La mort des 13 soldats français en territoire malien, il y a deux semaines, dans le cadre de l’opération Barkhane, est manifestement en train de faire tâche d’huile dans les relations entre la France et certaines de ses anciennes colonies. Comment justifier le prix du sang au Sahel face à une opinion française de plus en plus grincheuse et dont le ton monte sur l’intervention de son armée pendant qu’approchent à grave enjambée la période électorale française.
La présence au forceps du président IBK à la cérémonie d’hommages rendus aux 13 soldats de l’armée française, morts dans la région de Menaka, n’aura pas suffi pour calmer les ardeurs et rabaisser les tensions sur la question. Pendant qu’à Bamako la grogne règne sur l’illisibilité de la présence française au Mali, à Paris la gêne s’est si confortablement installée que le ton est monté de plusieurs crans. La colère a ainsi retenti dans l’Hexagone à travers une sortie arrogante du président français en marge du Sommet de l’OTAN. Exaspéré tant par l’ampleur de la perte militaire essuyée au Mali que par la réaction mitigée de l’opinion sahélienne, Emanuel Macron a opté pour une posture pour le moins discourtoise à l’égard de ses homologues du G5. Il leur est ainsi intimé, d’un ton colonial, de se rendre toutes affaires cessantes à Pau, en territoire français, pour procéder à une clarification du cadre et des conditions d’intervention des forces étrangères au Sahel. Les chefs de l’Etat du Sahel, selon le locataire de l’Elysée, doivent également formaliser une demande en vue de lever toutes les équivoques et ambiguïtés qui entourent encore la présence française dans le Sahel. Intervenue dans un contexte peu propice au genre d’injonction, la démarche du jeune chef de l’État n’a pas manqué de cristalliser davantage la polémique sur l’opportunité de se rendre à Pau. Mais, que les premiers décideurs du G5-Sahel se rende ou non à la convocation de leur homologue français semble une question moins cruciale que les tenants du rendez-vous. De quoi accouchera, en définitive, le mini-sommet de Pau, le 16 décembre prochain ? À en juger par les insinuations plus ou moins lisibles sur le ton et l’énonciation, il n’est pas si difficile d’imaginer qu’à l’ordre du jour du conclave pourrait s’inviter un tournant déterminant : la nature de la coopération militaire avec les pays du Sahel qui ne sont pas encore liés à l’ancienne métropole par un Accord de défense. Il n’est donc point exclu, en clair, que la clarification dont il s’agit se résume à une tentative de monnayer le prix du sang contre une sous-traitrance des défenses nationales, un privilège que le pays de Macron tente sans relâche d’arracher depuis de nombreuses années. En tout cas, il s’agit probablement d’une parmi tant d’autres «options sur la table» auxquelles allusion est faite par le président français – et dont l’acceptation ou non devrait conditionner la présence ou le départ de la France du Sahel. Ainsi coincés entre la menace djihadiste et la pression de leurs peuples attachés à une souveraineté virtuelle, les chefs d’Etat du Niger, du Mali et du Burkina Faso vont peut-être devoir se résigner à troquer de force leurs coopérations militaires contre des accords de défense ou à disparaitre sans la France.
A KEÏTA