La « crise malo-malienne » est entrée dans sa phase d’internationalisation. Et ses acteurs pourront méditer sur l’irresponsabilité qui a été la leur d’ouvrir la boîte de Pandore. L’axe Abidjan-Ouaga, autour duquel s’articulait l’action de la Cédéao, a laissé la place à un axe Ouaga-New York via Paris. Et il n’est plus une rencontre internationale où la question du Mali ne soit abordée.
Arrivé dimanche 10 juin 2012 dans la capitale française, Djibrill Y. Bassolé a déjeuné le lundi 11 juin 2012 avec Ally Coulibaly, nouveau ministre ivoirien de l’Intégration africaine. Jusqu’à présent ambassadeur en France, et conseiller diplomatique du président Alassane D. Ouattara, Coulibaly a pris la suite d’Adama Bictogo qui n’a pas survécu (pour ce qui est de son job gouvernemental ; pour le reste, il n’est pas encore mort politiquement et socialement) aux effets collatéraux de « l’affaire du Probo Koala ». On avait pensé, un temps, à Abidjan, que Daniel Kablan Duncan étant ministre des Affaires étrangères, il n’était pas nécessaire de nommer un ministre en charge de l’Intégration africaine. C’était oublier qu’ADO préside la Cédéao et que celle-ci est passablement désintégrée.
Si Bassolé, le Burkinabè, est constamment sur le terrain diplomatique (et politique pour ce qui est duMali), il fallait aussi qu’un Ivoirien mouille sa chemise. Coulibaly a encore les jambes pour cela et la confiance de son patron avec lequel il est, depuis longtemps, en grande proximité. Nommé le 4 juin 2012, Coulibaly était de retour à Paris juste à temps pour y rencontrer Bassolé, homme-clé de la « crise malo-malienne » avec lequel il va devoir travailler en tandem. Coulibaly l’a dit lors de sa nomination : « Il va falloir que je m’investisse et que j’essaie de comprendre à ma façon […] Je ferai très rapidement mon apprentissage ». C’est parti. Bassolé, à l’issue de son déjeuner avec Coulibaly, a été reçu, le lundi 11 juin 2012, par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avant de s’envoler pour Berlin (où le président du Faso devait débarquer quelques jours plus tard) puis aussitôt après pour New York.
Selon Bassolé, ce déplacement visait à « faire un briefing au Conseil de sécurité sur l’évolution du processus de médiation et dire tout l’appui que nous attendons de la communauté internationale ». Quant à Coulibaly, sa destination était Conakry pour préparer l’arrivée d’ADO en vue du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union du fleuve Mano, présidée par Ellen Johnson Sirleaf, présidente de la République du Liberia, l’occasion d’aborder la question de l’insécurité sur la zone frontalière entre les deux pays, sept Casques bleus nigériens venant d’être tués dans le Sud-Ouest ivoirien.
Ouaga n’a jamais pensé que la résolution de la « crise malo-malienne » serait simple. Mais ne pensait pas, pour autant, qu’elle serait délicate (pour ne pas dire « bordélique »). Blaise Compaoré n’avait pas une vision positive du mode de production politique d’ATT et, avant même que celui-ci ne soit dégagé du pouvoir, il pointait du doigt des insuffisances (et c’est un euphémisme) qui laissaient craindre que le Malin’irait pas aux élections en temps voulu ainsi que chacun voulait le faire croire. Il avait la certitude, également, que l’absence de traitement, par Bamako, du problème Tamasheq conduirait dans le mur. Sauf que la résolution de ce problème a été compliquée par la « guerre » que le Nord a déclaré au Sud dans la perspective de son « indépendance » et, plus encore, par le faux-vrai coup d’Etat d’Amadou Sanogo.
Sanogo a été l’arbre qui cache la forêt. Et aujourd’hui, à Ouaga, on semble avoir pris totalement conscience que la junte est instrumentalisée par des « forces occultes », une mafia malienne dont nul ne connaît les ramifications, et dont l’objectif est de disqualifier la classe politique pour instaurer un chaos propice à une « révolution à la Blé Goudé ». D’où la recherche d’un premier ministre anachronique – Cheick Modibo Diarra – dont l’anachronisme semble d’ailleurs être, jusqu’à présent, la seule qualité politique. Mal soutenu sur le flanc Est du Mali par ses partenaires au sein de la Cédéao, Ouaga se préoccupe actuellement de trouver du soutien sur le flanc Ouest, du côté de la Mauritanie, conscient que sur le flanc Nord, du côté de l’Algérie, le jeu diplomatique est particulièrement délicat. Délicat certes, mais il faut bien, aussi, prendre en compte les intérêts d’Alger dans cette crise « malo-malienne » qui déborde sur tout le « corridor sahélo-saharien » et même au-delà. Avant de s’envoler pour Paris, Berlin et New York, Bassolé a d’ailleurs déclaré que le facilitateur – en l’occurrence Blaise Compaoré – souhaitait intégrer dans la médiation « les acteurs importants que sont l’Algérie, la Mauritanie, pour trouver une solution durable au problème malien ».
Bassolé compte aussi sur le soutien des chefs d’Etat du Nigeria, de Côte d’Ivoire et du Niger ; c’est dire que l’objectif est de créer un front commun des Etats de la région qui sont concernés par les effets collatéraux de la « crise malo-malienne ». On notera par ailleurs que les contacts avec les Algériens ont été laissés à la « libre » appréciation de Cheikh Modibo Diarra dans le cadre des relations bilatérales entre Bamako et Alger. Le premier ministre malien vient de séjourner dans la capitale algérienne, à l’invitation de son homologue, Ahmed Ouyahia, afin de rencontrer – « dans le cadre des consultations régulières entre les deux pays » – les personnalités qui traitent ce dossier : Mourad Medelci, le ministre des Affaires étrangères, Abdelmalek Guenaizia, le ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, et Abdelkader Messahel, le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines (il préside la délégation algérienne qui participe aux réunions de la Cédéao relatives à la « crise malo-malienne »).
Alger ne craint rien tant que les interférences de facilitateurs en connexion avec Paris et Washington (ce qui est le cas de Ouaga mais aussi d’Abidjan qui préside actuellement la Cédéao) qui conduiraient à une présence militaire « étrangère » sur sa frontière Nord (cf. LDD Algérie 030/Mercredi 2 mai 2012). Alors que le président de la République du Mali par intérim, Dioncounda Traoré, est en convalescence à Paris à la suite de son agression à Bamako, la démarche de Modibo Diarra à Alger a d’ailleurs été présentée par certains médias maliens comme un « complot » mené par Bamako et Alger contre la Cédéao.
Depuis le début de la crise, celle-ci brandit la menace d’une intervention militaire ; une menace qui est démentie par la multiplication des actions de médiation. Si le jeu « solo » d’Alger indispose beaucoup de diplomates, il n’en demeure pas moins vrai que sa ligne d’action apparait comme la plus adéquate. Mourad Medelci l’a rappelé à Modibo Diarra : « L’Algérie se dit disponible pour œuvrer avec les parties prenantes pour consolider une transition forte et légitime à Bamako et promouvoir une solution politique entre le gouvernement malien et les rebelles du Nord qui privilégie d’abord la voie du dialogue et enfin d’engager toutes les capacités et les énergies dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé ». On ne peut pas être plus clair : la priorité est d’avoir un pouvoir « fort et légitime » au Sud du Mali avant d’envisager de solutionner la question de la rébellion dans le Nord du Mali. Pas question de mettre la charrue avant les bœufs. Pas de « guerre » avant d’avoir stabilisé la situation à Bamako. Une approche qui, finalement, conforte les thèses développées par le MNLA.
Le mouvement indépendantiste a toujours affirmé qu’aucune négociation avec Bamako n’était possible tant que le gouvernement en place ne serait pas nationalement et internationalement crédible et reconnu. Mais, bien évidemment, personne ne pouvait penser que l’état de pourrissement de la République du Maliétait tel qu’un quarteron de petits officiers allait faire sombrer le Sud du Mali dans le chaos alors que le Nord du Mali faisait sécession. D’où le retour à de meilleurs sentiments des cadres du MNLA qui pensent que la négociation est une nécessité urgente.
Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique / lefaso.net – lundi 18 juin 2012
Pour éclairer la lanterne à ce journaliste: il n’existe pas de Nord-Mali ou de Sud-Mali. Pouquoi pas Est et Ouest-Mali pendant qu’il y est!?
L’argument de ce specialiste des affaires Maliennes encourage la classe politique du Mali a continuer les batailles de portefeuilles, de laisser de cote le demenbrement de notre pays.C’est
ahurissant qu’un journaiste etranger, soit-il francais ,puisse se
permettre de tells arrogances.Tout temps perdu pour deloger cette
horde de nos frontieres se traduira par une guerre plus longue pendant laquelle les problemes de developpemet economique seront sacrifies.
Monsieur, tu as beaucoup parloter, tu es parti à Alger, Ouaga, Abidjan et Bamako sans pour autant dire quelle est selon toi la place des que les partis politiques doivent jouer s’ils ne sont pas dans le Gouvernement.
Comment comprendre que nos amis CEDEAO sans contrepartie se sacrifient autant pour le Mali, mais qu’il y ait des Maliens qui empêchent le gouvernement de travailler tout simplement qu’ils n’ont obtenu de postes ministériels et que certains Maliens saluent ses derniers comme héros. Quelle honte !!!!
c’est sûr le problème c’est Sanogo et CMD!
Il faut qu’ils dégagent
Comments are closed.