Près de quatre mois après son enlèvement dans la région de Tombouctou, Amadou Kebe, plus connu sous son surnom de Dr Keb, a été libéré. Le rappeur malien a atterri à Bamako ce mardi 16 novembre dans la matinée.
La conversation téléphonique est couverte par les effusions de joie. À l’arrière plan, les sonneries de téléphones ne cessent de retentir, interrompues par des salutations empreintes de liesse. Au bout du fil, on distingue à peine les mots euphoriques : « On est tous tellement heureux ! On a passé plus de trois mois sans nouvelles et maintenant il rentre à la maison. Ce que vous entendez, ce sont des cris de joie, des cris d’impatience. Il arrive ! »
« Il », c’est Amadou Kebe, dit Dr Keb, et au bout du fil c’est Zenabou, une de ses amis. Depuis le 29 juillet dernier, le rappeur malien était aux mains d’un groupe jihadiste lié à al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Ce jour-là, alors qu’il était en tournée, l’artiste avait disparu sur la route de Gourma-Rharous, dans la région de Tombouctou. Ousmane Coulibaly, son chargé de son protocole, Alfousseyni Touré, son agent, Aziz Maïga, promoteur sur une partie de la tournée, et son frère, Mohammed Maïga, avaient également été enlevés.
Revenus en pinasse
Si ces trois derniers avaient été libérés en septembre, Dr Keb et Ousmane Coulibaly ont dû attendre jusqu’au lundi 15 novembre. Alors que le jour tombait, les deux hommes sont arrivés en pinasse à Tombouctou, depuis l’autre côté du fleuve, avant d’être conduits au camp des Forces armées maliennes, où ils ont passé la nuit. Mardi matin, ils ont embarqué dans un avion en direction de Bamako avant d’aller directement au palais présidentiel. À Koulouba, ils ont été reçus en fin de matinée par le président de la transition, Assimi Goïta, le Premier ministre, Choguel Maïga, et le ministre de l’Administration territoriale, le lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga.
Depuis les hauteurs de Bamako, le rappeur, enturbanné de blanc, s’est exprimé devant quelques journalistes : « La liberté, c’est la plus grande richesse d’un homme. Là-bas, nous n’avons pas été maltraités, frappés ou insultés. Nous n’avions pas de confort, mais nous avons tenu. Quand quelque chose comme ça t’arrive, il faut essayer d’encaisser et d’accepter », a confié Dr Keb, qui s’est dit reconnaissant envers les autorités pour avoir « travaillé dans l’ombre » à sa libération.
« Notre joie était tellement forte hier soir quand nous avons appris la nouvelle ! Sa maman a dansé jusqu’à en avoir mal aux pieds », se réjouit Amadou Moboguiri Togo, membre du label de Dr Keb et porte-parole de la cellule de crise mise en place par les proches de l’artiste après son enlèvement.
« Informés de rien »
Toujours dans l’attente de pouvoir parler aux anciens otages qui s’apprêtaient à passer la nuit auprès des autorités, les proches de Dr Keb ne masquaient pas leur impatience mardi soir. « Pour l’instant, les autorités ne nous ont informé de rien. Nous avons appris leur libération hier par nos propres moyens, on ne nous a rien dit sur leur plan de vol, et nous avons appris qu’ils étaient à Koulouba comme tout le monde, en voyant une photo circuler sur les réseaux sociaux », s’irritait Amadou Moboguiri Togo.
Pendant les 109 jours de captivité du chanteur, « la cellule de crise n’a eu de cesse d’alerter l’opinion nationale et internationale. D’abord, pour ce que nous pensions être une disparition. Ensuite pour ce qui s’est avéré être un enlèvement », rappelle-t-il. De Bamako à Rharous en passant par Tombouctou, avec des relais dans chacune des trois villes, ils ont sont partis en quête de nouvelles et ont tenté d’ouvrir des canaux de discussion. « Un travail qui a payé, s’enthousiasme Zeinabou. Ce soir, on va célébrer le retour de Dr Keb. Et demain, notre équipe, qui s’est installée à Tombouctou après l’enlèvement pour obtenir des informations, sera aussi de retour. Alors commencera la vraie fête ! »
Quant à la musique ? « Quiconque connaît un peu Dr Keb sait qu’il aura tiré des textes et des chansons de cette expérience et qu’il les clamera au Mali bientôt », prophétise Amadou Moboguiri Togo. Un retour à la chanson imminent, après près de quatre mois privé de musique ? « Là-bas, nous n’avions pas la permission de chanter. Parfois je m’éloignais dans la forêt, je chantais un peu, les larmes coulaient », a confié l’artiste depuis Koulouba.