVENT REUSSIR CE TRAVAIL, A COTE DE LA POLICE, DE LA GENDARMERIE, DE LA GARDE REPUBLICAINE, ET DE L’ARMEE OCCUPEE EN DES TOURNEES PERMANENTES DE RENSEIGNEMENT ET DE SECURISATION EN MILIEU NOMADE (les conseillers, les chefs de villages et de fractions étant largement mobilisés pour le renseignement).

  10. Si les militaires noirs maliens ne fontpas le poid devant l’énémi, Gamou à toujours et aura tjours un grand role role à jouer……..arretons de l’accuser de traitre ou d’homme floux, cest la guerre…Que direz vous des militaires maliens qui sont tirés au vu et au su de tous……..Gamou na pas tué des militaires de l’armée reguliere……………Il a droit à se venger de ce Iyad Agaly qui lui a retiré sa femme……… 😆 😆 mes cousins aiment la femme trop 😆

  11. On peut l’aimer ou ne pas l’aimer, mais Gamou est un officier émérite, un homme de conviction, qui depuis qu’il s’est rallié, tient parole. Si notre armée avait plusieurs Gamou, on n’aurait pas besoin de troupes étrangères pour défendre le territoire national. Il mérite le grade de général. Merci mon général.

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