La guerre vécue à Gao

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Notre équipe, la première du pays à fouler le sol de la cité des Askias vient passer quelques jours sur place, en contact avec les populations ainsi que les maîtres des lieux, qui sont loin d’êtres des « diables » car ils ont accompagné nos envoyés spéciaux (Mahmoud Alpha MaÏga et Benjamin Sangala) sur le terrain. Un reportage inédit qui a donné espoir à nos populations qui pensaient avoir été abandonné même par la presse. Reportage.

Partit de Bamako dans l’après midi du lundi 14 juillet dernier aux environs de 12H GMT, nous sommes arrivée après de longues heures de voyages, le lendemain vers 6heures GMT au dernier poste le plus avancé de l’armée régulière qui fait désormais frontière avec cette autre partie du Mali. C’est à partir la ville de Kona que l’état arrête  de  vivre, pas une seule trace de l’état. Tous les postes (douanes, gendarmeries) sont abandonnés. Le trafic est libre sans grande inquiétude. Les villes aux abords de la route nationale VI : Boré, Douentza, Hombori, Gossi ont perdu de leur saveur d’antan. Une psychose de terreur anime les populations de ces contrées. Mais néanmoins, petit à petit, les habitudes quotidiennes renaissent peu à peu.

Arrivée à Gao

Après ces différentes étapes vécues, nous voilà à Gao le mardi vers 13 heures sous un soleil de plomb. A l’entrée de la cité des Askias, nous sommes arrêtés à deux Check-points à quelques kilomètres du fameux pont Wabaria dans la commune rurale de Gounzoureye, village du même nom que le pont. Sans grande surprise deux hommes apparaissent aux barbes touffues, armés jusqu’aux dents et s’approchent de notre véhicule pour des contrôles de formalité. Le véhicule est fouillé correctement, sans encombre ni anicroches. Vite fait et nous voilà dans la ville  de Gao, calme.

Gao, ville fantôme

Gao, cette ville fantôme qui reprend peu à peu ses activités quotidiennes  depuis l’envahissement le 31 mars par les islamistes du MUJAO et les indépendantistes du MNLA.

Une semaine aura suffit pour que devienne la capitale de l’AZAWAD après que l’armée régulière ait abandonnée la ville. Mais, le 21juin la population aidée par les éléments du MUJAO se débarrassent des tenants de cette velléité indépendantiste chassant le MNLA de la ville et de ses environs. Plus aucune trace du MNLA. «MNLA c’est fini » comme on pouvait l’entendre de la bouche de Cheick Oumar Hakka du MUJAO.

Départ forcé de l’armée

Ici, le départ forcé de l’armée de la ville et la débâcle du MNLA se raconte partout comme une vieille légende de la savane. Les récits sont accablants et se ressemblent les uns aux autres à part quelques convergence d’idée qui animent la passion. Dans la plupart des réactions, on pouvait tout de suite lire l’abandon de l’état, sa léthargie face à la situation. Furieux, M. Moussa Boureima Yoro, superviseur général de la coordination  des jeunes patrouilleurs de la ville l’évoque en ces termes : « L’état est parti, mais les maliens sont restés ». Ce regroupement des jeunes patrouilleurs est né à la veille du départ de l’armée pour sécuriser les  personnes et leurs biens et surtout ceux de l’état car pense t-il « tôt ou  tard, l’état va revenir ». « Mais il le faut, le plus vite possible », estime le superviseur. Quant aux autres biens tombés dans les mains des éléments du MUJAO (armes, matériels informatiques et autres mobiliers) sont difficilement récupérable car : « ils les considèrent comme des butins de guerre », poursuit notre interlocuteur.

Un constat s’impose, c’est que tous les  bâtiments à caractère publics ont été détruit (casernes militaires, banques, gouvernorat, poste, ORTM, écoles, prison). « Voici les fondements d’un nouvel état que l’Azawad voulait bâtir », remarque un vieux furieux. « Sous la terreur, la destruction massive des biens, vols et agression sur des personnes sont devenus leurs quotidiens », indique un jeune.  « Au-delà de ceux-ci, des biens privés et des lieux de cultes chrétiens n’ont pas été épargné : les hôtels, les restaurants et les dancings ont été pillé et les églises avec. Cette église (catholique) a été détruite par les gens du MNLA et non par les gens du MUJAO » nous confie Iyla  Ag Almadj, le gardien des lieux qui désormais sans boulot, garde les lieux désespérément. « Pas une seule messe depuis le 31 mars », remarque-t-il.

Gao s’organise par ses jeunes

Quatre grands mouvements sont nés après le départ de l’état pour soit sauvegarder l’image de la ville, défendre les intérêts de tout nature  et protéger les personnes et leurs biens. Il s’agit de : la Brigade de vigilance ou les jeunes patrouilleurs, le mouvement « Nous pas bouger », celui des  jeunes Songhoy Ganda et le dernier né, est le Mouvement Populaire « Soni ali Ber ». Ces  jeunes racontent la situation avec beaucoup d’amertume : «  Quand l’armée est partie, nous étions dans l’obligation de nous organiser afin d’assurer le service minimum », nous confie un membre du mouvement « Nous pas bouger ». Quant aux jeunes patrouilleurs, ils assurent la surveillance nuit et jour de la ville. C’est sauf en cas d’urgence que le MUJAO intervient à travers la Police islamique. M. Moussa Ousmane Touré, un  diplômé  membre du MPSA  se prononce ainsi sur l’état : « Il faut que l’état soit fort. Aujourd’hui en vue d’agir d’une même voix, les jeunes sont dans la dynamique de mettre une plate forme des mouvements de jeunes en place ».

MUJAO/Population de Gao : Une alliance très complexe

M. Cheick Oumar Hakka, Chef d’état major et Abdoul Hakim, chef de la sécurité du MUJAO, sont les hommes forts de la cité et environnants. Ils sont craints de tout le monde à cause de leur autorité qui est sans ambiguïté. Ces islamistes depuis un temps règnent en maitre sur la ville des Askia. Véhicules pick up assiégés d’armement de dernière génération font des vas et viens entre Gao et alentours, des guerriers formés et armés sécurisent les quelques établissements vitaux qui ont été épargné par les pillages : l’hôpital et l’énergie.

Qui sont-ils ?

Pour ces messagers de l’Islam, « leur mission, c’est faire appliquer la « charia » partout ou leur route leur mènera »,  nous explique  M. Oumar avec un ton plein de conviction. A la question de savoir comment conçoivent-ils la présence du gouvernement ?

La réponse est sans  ambiguïté.  Oumar nous répond en haussant le ton : « L’état est une création humaine et cela n’est rien devant Allah. Nous sommes au service de Dieu ». Pour le MUJAO, c’est défendre la notion de nation que celle d’état mais cela sous l’application stricte de la charia. Quant à leur cohabitation avec les populations, notre interlocuteur est on ne peut plus clair : « NOUS vivons bien avec les gens de Gao. C’est une famille » conclut-il.

L’avis des populations

Les avis sont très variés sur ces islamistes. Pour M. Moussa Ousmane Touré : « Le mujao a pu gagner la sympathie de la population. ILS ONT financé le curage des caniveaux jusqu’à environs trois millions, une ambulance à l’hôpital dont ils assurent le carburant ». ILS arrivent à s’intégrer tant bien que mal. Mais, ils demeurent de trop pour cette femme militante d’un mouvement, Aminata  Soumaiguel :  « Le MUJAO embêtent les femmes, qui ne doivent pas avoir de contact quelconque avec les hommes même avec son frère alors qu’au temps du MNLA, c’étaient les vols et les pillages. A vrai dire, il faut que ces deux envahisseurs quittent nos terres » fustige-t-elle. Ce point est  renchéri par un journaliste de la place, M. Malick Aliou de la radio « Adar koima ». « Le MNLA et le Mujao sont les mêmes choses. Ce sont tous des bandits ». Ensuite il enchaîne sur ce ton : « Abdoul Hakim est un mercenaire, un agent de renseignement pakistanais, très recherché dans le monde. Il doit avoir plus de 100 passeports sur lui, leur chef se trouve vers le Yémen, et s’appelle Hamada Ould Mohamed Kerou dit Abou Gungun ». Pour notre confrère : « Si l’état ne prends pas garde,  cette situation peut dégénérer sur une  autre rébellion sous une autre forme car de nos jours, même les femmes et les enfants savent manier les armes ». Aussi, poursuit-il : « plus de 60% des combattants du MUJAO sont des tamasheqs et d’ailleurs c’est avec leur complicité que ceux-ci ont pu envahir la ville, par ce qu’au départ ils pensaient bien écouler leurs marchandises. Quant au MNLA, M.  Moussa B. Yoro nous édifie que : « si le MNLA était indépendantiste, il allait être juste et non orchestré une ségrégation raciale ». Dans cette situation « personne n’a confiance à l’autre », nous confie le commerçant Abdoul Haidara. Pour lui : « MUJAO, Aqmi et Iyad n’est qu’un cirque dans lequel chacun a un rôle puisque le  MUJAO est une branche armée d’AQMI, spécialiste dans les enlèvements et les prises d’otages qu’ils acheminent pour Aqmi et Iyad  Ag Aghaly fait office de négociateur pour des rançons qui sont estimés à des milliards. Mais il se trouve aujourd’hui que ce dernier est en perte de vitesse », nous explique toujours interlocuteur. Pour certains, bien que mal vus, les islamistes vivent en rédempteur, car compatissent tant que bien mal aux peines de la population en les aidant à assurer le service minimum en absence de l’état et surtout, les aidant à se débarrasser des indépendantistes du MNLA. Pour tout homme avertit, l’interrogation qui demeure est : a quoi rime tout cela? A quand leur départ ?

L’organisation humanitaire de la ville

Les évènements du 31 ont fait beaucoup de déplacés, indiquent-on. De cette date à ce jour, les populations reçoivent à travers les ONG des dons pour compenser à  certaines peines. Là encore, l’état est vu de mauvais œil. «  L’état est parti, mais il pouvait assister les populations restées sur place. Et depuis lors, nous n’avions même pas reçu un kilogramme de riz, ni un litre d’essence. Tout ce que nous recevions, proviennent des organisations humanitaire : le CICR, la Croix Rouge d’Algérie  et croissant rouge du Qatar et d’autres bons offices », explique un notable. Quant à la gestion des vivres, un conseiller communal El Hadj Mahamane Traoré nous dresse le bilan :  «  Nous avions reçu 169 milles tonnes de riz ; 33 milles litres d’huiles et 25 tonnes de haricots et des centaines de kilogrammes de sel alimentaire. A la distribution, chaque famille a reçu 25 kilos de riz, quatre litres d’huiles. Insuffisant mais très signifiant, car les populations  tentent de se contenter avec ». Où sont passés les convois humanitaires de « Cri du cœur, COREN et autres », s’interrongent-on dans al cité des Askias ?

A l’hôpital, les agents de santé s’organisent comme ils peuvent

A l’hôpital, les agents de santé restés sur place, arrivent à s’organiser pour assurer les services sanitaires minimum selon les moyens à leur disposition. Ils sont aidés par la croix rouge. L’énergie, elle fonctionne par une gestion très méticuleuse. Ainsi, l’électricité, est distribué, un jour sur deux et mieux, pour l’eau, c’est comme d’habitude.

S’agissant du COREN, les habitants de Gao se plaignent. A en croire les populations interrogées, les rapports ne sont pas aussi bons. Pour ce jeune président du Mouvement populaire Soni Ali Ber joint par téléphone M. Tandina : « On ne défend pas les intérêts d’une population dont on ne vit pas les réalités ». « Depuis la crise le Collectif des Rssortissants du Nord (COREN) n’a envoyé aucune délégation officielle sur les lieux pour se rendre compte des réalités de la population » nous confie t-il. Et cela est d’avis de bon nombre de la population.

Le plaisir en clando

Loin de ce qui se raconte dans les autres contrées de la ville, les amateurs d’excitants de toutes sortes se procurent comme ils le peuvent et avec discrétion pourvu qu’ils ne soient pas aperçu par les éléments  du MUJAO. « Nous fumions nos cigares et consommons l’alcool chez nous et c’est sans crainte », nous confie ce jeune, mèche allumé à la main. Au départ, ils interdisaient de regarder la télé, d’écouter la musique, mais aujourd’hui tout ce passe dans le respect de l’autre. Bien que morose, la ville reprend peu à peu sa saveur d’antan malgré l’absence des restaurants, bar, dancing et autres lieux de plaisir. Jeunes filles et garçons se bousculent au marché dans leurs activités quotidiennes. Il existe également une liberté  d’accoutrement. Tout de même les vieilles habitudes liées à la culture des riverains n’ont pas du tout changé : foulard et turban font beau jour sur les têtes.

La presse locale abandonnée à elle-même

Les journalistes de la place arrivent difficilement à exercer leur métier. Toutes les radios ont fermées, seule la radio « Adar Koima » émet. D’autres ont été agressé, bastonné par des éléments du MNLA souvent en pleine émission. Mais selon le confrère Malick Aliou : « aucune presse ne leur est venue au secours, ni daigner faire des motions de solidarité  à leur endroit ». Et alors que soutient-il « nous sommes membres de l’URTEL tout comme de la Maison de la Presse. Nous regrettions ce comportement de la part de nos confrères de Bamako ». Néanmoins avec les agressions de nos confrères Abdramane Keita de l’Aurore  et de Saouti Haidara de l’indépendant, ils ont aussi marché en signe de solidarité.

Benjamin SANGALA envoyé spécial

 

 

 

 

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