L’ex-otage français Daniel Larribe raconte sa captivité

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François Hollande, le président français (2nd d) avec les quatre ex-otages français, (de g à d) Marc Feret, Pierre Legrand, Daniel Larribe, Thierry Dol à leur arrivée sur le tarmac de l'aéroport militaire de Villacoublay, le 30 octobre 2013. Reuters
François Hollande, le président français (2nd d) avec les quatre ex-otages français, (de g à d) Marc Feret, Pierre Legrand, Daniel Larribe, Thierry Dol à leur arrivée sur le tarmac de l’aéroport militaire de Villacoublay, le 30 octobre 2013.
Reuters

Près de deux semaines après leur libération, on en sait un peu plus sur les conditions de détention des quatre otages d’Arlit ainsi que sur leurs déplacements – pendant leur captivité – et sur leurs ravisseurs. Daniel Larribe, libéré le 29 octobre après plus de trois ans de captivité dans le désert malien, raconte sa détention au journal Libération dans son édition de ce mardi 12 novembre.

Le récit de Daniel Larribe confirme l’organisation des ravisseurs et de leurs réseaux. Au cours de ses trois ans de captivité, l’ex-otage a été détenu par des groupes de différentes communautés et nationalités. Ses gardiens ont d’abord été des Touaregs maliens, la plupart du temps, des jeunes moudjahidins âgés de15 et 16 ans. Tous les deux mois, environ, ses gardiens étaient changés.

 

 

Au moment de l’intervention française, ce sont des Mauritaniens, des Algériens et des Tunisiens qui ont mis les otages à l’abri et fui, de jour en jour, avec eux, les bombardements. C’était « des hommes plus aguerris  », dit Daniel Larribe qui a aussi croisé des Nigérians, des Soudanais et des Sahraouis qui s’exprimaient en espagnol, une preuve de plus des soutiens dont bénéficient les jihadistes du nord du Mali.

 

 

Il évoque aussi la complicité de bergers qui ont alerté les ravisseurs lorsqu’il a tenté de s’évader en février 2012 avec Thierry Dol. Certains bergers faisaient également, dit-il, du troc avec les islamistes.

Daniel Larribe confirme que ses ravisseurs connaissaient très bien le terrain. « Pendant trois ans, nous avons bougé dans un mouchoir de poche », dit l’ex-otage. Les ravisseurs ont su aller de cachette en cachette pour se mettre à l’abri des bombardements français, au point même de revenir dans une des grottes qu’ils avaient dû quitter précipitamment lors de l’intervention des troupes Serval. Son groupe est toujours resté au Mali et s’est seulement rapproché de la frontière mauritanienne au moment de la libération.

 

 

L’ex-otage raconte également qu’il était, la plupart du temps, détenu avec Thierry Dol. Marc Feret et Pierre Legrand étaient, eux, sous la surveillance d’ un autre groupe. Tous les quatre ont été réunis une cinquantaine de jours l’année dernière, avant d’être à nouveau séparés. Daniel Larribe dit avoir aussi aperçu brièvement Serge Lazarevic, toujours otage au début de l’opération Serval.

 

 

Des moments de peur lors de l’intervention française

Daniel Larribe confie avoir eu peur lors de l’intervention française, qui a débuté en janvier. Son groupe, en effet, a été survolé à plusieurs reprises par des avions. Il dit avoir été comme paralysé le jour où il a vu un hélicoptère au-dessus de lui, à 150 mètres seulement, et entendu des tirs.

 

 

Il s’est trouvé aussi tout près des accrochages au sol. L’ex-otage décrit des combats qui se déroulaient à 300 ou 400 mètres de sa cachette. Il raconte les longues marches à pied pour fuir les bombardements qui visaient surtout les pick-up et dit d’ailleurs avoir perdu ses affaires et notamment ses notes dans une voiture qui a été touchée par un tir non loin de lui.

 

Par RFI

 

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  1. Trois ans et un mois dans le désert, et soudain la ­liberté. Quelques jours après la fin de son long calvaire, Daniel Larribe revient, aux côtés de son épouse, sur cette épreuve qui en a fait aussi, à son corps défendant, un témoin privilégié de l’organisation et des objectifs poursuivis par Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi). Libéré le 29 octobre après plus de trois ans de captivité dans le désert malien, il a décrit pour Libération sa détention, la fuite pendant l’opération Serval, sa tentative d’évasion et le comportement «correct» de ses ravisseurs, «souvent très jeunes, autour de 15-16 ans». «Durant les périodes critiques, où des craintes existaient pour notre sécurité, on était gardés par environ 14 moudjahidin, équipés de deux voitures. En période normale, ils étaient six, avec un seul véhicule, prêt à démarrer en cas d’urgence. Les équipes changeaient en général tous les deux mois, sans doute pour éviter que des affinités se créent entre les gardiens et nous», raconte-t-il
    Ce géologue est convaincu que jamais ses ravisseurs ne lui ont fait quitter le Mali. «Même si je n’étais pas capable d’effectuer une localisation précise, je pouvais suivre notre progression. Quand l’opération Serval a débuté, nous étions dans une zone volcanique, autrement dit dans l’Adrar des Ifoghas. Puis, après, dans le désert, et dans une région où dominent les formations sédimentaires. Quand on a été exfiltrés de la zone des combats, on a contourné le sud de l’Adrar pour aller se réfugier bien plus à l’ouest, en direction de la Mauritanie. On a tourné dans un mouchoir de poche dans le massif ­volcanique.»

    De la grotte où il était détenu, Daniel Larribe, était comme en première loge, lors du déclenchement de l’opération Serval. Il en livre un récit extêmement précis: «Le 22 février au matin, on a assisté aux premiers accrochages terrestres. A un moment donné, les soldats français étaient seulement à 300 ou 400 mètres de nous… On entendait les bombes, on voyait de la fumée noire s’élever. Puis, très peu de temps après, on a assisté au départ des Toyota : les moudjahidin fuyaient. Ils nous ont fait sortir de la grotte et nous ont extraits de la zone des combats lors d’une marche d’une douzaine de kilomètres. Les avions visaient les dépôts, les Toyota. Ils ne s’intéressaient pas à quelques marcheurs, qui pouvaient bien être des bergers.»

    Lire l’intégralité de l’interview de Daniel Larribe dans Libération ou dans notre zone abonnés.

  2. Les coupables du double assassinat n’ont toujours pas été identifiés et la question de la sécurité dans la zone de Kidal reste entière.
    «Nous avons eu de la chance, cela s’est joué à pas grand-chose», dit Daniel Larribe en songeant au sort tragique de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Dix jours après l’assassinat près de Kidal des deux journalistes de RFI, l’enquête «progresse», a indiqué hier sur RMC le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Ce dernier a toutefois répété hier que les auteurs de ce crime n’avaient pas encore été formellement identifiés. En revanche, sa revendication par Abdelkrim al-Targui («le Touareg»), l’un des chefs d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), est jugée crédible par Paris.
    Désengagement. Une source proche du dossier privilégie deux hypothèses à ce stade : un rapt commandité et effectué directement par des éléments d’Aqmi, ou alors par un groupe de «sous-traitants» dont ferait partie Bayes ag-Bakabo. Originaire de Kidal, ce dernier a été identifié comme étant le propriétaire du pick-up dans lequel nos deux confrères ont été enlevés. Les enquêteurs maliens et français cherchent maintenant à déterminer la nature exacte de ses liens avec les groupes terroristes toujours actifs dans la région. L’exécution par balles peu de temps après le rapt des deux journalistes pourrait être liée à la panne de la direction du véhicule des ravisseurs constatée par les enquêteurs.

    Cet événement tragique a mis cruellement en lumière le manque de sécurité à Kidal. Nos deux confrères de RFI y ont été convoyés par la force de l’ONU au Mali, la Minusma. «Les Casques bleus ne sont pas assez nombreux pour sécuriser la ville», estime un expert. Et la France ? «Ce n’est pas la mission de Serval d’assurer la sécurité dans les villes», explique une source gouvernementale à Paris. Depuis le double assassinat, l’Hexagone a tout de même déployé 150 hommes en renfort des quelque 200 déjà présents. Tout en prenant soin de confirmer sa volonté de se désengager comme prévu après les élections législatives de la fin du mois. Paris, qui négocie en ce moment un accord de défense avec Bamako, veut maintenir un millier d’hommes au Mali, équipés d’hélicoptères, pour poursuivre la lutte antiterroriste.

    «Humiliation». Ce drame a par ailleurs aiguisé les tensions latentes entre les Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et Bamako, chacun se renvoyant la balle quant à l’insécurité dans la localité. Les hommes du MNLA sont sur la défensive : ils ont subi une «véritable humiliation au cœur de ce qui est censé être leur fief», estime un observateur. Le pouvoir central a envoyé une centaine d’hommes supplémentaires, qui demeurent cantonnés dans leurs casernes. Mais vendredi, le MNLA a accusé l’armée malienne d’avoir exécuté sommairement trois de ses membres à proximité de la frontière avec le Niger. L’atmosphère s’est encore alourdie depuis que les représentants des mouvements touaregs, réunis à Ouagadougou (Burkina Faso), ont annoncé leur intention de remettre le contrôle du gouvernorat et du siège de la radio-télévision nationale aux autorités maliennes jeudi prochain.

    Thomas HOFNUNG

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