Le Mali dans l’œil du cyclone

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Le terrorisme donne à la violence des proportions véritablement tragiques du fait des moyens employés et de l’ampleur des désastres provoqués. Sur les bords du fleuve Djoliba et dans la cité des trois caïmans, il vient de prendre une tournure jusque-là inconnue dans le pays. Même si l’usage de la terreur à des fins politiques a une longue histoire dans le monde, comment le Mali s’est-il trouvé dans l’œil du cyclone ?

On ne peut parler des attentats terroristes sans penser à Carlos et à l’Armée républicaine  irlandaise (IRA). Pourtant, ni l’un ni l’autre n’avait des penchants islamistes et personne en son temps n’avait songé à relier leurs actes au christianisme ou à un quelconque extrémisme religieux.

 

L’histoire du terrorisme

 

De 1973 à 1975, Carlos prend les commandes du Front populaire de libération de la Palestine – Opérations externes (FPLP-OE) dont il n’était au départ qu’un simple sympathisant. Pendant cette période, il est responsable à Londres d’un attentat à la bombe contre la Hapoalim Bank et il tente d’assassiner Joseph Sieff, un homme d’affaires juif, avant de se réfugier en France où il revendique une série d’attentats à Paris : explosions à la voiture piégée devant les locaux de L’Aurore, de Minute et de L’Arche, attaque au lance-roquette dans l’aéroport d’Orly, tir sur un Boeing 707 de la compagnie nationale israélienne de transport aérien. L’avion n’explose pas et s’écrase sur une voiture. La seconde roquette transperce un Douglas DC-9 yougoslave. Plus tard, il reviendra à Orly avec deux autres personnes, pour récupérer un bazooka caché dans les toilettes, prendre deux personnes en otage dans le hall, demander et obtenir un avion pour rallier Bagdad. Cette attaque fera 21 blessés. D’autres faits d’armes importants figurent à son actif dont l’assassinat de Raymond Dous et Jean Donatini, deux inspecteurs de la DST. A partir de 1997, opposés au processus de paix en Irlande du Nord, des dissidents de l’Armée républicaine  irlandaise (IRA) qui se baptisent “IRA Véritable”,  commettront de nombreux attentats à la bombe. Ainsi en trois ans, entre 1998 et 2001, une voiture piégée fera 11 blessés à Moira en Irlande du Nord, après que le Sinn Fein eut été temporairement exclu des négociations de paix. Une voiture piégée sautera également dans le fief protestant de Portadown et une autre fera 35 blessés à Banbridge. Alors que les relations sont tendues entre catholiques et protestants au sein de l’exécutif autonome, une bombe saute dans un hôtel d’Irvinestown en Irlande du Nord. L’« IRA Véritable » frappera en Angleterre même où le pont Hammersmith à Londres est visé. Par la suite, une bombe est découverte dans la station de métro et de train d’Ealing Broadway dans l’ouest londonien. De fausses alertes à la bombe perturberont les cérémonies pour le 100ème anniversaire de la reine mère et des tirs de roquettes sont dirigés contre le siège du MI6, le service de renseignement britannique. Une voiture piégée saute devant les studios de la BBC et on découvrira une autre sur le parking de l’aéroport international de Belfast avant qu’une dernière fasse six blessés dans le quartier d’Ealing. Personne n’a incriminé le christianisme même si les victimes et les auteurs étaient soit des catholiques, soit des protestants. Vouloir relier les attentats terroristes actuels à l’Islam n’aidera pas à résoudre le problème parce que les musulmans sont tout aussi victimes que les autres. Les Maliens en sont à se demander pourquoi leur pays, jadis si tranquille  est subitement devenu le point de convergence des poseurs de bombes.

 

COMMENT LE MALI S’EST-IL RETROUVE DANS L’ŒIL DU CYCLONE ?

 

Le constat est que le terrorisme a tendance à naître et à se développer partout où il existe des questions socio-politiques majeures mal résolues, comme la réponse à la volonté de domination d’une puissance. Ainsi, tous les pays impliqués actuellement dans les bombardements de l’Etat islamique en Syrie et ailleurs sont devenus des cibles à travers le monde.

La rébellion dans le septentrion malien avait créé un terrain favorable à l’entrée en scène des « djihadistes » qui voulaient récupérer toute la bande sahélo-saharienne, avant que l’intervention française de janvier 2013 vienne les contrarier. Face à la supériorité militaire, ils adopteront la stratégie de la terreur. Il ne faut pas perdre de vue que l’univers musulman malien a subi de grands changements au cours des trente dernières années avec l’arrivée en force de courants réformateurs plus stricts et opposés à toute ouverture en direction des valeurs occidentales.

Les « djihadistes » joueront à fond cette carte d’autant plus que la prolifération des bars et autres maisons closes à proximité des écoles et des domiciles avait déjà provoqué des prêches incendiaires dans certaines mosquées et places publiques. Puis, l’annonce du nouveau code de la famille avait conduit un jeune prédicateur devenu célèbre, à franchir le rubicond en ne proposant pas moins que l’assassinat du président de la république en exercice, sans aucune réaction des pouvoirs publics. La récente interview de l’Iman Dicko, abondamment relayée dans la presse ne fait que jeter un pavé dans la mare car il existe de plus en plus de Maliens pour penser que la multiplication des attaques terroristes s’explique par la présence des forces étrangères, surtout françaises mais aussi par la dépravation des mœurs sociales.

Le problème est à la fois réel et complexe ; ce qui pourrait expliquer l’attitude des pouvoirs publics face à certaines dérives.  En effet, quel responsable politique malien se risquerait à défendre la pratique de l’homosexualité ou le mariage homosexuel, comme cela se fait dans certains pays occidentaux qui sont nos « amis » ? Comment devenir Charlie et le proclamer dans une société comme la nôtre lorsqu’il est question de blasphèmes? L’attitude affichée par le président sénégalais Macky Sall est frappée du sceau du bon sens. Face à Obama, il dit clairement que nos sociétés ne sont pas prêtes à accepter le mariage homosexuel et qu’il n’est pas question qu’on nous l’impose. De la même manière, il affirme que nous pratiquons un Islam tolérant et qu’il n’est pas acceptable que l’on vienne nous imposer des pratiques venues d’ailleurs. De telles prises de position traduites en décisions et actions publiques permettraient de rassurer les populations face aux « pollutions sociales » redoutées de l’Occident, comme il y a peu le déversement des déchets toxiques. Elles permettraient également de les armer contre les nouveaux vendeurs d’illusions déguisés en « djihadistes ». Pour mémoire, il y a moins d’un demi-siècle, la société malienne était constituée de bonnes familles car chacune faisait l’effort de respecter un code d’honneur précis. Aujourd’hui, en dehors de certains cercles restés très exigeants sur la question, qui se risquerait à nouer une alliance de confiance juste sur la base de la réputation d’une famille ?

Notre société a évolué et pas toujours dans le bon sens parce que nous avons appris à choisir l’or et non la richesse, parce que les pouvoirs publics n’ont pas été capables de faire progresser ensemble les notions de liberté et de responsabilité. Tout le monde veut être libre mais personne ne veut de la contrainte. Nous sommes donc devenus faibles et vulnérables, incapables de sortir des contingences pour penser et régler nos problèmes sans une intervention extérieure, avec tout ce que cela comporte comme risques et contraintes.

Mahamadou Camara

Email : camara_mc2006@yahoo.fr

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