Le groupe narcoterroriste de l’algérien Mokhtar Belmokhtar Al-Mourabitoune a revendiqué l’attentat de Bamako et d’autres opérations dont la tentative d’assassinat, fin janvier 2015, en plein cœur de Bamako, de l’officier arabe de l’armée malienne, le Général Mohamed Ould Meydou, brillant officier resté fidèle à l’Etat.
ans un enregistrement audio, le groupe de Mokhtar Belmokhtar a déclaré ” revendiquer la dernière opération de Bamako menée par les vaillants combattants d’Al-Mourabitoune pour venger notre prophète de l’Occident mécréant qu’i l’a insulté et moqué et notre frère Ahmed Tilemsi “. Il s’agit d’un Arabe malien de Tarkint, l’un des fondateurs du mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Il a été tué dans la région de Gao. Son mouvement a fusionné en 2013 avec le groupe de l’Algérien Belomkhtar, l’un des émirs d’AQMI encore en vie entre le désert malien et le sud libyen.
La “ Terrasse”, la cible du groupe Al-Mourabitoune, est un établissement sur deux niveaux avec une boite de nuit au rez-de-chaussée et un bar restaurant à l’étage très apprécié des Occidentaux et de la jet-set bamakoise. L’établissement se trouve dans l’une des rues “ la rue princesse “, les plus animées de Bamako qui abrite beaucoup d’autres bars et restaurants sollicités par les expatriés. Faute de dispositif sécuritaire, cette rue constituait donc une cible facile pour les terroristes. Comme ce fut le cas dans cette soirée tragique de vendredi à la ” Terrasse “. Les restes de nourriture dispersés çà et là, les verres et vitres brisés, les traces de sang, les impacts de balle témoignent de la violence des incidents douloureux survenus dans le bar restaurant sis à l’étage de l’établissement.
De sources concordantes, la “ rue princesse ” ou encore la “ rue Bla-Bla ” ou ” glo-carré ” grouillait de monde cette soirée comme à son habitude. Les gens vaquaient tranquillement à leurs activités et rien ne laissait présager une soirée agitée qui finirait dans un bain de sang. Chacun des bars restaurants était achalandé. Un peu au-delà de minuit, une patrouille du troisième arrondissement, le commissariat le plus proche, s’engage dans la rue et procède au contrôle des identités. Selon l’un des officiers de police, responsable de la patrouille ” lorsque nous sommes arrivés au niveau de la Terrasse, nous avons aperçu dans la rue un individu de peau claire assis sur une moto djakarta. L’homme portait par-devers lui un gros sac. Nous lui avons d’abord demandé ses pièces d’identité, il n’en possédait pas. Avant de lui demander les pièces de la moto Djakarta. La seule pièce qu’il nous a présentée était une facture d’achat au nom d’un certain Ag Mohamed ” a déclaré l’officier de police.
Ajoutant que pour ce qui est du sac que l’individu suspect portait, il a refusé que la police s’en saisisse. Face à son refus de nous remettre le sac, poursuit-il, nous lui avons demandé de l’ouvrir. C’est en ce moment que ” l’homme a enfoui de toutes ses forces ses deux mains dans le sac pour les sortir avec deux grenades. A la vue de ces explosifs, nous avons tous crié à la grenade avant de nous mettre à l’abri. L’homme profita alors de la panique pour jeter la première grenade qui a explosé. La seconde grenade lui est tombée entre les mains et n’a pas explosé. Nous avons voulu riposter lorsque des tirs sortis d’un 4×4 stationné à proximité ont atteint un gardien qui n’est pas celui de la Terrasse, mais d’un autre établissement voisin. Le Sergent Cheick Oumar Dembélé, non moins chauffeur, s’est emparé de l’unique arme de la patrouille, il n’a pas eu le temps de tirer qu’il s’est trouvé sous les feux nourris d’un assaillant. Une autre personne, qui se trouvait à l’étage de la Terrasse, un des complices, s’est aussi mis à tirer sur les personnes ” a précisé notre interlocuteur. Une fusillade s’en est suivie.
Il nous revient que dépassés par les événements, les policiers sans équipement se sont mis à l’abri avant l’arrivée des renforts. En plus du policier, d’un des gardiens des lieux et d’un jeune homme, le Français Fabien Guyomard vivant au Mali depuis 2007 et âgé d’une trentaine d’années a été tué. S’y ajoute un Belge, agent de sécurité à la MINUSMA, qui venait à peine d’arriver au Mali. Les corps des victimes ont été acheminés à la morgue du CHU Gabriel Touré. Alors que les blessés ont été conduits à l’hôpital du Mali. Parmi ceux-ci figuraient deux Suisses qui ont été transférés à Dakar après avoir subi une opération chirurgicale d’urgence à Bamako.
Une trentaine d’hommes suspects dans la nature
Dans notre parution du vendredi 6 mars, nous évoquions la saisie par le Régiment des commandos parachutistes de Samanko d’une importante quantité d’armes, de munitions et des exemplaires du Coran dans la forêt du Mandé non loin de Bamako. Les personnes suspectées dans cette affaire, qui sont parvenus à s’enfuir, sont estimés à une trentaine. Certainement des narcoterroristes, dont certains ont réussi à infiltrer la population. Il n’est pas exclu de faire le lien entre la présence de ce groupe mystérieux lourdement armé à la lisière du Mandé et les responsables de l’attaque meurtrière de Bamako. Les enquêteurs devraient mener leurs investigations aussi bien à Bamako où les terroristes se sont cachés, que dans la périphérie où des complices pourraient se trouver.
Condamnation et mobilisation générale afin de traquer les auteurs de ce crime abominable
Au lendemain de cette attaque, le président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta, accompagné des membres du Gouvernement, a visité les lieux de cette tragédie à l’hippodrome. Avant de présider à Koulouba un Conseil de défense extraordinaire en compagnie des hauts gradés de l’armée malienne. Au cours duquel il a insisté sur le renforcement du dispositif sécuritaire et exhorté les chefs militaires à tout entreprendre pour mettre hors d’état de nuire les auteurs et complices de l’attentat de Bamako.
Le président français François Hollande, qui a déclaré avoir convenu avec son homologue malien Ibrahim Boubacar Kéïta de “ mesures communes pour renforcer la sécurité au Mali ” a qualifié cet attentat de ” lâche “. Le parquet de Paris a immédiatement ouvert une enquête pour ” assassinat en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroristes “. Des enquêteurs français sont attendus à Bamako. La Belgique a aussi annoncé l’envoi d’enquêteurs au Mali.
Signalons que depuis samedi, des enquêteurs maliens, assistés par des gendarmes français, s’attèlent à réunir les indices pouvant leur permettre de remonter la piste de ces terroristes.
ABDOULAYE DIARRA & C. TYENOU
Dispositif sécuritaire défaillant: Des responsabilités à situer
Bamako, notre capitale, s’est réveillée le samedi matin sous le choc. En effet, pour la première fois de son histoire, un attentat y a été commis dans l’une des rues les plus animées où l’alcool, le sexe et la drogue sur fond de crime sont légion. Le bilan est très lourd : cinq morts, dont trois Maliens. Le risque zéro n’existe pas, car on a vu des terroristes frapper en plein cœur de Paris, Washington et j’en passe. C’est pour dire que nul n’est à labri et que la vigilance et une bonne coopération entre forces de l’ordre et population doivent être de mise. Toutefois, face à des indices et lorsque des moyens colossaux sont déployés, il faut que des responsabilités soient situées. Loin de nous une quelconque idée de faire le procès de qui que ce soit.
Tout d’abord, venons-en aux faits. Le samedi, à exactement 1h 06 mn, un lecteur de votre fidèle journal nous appelle pour dire qu’un attentat vient d’être commis dans la rue Princesse ou la rue Blabla, au bar restaurant La Terrasse. A la question de savoir ce qui s’est passé, voici le résumé d’un témoin oculaire : “ J’ai vu un homme de teint clair enturbanné ouvrir le feu et jetant des grenades sur des clients. C’était la débandade totale. Ça tirait et ça criait sur le toit de la Terrasse. J’ai vu trois corps, dont un gardien, un policier et un Blanc. Jai également vu le tireur ouvrir le feu sur le véhicule de patrouille de la police. C’était horrible “. La suite on la connait, en tout cas à peu près.
72 heures après cet attentat, il est temps de s’interroger sur le dispositif sécuritaire mis en place pour sécuriser la capitale et ses habitants. Il y a quelques semaines, la télévision nationale montrait des images de la police, la gendarmerie et la garde nationales en patrouille de 22 h à l’aube. Depuis, des langues commencent à se délier pour dénoncer la mainmise de la hiérarchie policière notamment sur les moyens mis à disposition pour la bonne tenue de ces patrouilles. C’est ainsi que des sources policières nous ont affirmé que lors de la dernière patrouille, le Trésor public a débloqué 64 millions de FCFA pour les équipes au nombre de 35 dont 15 pour les 15 arrondissements de police de Bamako et environ 20 pour les éléments de la Garde nationale. Seulement le hic est la Direction générale de la police ne met que 20 litres de carburant à la disposition de chacune de ces équipes. Ce qui est dérisoire et les contraint à cesser les patrouilles dès minuit.
Au-delà de l’aspect financier, il est important de mentionner que les policiers n’ont pas les moyens de faire face aux missions à eux confiées. Car, sur les 15 commissariats que compte le district de Bamako, pas un seul ne dispose de plus de quatre pistolets automatiques. Beaucoup n’en ont que deux, voire trois alors que leur compétence territoriale s’étend sur plusieurs quartiers.
Pour en revenir à l’attentat du samedi, une source sécuritaire nous a confié que le directeur régional de la police du district était informé que quelque chose se produirait dans la journée du vendredi, en l’occurrence une entrée massive de djihadistes par Yirimadio. Cette information est d’autant plus crédible que le Commissariat de police du 13eme arrondissement, en charge de Yirimadio, était sur le qui-vive.
Ensuite, il a été dit que ce n’est plus par Yirimadio, mais par Sirakoro Meguetana que des djihadistes entreraient. Malgré toutes ces informations, le dispositif mis en place était inefficace, car les hommes envoyés sur le terrain étaient en nombre insuffisant avec du matériel pratiquement obsolète. A ce niveau aussi des questions demeurent : le directeur régional de la police a-t-il partagé l’information avec la hiérarchie ? La cellule anti-terroriste de la Sécurité d’Etat était-elle au courant ? Dans tous les cas, ce qui s’est passé le samedi interpelle plus d’un à la responsabilité d’abord, puis à la mobilisation enfin au sursaut.
Diakaridia YOSSI