« Toujours pas d’électricité, pas de banques, pas d’administration: Gao vit une époque préhistorique! », soupire un habitant. Dans cette ville du nord du Mali éprouvée par la récente occupation islamiste, le nouveau pouvoir issu de la présidentielle aura fort à faire.
A quelques jours du premier tour fixé à dimanche, des secrétaires de mairie sont penchées sur de vieilles machines à écrire, dans une pièce plongée dans la pénombre.
Dans la grande ville du Nord occupée, comme le reste de la région, par des groupes armés liés à Al-Qaïda de la mi-2012 jusqu’à l’opération française lancée en janvier, l’électricité n’est fournie que quelques heures par jour dans les différents quartiers.
La mairie elle-même est la preuve vivante des difficultés d’un retour à la normale.
Ravagé depuis l’an dernier par les combats, l’hôtel de ville, que longe le paisible fleuve Niger, a certes fait peau neuve mais, faute de mobilier, il « demeure paralysé », explique à l’AFP l’adjoint au maire, Aboubacar Touré. Le maire n’a toujours pas investi ses bureaux, et ses collaborateurs sont installés dans des bâtiments annexes exigus.
L’administration dans son ensemble peine à reprendre ses droits. « Au moins 80% des fonctionnaires de la région qui ont fui à l’arrivée des jihadistes ne sont pas encore revenus », selon l’adjoint.
Ceux qui sont présents, instituteurs ou encore agents des eaux et forêts, sont essentiellement des natifs de la région. La police n’est pas visible en ville, où patrouillent l’armée et la gendarmerie, appuyées par des troupes françaises et onusiennes.
Tout n’est pas désespérant, insiste cependant un autre fonctionnaire municipal, Zakaria Dicko: « en quelques mois, nous avons réussi à reconstituer une partie des archives détruites par les groupes armés, et établi des actes de naissance pour les enfants nés pendant l’occupation ».
Mais l’argent manque. « La mairie n’arrive plus à percevoir les taxes et les impôts auprès des commerçants », déplore Aboubacar Touré. « Ils disent qu’ils ont été ruinés par la crise et ne s’en sont toujours pas remis ».
« Les affaires ne marchent pas bien, donc on ne paiera rien du tout! », tranche Alhassane, un épicier du marché « Washington », dans le centre-ville.
« changer la donne »
Adossé au comptoir de son magasin de vêtements, Elhadj Dramane attend d’hypothétiques clients. Il ira voter dimanche en espérant que l’élection va « changer la donne: mettre un terme à l’injustice, la corruption et le détournement de deniers publics. S’il n’y a pas de changement après, alors la guerre contre les jihadistes n’aura servi à rien ».
Le quotidien est encore compliqué par la fermeture des banques.
« Pillées et détruites, les banques n’ont pas rouvert et les fonctionnaires perçoivent toujours leur salaire à Bamako ou à Mopti », la grande ville du centre, souligne Amadou Diallo, un instituteur. « Pour envoyer ou recevoir de l’argent, il faut passer par des sociétés de transport », explique-t-il.
Les marchés regorgent de produits mais les habitants de la ville, ravitaillée à partir du sud du pays et surtout de l’Algérie et du Niger voisins, se plaignent que les prix ne cessent de monter.
« La majorité des habitants peinent à joindre les deux bouts », observe Mamadou Hassane, animateur sur une radio locale.
L’eau fait aussi régulièrement défaut. Alors « il faut s’approvisionner au fleuve avec tous les risques de maladies, surtout que les dispensaires manquent de médicaments essentiels », se lamente Fatimata, une jeune maman, bébé au dos
Le sous-développement ne date pas d’hier, pointe toutefois Idrissa Hamane, ex-employé d’une ONG, aujourd’hui chômeur. Son espoir? « Que le nouveau président pense aussi à nous, car toutes les actions de développement des précédents gouvernements se sont concentrées dans les zones du sud du pays ».
Dans l’immédiat, le manque de pluies durant le mois de juillet inquiète.
« Les rizières qui s’étalent le long du fleuve sur plusieurs kilomètres se déssèchent. C’est un signe de mauvaises récoltes », décrypte Ali, un piroguier. Le riz est ici l’un des aliments de base.
Beaucoup craignent une crise alimentaire comme la région en a connu récemment, ce qui obligerait à appeler une nouvelle fois au secours.
Pour Boubacar Maïga, un jeune réparateur de téléphones portables, l’élection devra permettre de rompre avec les habitudes du passé: « il nous faut un président honnête et intègre. Même l’aide alimentaire offerte par l’extérieur est détournée ou vendue à de riches commerçants ».