Les premières petites pluies de l’hivernage ont commencé à tomber sur Gao. Organisés par la Croix rouge malienne, le CICR, les acteurs de santé locaux, la mairie et la direction régionale de l’assainissement, 400 jeunes de la Cité des Askia ont déjà nettoyé une grande partie des caniveaux. Il leur reste 1km5 à curer. Grâce à cette action citoyenne, la ville sera assainie, les risques de palu et de choléra seront diminués. La présence d’organisations internationales humanitaires assure ainsi une part du redémarrage de la vie quotidienne.
Mais le doute, la confusion et la suspicion s’installent dans l’esprit des populations. De toutes parts, arrivent des propos concernant ce qui se passe dans la région de Kidal. L’armée française qu’ils avaient accueillie comme leur libérateur «semble» y entretenir des relations douteuses avec le MNLA. Mais, ils n’en ont encore aucune preuve, donc, ils ne peuvent pas comprendre, ils ne veulent pas croire que la France, le «pays des Droits de l’Homme», s’intéresse moins à l’avenir de l’ensemble des populations qu’aux revendications du groupe qui a été leur premier agresseur et qui ne représente que lui-même. Le malaise enfle. La déception serait trop grande. Si la France, qui les a libérés d’une année de martyre, a des intérêts à protéger, l’ensemble des populations accepterait de l’accompagner sans condition. Mais, si des accords injustifiés et intolérables étaient signés sous les yeux de «l’internationale», donc de la France, la colère citoyenne ne pourrait certainement pas être apaisée et le soutien de l’ensemble des populations lui serait perdu. Les soldats français qui assurent encore les conditions sécuritaires, à Gao et autour, commencent d’ailleurs à être apostrophés.
Depuis de longs mois, à ceux qui leur parlaient d’impérialisme et de Françafrique, les Maliens de l’extérieur et les amis du Mali expliquaient que la chose la plus importante était que l’opération Serval ait libéré leurs parents, leurs frères et sœurs du joug des bandits armés. Leur présence dans la cour des Invalides pour l’ultime hommage à Damien Boiteux, le 15 janvier, en a été la preuve la plus absolue. Mais, ils ne se sont jamais laissé aveugler. Depuis les premières semaines de 2012, ils se sont indignés face à la présence des représentants du MNLA sur le territoire français, ils ont marché jusqu’au Parlement européen, à Strasbourg, contre le soutien que ces gens-là y recevaient, et se sont exprimés, sans relâche, acceptant même de les affronter sur les plateaux des télévisions et radios internationales, pour contrecarrer la sur-médiatisation dont ils bénéficiaient.
À Paris, samedi dernier, ils se sont à nouveau groupés, enveloppés dans les vert, jaune, rouge du drapeau, pour réclamer le retour à l’intégrité du Mali, pour refuser les élections sans Kidal, pour demander l’armée malienne sur tout le territoire, pour exiger le désarmement du MNLA et le maintien des mandats internationaux contre tous les coupables. Ils avaient eu l’autorisation officielle de marcher de l’Ambassade du Mali au ministère des Affaires étrangères, mais, à leur grand étonnement, au dernier moment, on les a informés, qu’ils devraient se contenter d’un rassemblement. C’est plus tard qu’ils ont compris que c’était probablement une façon, pour les autorités, d’empêcher un potentiel croisement houleux avec une autre marche, celle appelée par le groupe berbère, Tamazgha, en soutien aux revendications du MNLA, les assimilant ainsi à leurs propres combats. Cette récupération politique occulte la voix des Maliens touaregs qui réfutent l’entreprise d’instrumentalisation de leur communauté par un groupe qui se réclame du droit des peuples à disposer d’eux mêmes, alors qu’il n’est composé que d’une poignée d’individus, que personne, ni eux les Kel Tamasheq, ni aucune population du nord du Mali, n’a mandaté.
Au même moment, une conférence se tenait à Montreuil, sur le thème «Après la guerre, quel avenir pour le Mali ?» Toutes ces notions, toutes ces interrogations y ont été débattues. Il a été rappelé, à nouveau, que le mythe de «l’homme bleu» qui fascine tant d’Occidentaux, a été principalement créé, dès la période pré-indépendance, dans une tentative de mainmise française sur le Sahara, par le projet OCRS, Organisation Commune des Régions Sahariennes, (1957). Beaucoup, dans le public, ont reconnu avoir été victimes des sirènes médiatiques qui ne manquent jamais de montrer ces hommes au visage enveloppé d’un turban, mais qui «oublient» de préciser que la plupart des hommes vivant dans les conditions climatiques extrêmes des régions nord du Mali portent le même, depuis des générations. Il faut beaucoup de pugnacité et de persévérance à tous ceux qui, semaine après semaine, mois après mois, au Mali comme ailleurs, œuvrent pour que la tempête que traverse le Mali se calme. Hommage doit aussi être rendu à ceux, Africains de tous les horizons et Occidentaux, qui débattent avec eux pour mieux comprendre les causes et conséquences «des crises» maliennes. Il faut, à chacun, toute la diversité des points de vue et des analyses, pour comprendre l’avenir, qui, tout le monde en est conscient, est suspendu aux décisions qui seront prises à Ouaga, qu’on le veuille ou non.
Françoise WASSERVOGEL
L’accord de la honte, l’accord du rabaissement, qui l’aurait cru le jour ou nos braves soldats se faisaient canarder à haguel-hoc ? Je suis contre cet accord quelques soit les modalités.
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