Bamako, 2 oct 2019 (AFP) – L’attaque de deux camps militaires maliens par des jihadistes s’est soldée par l’un des plus lourds bilans depuis des mois pour les forces gouvernementales et leurs alliés africains. Des clés pour comprendre les évènements.
– Que s’est-il passé ? –
Des jihadistes ont attaqué dans la nuit de dimanche à lundi deux camps militaires maliens situés à la frontière avec le Burkina Faso.
Des forces spéciales maliennes ont été déployées lundi matin, appuyées par des vols et frappes aériennes de l’opération militaire française Barkhane, selon une source diplomatique.
L’un des camps, Mondoro, a été repris mardi matin, mais les combats ont continué toute la journée à Boulkessy, à une centaine de kilomètres.
Un premier bilan du gouvernement malien faisait état mardi soir d’au moins 25 morts parmi les soldats maliens et d’une “soixantaine de disparus”. Quinze jihadistes ont été tués, selon Bamako.
Les jihadistes ont emporté “un important lot de matériels militaires et roulant”, a indiqué à l’AFP une source sécuritaire à Bamako, soulignant que “les militaires maliens (présents dans le camp) se sont repliés” dès le début de l’attaque.
Des médias locaux ont fait état d’une vingtaine de véhicules capturés par les jihadistes, dont certains équipés de mitrailleuses.
Selon un rapport de l’armée consulté par l’AFP, deux hélicoptères de l’armée et une dizaine de véhicules ont été incendiés par les jihadistes à Boulkessy. Le camp a été détruit.
Une opération militaire conjointe Mali-Burkina Faso appuyée par la force militaire française Barkhane se poursuivait mercredi, selon une source diplomatique.
– Quelle est la portée de ces attaques ? –
Les évènements de Boulkessy sont les plus meurtriers pour l’armée malienne depuis mars, quand l’attaque d’un camp à Dioura (centre) par des jihadistes avait fait près de trente morts.
Encore le bilan risque-t-il d’être bien plus lourd. A Bamako, les rumeurs courent sur la “soixantaine de disparus”. Sont-ils aux mains des jihadistes ?
Ont-ils été tués ? Des doutes s’expriment aussi sur la réalité des chiffres gouvernementaux.
Le bataillon malien de Boulkessy relevait de la Force conjointe du G5 Sahel. Il s’agit pour cette dernière de l’attaque la plus meurtrière depuis sa création en 2017.
L’idée de cette force, poussée par la France, était de faire monter en puissance les armées régionales pour épauler, voire à terme remplacer, Barkhane. Mais ses résultats sont très minces.
L’attaque de Boulkessy, visé par les jihadistes à plusieurs reprises dans le passé, en est un nouvel exemple, en même temps qu’elle illustre l’incapacité de Bamako à contrôler de larges pans du territoire.
– Qui est derrière ces attaques ? –
Le gouvernement accuse les “terroristes”, autrement dit les jihadistes. Personne n’a encore revendiqué la double attaque, même si le G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Tchad) a mis en cause le groupe jihadiste Ansaroul Islam.
Le mode opératoire est celui des groupes jihadistes dans la zone: basés en brousse, ils procèdent par attaques ciblées mais constantes dans la sous-région, et posent des mines artisanales sur les grands axes.
– La situation au Sahel est-elle hors de contrôle ? –
La crise sahélienne, qui a pris ses racines au soulèvement de groupes armés indépendandistes dans le nord du Mali en 2012, a depuis muté: des groupes jihadistes sont nés dans la zone, les violences intercommunautaires se sont multipliées, et les gouvernements locaux n’arrivent pas à faire face.
Le conflit s’est étendu au centre du Mali, où un jihad peul et des violences intercommunautaires incessantes sèment la désolation, et dans les pays voisins.
Une large partie du Burkina Faso et l’ouest du Niger font face depuis plusieurs mois à des attaques incessantes et quotidiennes de groupes jihadistes contre les symboles de l’Etat central (bases militaires en priorité) et les civils qui refusent de se soumettre.
L’attaque de Boulkessy est le symbole de “l’intensification de l’activisme des groupes extrémistes violents (au Sahel) avec des cibles de plus en plus ambitieuses”, note Baba Dakono, du think-thankInstitut d’études de sécurité, à Dakar.
Boulkessy est situé dans une zone stratégique de trafic et d’influence jihadiste aux confins du Mali, du Niger et du Burkina. Les groupes armés “n’ont pas intérêt à y laisser un dispositif militaire se renforcer”, dit-il.
Mi-septembre, l’Afrique de l’Ouest a décidé d’un plan d’un milliard de dollars sur quatre ans pour éviter notamment que les jihadistes étendent leurs attaques aux pays situées plus au sud.
Par Amaury HAUCHARD